1848-1870…Contexte
1. 1848-1870 Contexte de cette Période
Cette période de 1848 à 1870 verra encore une fois en France, en deux décennies, des changements profonds dans les domaines politiques, économiques, artistiques et d’architectures.
En ce qui concerne la politique, on évoluera d’une situation de Révolution à un Empire, tout en passant par une République, la seconde. L’aboutissement de cette période, clôt par une guerre avec la Prusse qui deviendra l’Allemagne en 1871, entraînera le pays vers une nouvelle révolte entre Français et de sanglants événements. On « rejouera » en France, le triptyque scénario déjà vécu entre 1789 et 1814.
Le plus extraordinaire viendra du fait que, du début à la fin de cette période, le personnage principal « jouant » ce rôle sera tenu par celui que les « élites » bourgeoises ou la gauche du moment n’attendaient pas à cette époque. Ce qui a pourtant été aussi le cas, avec son oncle, Napoléon Bonaparte.
Ce personnage, que nous allons découvrir, ce fut Charles Louis-Napoléon Bonaparte, le troisième fils de Louis Bonaparte, ex-roi de Hollande de 1806 à 1810 et de son épouse Hortense de Beauharnais. Louis était l’un des frères cadets de Napoléon Bonaparte, quant à Hortense, elle était la fille de sa première épouse Joséphine de Beauharnais.
Charles Louis Napoléon Bonaparte a été élu député de l’Assemblée nationale « constituante » dans 5 départements, en juin puis en septembre 1848. Il sera élu pour 4 ans en décembre 1848, le premier et l’unique président de la 2e République française.
Après son coup d’État du 2 décembre 1851 et la modification de la Constitution, il sera nommé Empereur des Français sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852. Cet homme, dont la sensibilité était plutôt « socialiste » dès sa jeunesse, va permettre des transformations en vue d’embellir certaines villes comme Paris, mais finira son règne sur des utopies et des erreurs qui coûteront très cher à la France.
Parmi ces erreurs, on retiendra principalement deux faits historiquement coûteux et catastrophiques pour la France. Dans les deux cas, l’impératrice Eugénie fut à la source de leur déclenchement.
Le futur Napoléon III n’avait ni le caractère, ni l’intelligence, ni la capacité de travail de son oncle, Napoléon 1er. Il céda malheureusement souvent et trop facilement aux caprices de son épouse. Ce qui entraîna le pays dans des aventures à hauts risques.
On retiendra en premier, « l’aventure mexicaine » de 1862 à 1867, dans laquelle la France n’avait pourtant aucune raison valable de s’impliquer. D’autre part, la guerre face à la Prusse en 1870, qui fut un piège grossier, dans lequel Napoléon III, mais surtout son gouvernement composé de bourgeois parisiens, a entraîné naïvement tout le pays dans une situation catastrophique.
Une situation sanglante et fort coûteuse, puisque la défaite française eut pour conséquence la perte des départements alsaciens et du département de la Moselle, récupérés seulement en 1918.
En ce qui concerne les grands changements architecturaux, cette période verra de grands bouleversements de l’habitat et de l’esthétique des constructions dans les grandes villes comme Paris.
De grands axes pour la circulation et un meilleur cadre de vie pour l’ensemble des citadins vont être réalisés à Paris. Des villes thermales vont fleurir dans toute la France. Le chemin de fer va élargir ses dessertes, de Paris vers la province, avec plus de 16 000 km de voies ferrées.
Sur le plan économique, certains bourgeois très fortunés seront à l’origine de grandes banques nationales. Ces dernières, comme le Crédit industriel et commercial (CIC), le Crédit Lyonnais (LCL) ou la Société générale (SG), ont été créées sous le Second Empire.
2. 1848-1870 Évolution vers l’empire
Nous venons de quitter la « Révolution » de février 1848. Celle-ci, contrairement aux deux premières de 1789 et 1830, n’aura pas, heureusement, engendré de nombreuses victimes et n’aura duré « que » du 22 au 25 février 1848.
Un gouvernement provisoire s’est constitué et des responsables ont été « désignés » avec pour objectif urgent, l’élection de nouveaux députés à l’Assemblée et la rédaction d’une nouvelle Constitution pour la IIe République. Cette dernière fut déclarée à Paris, par Alphonse de Lamartine, le 24 février 1848, au pied de la colonne de juillet.
Cette dernière a été bâtie sur la place de la Bastille à Paris, entre 1835 et 1840. Ce même jour, tous les préfets ont été révoqués et remplacés par des commissaires de la République. Les Chambres, des pairs et des députés, ont été dissoutes et tous les titres de noblesse ont été supprimés.
