La Révolution s’emballe…
Depuis le 6 octobre 1789, l’Assemblée Nationale Constituante est installée dans la salle du Manège, non loin du château des Tuileries (celui-ci sera incendié et détruit lors de la Commune en 1871). Les députés vont réorganiser en profondeur la structure administrative et sociale du pays, à partir du principe de la « table rase » (on construit à partir de zéro).
C’est bien l’Assemblée Nationale Constituante de 1789, et non celles qui lui succéderont (l’Assemblée Nationale Législative, la Convention Nationale), qui effectua la part la plus importante de la Révolution, celle qui perdurera.
L’Assemblée va effacer les treize parlements et les quatre conseils souverains, qui existaient depuis plus de deux siècles. Toutes les anciennes provinces, les pays d’états, les pays d’élection, les bailliages dans la moitié nord de la France, les sénéchaussées dans la moitié sud, les échevinats et les consulats sont remerciés.
La France de 1789 sera divisée en quatre-vingt-trois départements. Chacun d’eux sera divisé en districts, cantons et communes. Un conseil par département sera élu par les habitants. Idem pour les communes. La gestion de l’État Civil (Naissances, mariages, divorces, décès) sera dorénavant réalisée par les représentants de la commune et non plus par le clergé.
Aussi étrange que cela puisse paraître de nos jours, cette organisation décentralisée était le fait de demandes des aristocrates et des notables.
Sur le plan fiscal, l‘Assemblée Nationale Constituante, guidée par le principe de l’égalité (comme précisé dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen validée le 26 août 1789), supprima tous les impôts directs de l’Ancien Régime (dîme, taille, vingtième, capitation, etc.). Elle supprima aussi les impôts à monopole (gabelle, tabac, boissons, etc.), ainsi que toutes les taxes ou les péages (pont, rivières, chemins, etc.), pour ne conserver que les droits de douanes aux frontières de l’État.
L’Assemblée Nationale Constituante simplifia les droits d’enregistrement, timbre, hypothèques et créa trois principales et nouvelles impositions : la contribution foncière, la contribution mobilière et la patente.
Sur le plan de la Justice, la gratuité, pour tous, fut validée et ses services furent entièrement refondus, dans un sens de simplification et d’efficacité. Les tribunaux ouverts au public, dans lesquels les juges sont élus et non plus nommés, rendront la justice au nom du peuple.
Le 2 novembre 1789, une autre et profonde modification du paysage ecclésiastique fut validée, suite à la proposition, pour remédier à la crise financière, de Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, pourtant lui-même, évêque d’Autun.
Sa demande, validée à l’Assemblée Nationale Constituante par 568 voix contre 346, était de réquisitionner tous les biens du clergé, afin d’en vendre une grande partie. Ceci, sous réserve d’assurer le salaire des prêtres et de prendre en charge la fonction de « soulagement des pauvres » gérée par l’Église.
Cette modification entraîna de nombreux problèmes de mise en œuvre, car l’Église et ses membres assumaient aussi, une immense activité éducative et caritative. Le secteur de la santé et de l’assistance aux nécessiteux (hôtel-Dieu, hôpitaux généraux, hospices, etc.), subirent les conséquences de l’impréparation des nouveaux responsables.
Par cette opération, plus de quatre-vingt mille bourgeois, déjà très fortunés, et quelques riches paysans, se rendirent acquéreurs d’un peu moins de 6 % du sol national. Ces ventes à un public sélectionné ont contribué, dans les années suivantes, à la création d’une couche de population très aisée qui perdurera jusqu’au 21ᵉ siècle.
Le 15 mars 1790, l’Assemblée Nationale Constituante porta un coup décisif et profond contre la noblesse. Elle supprima les droits seigneuriaux sans indemnité, et abolit le droit d’aînesse et de masculinité en vigueur au sein de la noblesse. Par cette action, une grande partie des nobles n’ont plus de revenus, souvent issus de ce droit d’aînesse. Les héritiers seront dorénavant égaux devant la loi.