Parmi les premières décisions du gouvernement provisoire, il y aura la mise en place, pour le droit de vote, du suffrage universel. C’est la première fois dans l’histoire de France que ce mode de scrutin va être utilisé, et cela effrayait les partis de gauche.
Ces derniers craignaient de perdre leur pouvoir de « gauche parisienne » avec l’implication au vote de l’ensemble des populations de province, connues pour être plutôt du côté des conservateurs. Les meneurs de gauche, comme Barbès, Blanqui, Ledru-Rollin ou Louis Blanc, vont tout faire pour retarder les élections des députés à la nouvelle Assemblée nationale.
En avril 1848, le résultat des élections, soit 84 % des 9,4 millions de Français inscrits sur les listes électorales, donne une victoire écrasante aux républicains « modérés » qui raflent 500 sièges sur les 900 prévus pour l’Assemblée nationale « constituante ». Trois cents sièges furent attribués aux royalistes (légitimistes, orléanistes).
Les socialistes et la gauche ne recueillent qu’une centaine de sièges. Les élections complémentaires renforceront encore la position des royalistes. En tête, le mouvement du « parti de l’ordre » avec Adolphe Thiers, Mathieu Molé et Pierre-Antoine Berryer.
La nouvelle Constitution verra le jour officiellement le 28 octobre 1848, après validation par la nouvelle Assemblée nationale « constituante ». Elle va mettre en place, pour la première fois dans l’histoire de France, un pouvoir exécutif d’un nouveau genre, un président de la République, qui sera élu au suffrage universel masculin. Seuls, les hommes âgés d’au moins 25 ans pouvaient voter.
Malheureusement, conformément à cette Constitution, ce président de la République, de 1848 à 1852, n’aura aucun pouvoir. Le pouvoir législatif sera confié à l’Assemblée nationale qui, elle-même, déléguera au Conseil d’État certaines fonctions et contrôles de l’administration.
Les « nouveaux maîtres » du pouvoir étaient les groupes influents de l’Assemblée nationale et notamment ceux, composés de « bourgeois » et de « royalistes ». Ceux-ci, dans l’Assemblée nationale « législative » en 1849, ne respectèrent pas la Constitution.
Ils essayèrent de se débarrasser du président de la République et mettre en place une « dictature » proche de la « Terreur » de Robespierre en 1792. Le président de la République, le futur Napoléon III, ne se laissa pas faire.
Le gouvernement provisoire va abolir l’esclavage dans les Antilles et à la Réunion (ex-île Bourbon). Il va aussi rendre la liberté de la presse et la liberté de réunion du public. Confronté à de nombreuses sollicitations, il se préoccupa du sort misérable des ouvriers et des enfants, de plus en plus souvent exploités, dans des conditions intolérables de travail.
La journée de travail sera limitée à dix heures à Paris et onze en province. En contrepartie, les « bourgeois » au pouvoir, par le fait de l’industrialisation naissante, furent à l’origine de la grande misère du bas peuple, dans les mines, les ateliers ou les vignobles.
3. Un Séisme dans notre histoire de France
Ce séisme a commencé dans une période située juste après la Révolution de juillet 1830. Il va marquer profondément et définitivement la suite de l’histoire de France, jusqu’au 21e siècle.
Après le bouleversement en France, avec ses seigneurs et ses chevaliers, s’adoubant sous la tutelle d’un roi, soit quelques siècles avant cette Révolution, le régime avait évolué. Ce fut une longue période où les royaumes « fusionnèrent » par mariages ou par alliances. La construction de la nation française suivait une logique et une suite d’événements, toujours au profit de l’État et du pays.
Le séisme de 1830 va chambouler cette démarche, suivie pendant plusieurs siècles par tous les rois de France, depuis Clovis.
Le bouleversement principal se déroula tout au long du 19e siècle. Il s’est tout naturellement et progressivement produit quelque temps après la Première Révolution, qui fut elle-même le prolongement logique du siècle des « lumières ».
Ce tremblement de terre commença donc après la période dite de l’ancien Régime. À partir de la volonté de quelques aristocrates « progressistes » influencés par les idées de la société anglaise et l’arrivée en France, au plus haut niveau de l’État, de quelques « bourgeois » très fortunés.
La décapitation du roi Louis XVI fut le premier élément révélateur d’une volonté profonde de changer sensiblement le cours de l’histoire et notamment, la place acquise, et très enviée, de la France sur la scène internationale.
L’arrivée au pouvoir, depuis la fin du règne de Louis XVI, d’une « bourgeoisie » très aisée, fut progressive. Celle-ci, enrichie grâce à l’industrialisation naissante, était jalouse des privilèges de la noblesse (aristocratie et d’Empire). Aussi, elle va tout faire pour les obtenir.
Cette « bourgeoisie » de plus en plus riche va contribuer activement aux changements des centres de décision, au plus haut niveau de l’État.
Elle fut aidée par quelques aristocrates naïfs et biberonnés au « progressisme » anglo-américain. Ceux-ci étaient proches de la Maison d’Orléans ou provenaient de quelques « aventuriers » impliqués dans la guerre d’indépendance américaine, comme le marquis Gilbert du Motier de La Fayette. Cette « bourgeoisie » va prendre progressivement le pouvoir de l’État, à partir de juillet 1830, pour ne plus le perdre, jusqu’au 21e siècle.
Cette « bourgeoisie » devenue championne de « l’entre-soi » utilisera les mêmes codes que la noblesse de l’ancien Régime, à savoir, limiter, réguler et contrôler l’adhésion à cette nouvelle caste du pouvoir. Cette méthode efficace sera perpétuée au fil des siècles suivants.
Même Adolphe Thiers, au départ, petit bourgeois de la presse parisienne, pourtant soutenu directement par le duc d’Orléans et Talleyrand, a dû faire évoluer sa fortune et prouver que ses moyens financiers étaient suffisants pour franchir le « Rubicon ». Pour réaliser cette mue, il a pactisé avec sa maîtresse fortunée Eurydice Dosne, et a pu ainsi accéder à ces nouveaux groupes de « dirigeants » qu’on appellera, quelque temps plus tard, les « élites » ou les « sachant ».
Les rangs de ces bourgeois furent aussi renforcés par une partie de la noblesse d’Empire, qui n’avait pas été dissoute sous la Restauration. Bien que les titres octroyés pendant le Premier Empire ne fussent pas héréditaires, sauf celui de l’empereur, les héritiers de cette noblesse avaient conservé les avantages et les fortunes acquises par leurs parents.
Un exemple significatif pour les contemporains du 21e siècle, parmi des centaines d’autres, Victor Hugo, écrivain célèbre, mais aussi homme politique du 19e siècle, était le fils d’un général d’Empire, devenu comte, grâce à Joseph Bonaparte, alors roi d’Espagne.
De son véritable nom, Victor-Marie Hugo, bourgeois fortuné dès sa naissance, avait été nommé pair de France par Louis-Philippe 1er. Victor Hugo, élu plusieurs fois député sous la IIe et la IIIe République, fut un brillant défenseur des bonapartistes dans sa jeunesse.
Dans la seconde partie de sa vie, Victor Hugo finira par rejoindre les rangs de la gauche « radicale » dans l’Assemblée constituante de 1871 (IIIe République), avec le journaliste Louis Blanc et le jeune avocat Léon Gambetta.
Victor Hugo, vivant dans l’opulence alors qu’il était en exil depuis la fin de 1851, fut finalement un opposant convaincu du Second Empire. De retour en France en 1871, grâce à sa fortune et sa notoriété, sénateur et définitivement dans les rangs de la gauche « extrême » il achèvera sa vie en étant un fervent défenseur des « communards » et de la « Commune de Paris de 1871 ».
Victor Hugo bénéficia même d’une pension de sénateur jusqu’à son décès, en mai 1885, octroyée par la loi du 30 juillet 1881, aux « victimes » du coup d’État de 1851. Exilé volontaire depuis le 11 décembre 1851, en quoi fut-il « victime » de ce coup d’État, réalisé le 2 décembre 1851, par Louis Napoléon Bonaparte ?
Ces bourgeois au 19e siècle, rapidement maîtres du pouvoir, grâce au duc d’Orléans, devenu Louis-Philippe 1er, roi des Français, vont continuellement s’enrichir au détriment des classes moyennes et du bas peuple français.
Ce dernier, avec la naissance de l’industrialisation, fut souvent transformé en « esclave blanc » dans les mines, les ateliers ou les vignobles. Ce bas peuple, par le biais de l’industrialisation, était devenu « l’outil » indispensable aux bourgeois, permettant l’accroissement régulier de leur fortune.
Ces bourgeois n’avaient d’ailleurs aucune indulgence ou empathie pour les malheureux ainsi exploités et subissant une misère grandissante. Celle-ci sera le terreau du « socialisme » conséquence de l’exploitation sans retenue du bas peuple, par cette bourgeoisie en recherche permanente d’augmentation de leurs profits financiers.
Une grande majorité de ces bourgeois fortunés, dans cette période du 19e siècle, était encore issue de l’ancienne aristocratie. Comme dans le cas de la littérature et de la peinture, à cette époque, les noms devenus célèbres étaient, eux aussi, presque tous issus de milieux aisés.