Les ventes aux enchères des biens immobiliers et mobiliers du clergé, prirent beaucoup de temps et ne permirent pas de résoudre rapidement le problème financier de l’État. Pour essayer d’y pallier, on usa, en vain, divers procédés comme les « Assignats », sorte de papier-monnaie, avec un taux d’intérêt de 3 %.
Début 1790, il manquait toujours beaucoup de numéraire dans les caisses de l’État et le 17 avril 1790, on décréta un cours forcé pour ces « Assignats ». Cette opération fut renouvelée plusieurs fois, sans pour autant résoudre le manque constant de finances.
Le 12 juillet 1790, l’Assemblée Nationale Constituante, sur l’influence des députés et des avocats jansénistes Camus et Lanjuinais aidés de l’abbé Grégoire, adopte la Constitution civile du clergé. Cependant, celle-ci doit encore être approuvée et signée par le roi, qui a un droit de veto. Les vœux monastiques étaient déjà interdits depuis février, ainsi que tout recrutement monastique.
En application de la Constitution civile du clergé, la France passe de 130 diocèses à 83, un par département et les autres sont supprimés. C’est la population qui devra élire les curés et les évêques, et ceux-ci devront prêter serment à la Nation.
À partir de cette date, le clergé va se diviser entre prêtres « jureurs » (ceux qui acceptent de prêter serment et adhèrent aux idées de la Révolution) et prêtres « réfractaires » (ceux qui refusent de prêter serment). La grande majorité d’entre eux, qui refusent de se soumettre, quitte la France pour les pays voisins ; un nouvel exil important recommence, comme l’année précédente pour les officiers des armées du roi.
Comme cette Constitution civile du clergé est contraire à l’esprit et à la lettre du serment du roi, prononcé lors de son sacre, Louis XVI a demandé l’avis au pape. Ce dernier prend tout son temps pour n’y répondre qu’en mars 1791, aussi le roi, contraint par l’Assemblée Nationale Constituante de valider ce décret, finit par le signer le 27 novembre 1790. Sur les cent trente-cinq évêques de France, seuls quatre d’entre eux prêtèrent serment, dont Loménie de Brienne et Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord.
Le 14 juillet 1790, la Constitution n’est toujours pas terminée. Pour fêter le premier anniversaire de la prise de la Bastille, l’Assemblée Nationale Constituante, toujours sous la pression de la Commune de Paris et des Clubs (surtout le Club des Jacobins et le Club des Cordeliers), organise la fête de la Fédération sur le Champ-de-Mars.
En présence d’une foule immense, on fait défiler, durant toute la matinée, plus de cinquante mille soldats sous un temps maussade. Puis, après l’arrivée du roi et de la famille royale, Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, entouré de trois cents prêtres, bénit les drapeaux des quatorze mille délégués des Gardes Nationales de provinces et célébra la messe sur « l’autel de la patrie ».
La Fayette, nommé major général de la Fédération, prononça son serment civique de fidélité à « la Nation, à la Loi et au Roi ». Louis XVI, longuement ovationné, jura à son tour de « maintenir la Constitution décrétée par l’Assemblée Nationale Constituante » (les articles pour l’instant validés).
Le 2 mars 1791, le décret du député Allarde abolit les corporations au nom de la liberté d’entreprendre. Ce décret sera suivi le 14 juin 1791, par la loi dite loi Le Chapelier, qui interdira la reconstitution de toute association professionnelle (patrons ou salariés).
À l’Assemblée Nationale Constituante, de plus en plus sous la pression des « révolutionnaires » parisiens et des Clubs, l’ambiance est très tendue, à la limite de l’insurrection continuelle. L’Assemblée Nationale Constituante arrivera à la limite de son mandat début septembre 1791 ; elle sera remplacée par une nouvelle assemblée (Assemblée Nationale législative ou Assemblée Législative) composée de nouveaux députés à élire.
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Pour lire la suite, voir le chapitre « La fuite à Varennes »…