Cette bourgeoisie, en juillet 1830, a failli se faire « coiffer » sur le poteau par la gauche révolutionnaire parisienne. Elle ne l’oubliera pas et après avoir « généré » le roi bourgeois Louis Philippe 1er, elle va s’en débarrasser en 1848, de la même manière qu’elle l’avait mis en place.
Ces bourgeois, issus en majorité des rangs des royalistes « légitimistes » ou « orléanistes » pour essayer de conserver le pouvoir, vont se protéger et pactiser ensemble. Aussi, ils vont bâtir une « Constitution » (celle de 1848) qui va légaliser leurs places au plus haut niveau de l’État.
En effet, les héritiers potentiels au trône de France, au sein des royalistes « légitimistes » et « orléanistes » n’avaient pas trouvé une solution raisonnable, ou un compromis, à la mise en place d’un nouveau roi. Aussi, ces bourgeois vont, à défaut, « inventer » une République, dans laquelle le pouvoir restera définitivement entre leurs mains.
L’analyse des textes de la Constitution de 1848 démontre bien que le pouvoir réel du pays resta entre les mains de l’Assemblée nationale. Cette dernière était essentiellement constituée de députés royalistes et bourgeois, même s’il y subsistait quelques députés de gauche sans aucun pouvoir, uniquement pour donner « le change » au peuple.
D’autre part, pour « tromper » les détracteurs potentiels de la Constitution de 1848, les concepteurs de celle-ci avaient prévu l’élection d’un président de la République, qui n’avait aucun pouvoir de décision. Ce président avait le même rôle qu’une marionnette, qu’on montre à souhait. Tous les pouvoirs restaient uniquement entre les mains de l’Assemblée nationale.
Les bourgeois, au pouvoir depuis juillet 1830, espéraient faire élire, en décembre 1848, l’un d’entre eux à ce poste. Ils auraient ainsi maîtrisé, en toute légalité, la totalité des décisions à la tête de l’État.
Ils n’avaient pas envisagé qu’une autre possibilité bousculerait leur plan. Malheureusement pour eux, c’est Charles Louis Napoléon Bonaparte qui fut élu au suffrage universel direct au lieu de leur candidat. Charles Louis Napoléon Bonaparte, de leur point de vue, s’était « ridiculisé » lors de ses tentatives de coup d’État à Strasbourg et à Boulogne-sur-Mer.
Ces bourgeois, confiants dans leur méthode, avaient naturellement favorisé le suffrage universel dans la Constitution de 1848. Ils étaient persuadés que ce mode de scrutin serait défavorable à la gauche parisienne et, de ce fait, leur permettrait d’atteindre leur objectif, qui était de conserver « légalement » le pouvoir.
Évidemment, Charles Louis Napoléon Bonaparte, élu président de la République par « accident » va progressivement se rendre compte qu’il n’avait aucun pouvoir de décision et donc aucune possibilité de mettre en application ses idées pour la France.
Il fut d’ailleurs obligé de « composer » avec le groupe majoritaire « le parti de l’Ordre » dont Adolphe Thiers était à la tête, dans les premières années de sa mandature, n’ayant lui-même aucun soutien au sein de l’Assemblée. Les idées de ce parti étaient manifestement opposées à ses convictions. Les siennes étaient devenues plus « sociales » ou « socialistes » suite à ses années vécues en Suisse et en Italie.
On passera donc par une période d’un Second Empire nécessaire mais « accidentelle » suite à un coup d’État. Cet Empire, après dix-huit années « compliquées » se terminera très mal pour le pays, comme pour Charles Louis Napoléon Bonaparte, devenu Napoléon III.
Suite à cette période, les bourgeois au pouvoir vont apprendre de leurs erreurs et verrouilleront mieux les accès à leur caste. Ils prépareront les futures Constitutions des prochaines Républiques, même si certaines d’entre elles utiliseront aussi le suffrage universel.
Ne pouvant plus retrouver un roi sur le trône, la République sera la bonne excuse et le bon procédé à conserver, pour faire accepter naturellement par le peuple de France, ces « bourgeois » devenant les « élites » puis les « sachant ».
Cette caste de bourgeois ou « élites » limitera au maximum les tentatives d’incursions potentielles de nouveaux candidats non désirés, aux postes importants.
Ils intégreront, dans la Constitution ou dans le Code électoral, des contraintes souvent financières ou « d’adoubement » forcé (exemple, les 500 signatures indispensables prouvant l’adoubement de notables), évacuant ainsi les « indésirables ». Cette méthode est toujours en vigueur au 21e siècle, avec la Cinquième République.
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Pour lire la suite, voir le chapitre « La deuxième République…«