1870-1900…Contexte et déclaration de guerre

1. Contexte au début de cette période.

La période 1870-1900 va être le moment ultime de préparation des deux futures guerres mondiales. Tous les protagonistes sont là et se placent progressivement, plus ou moins motivés ou contraints.

La Prusse, à l’origine des futures guerres de 1870 et de 1914, positionna déjà ses pions et dévoila partiellement ses intentions en 1859, en mobilisant 400 000 soldats sur le Rhin. Napoléon III et les armées françaises étaient occupés à soutenir le royaume du Piémont-Sardaigne, pour construire l’unification de l’Italie.

Napoléon III, sans doute, très affaibli physiquement par la maladie de « la pierre » fut, de plus en plus, contraint de céder une part importante de la gouvernance du pays aux représentants de la Chambre et à certains ministres. Cependant, ses contraintes liées à cette maladie ne justifièrent pas ses erreurs de stratégie lors des guerres inutiles de la Crimée, de l’Italie, du Liban et surtout du Mexique.

Ses idées utopiques, humanistes et socialistes d’émancipation des peuples (Italie, Mexique), qui avaient déjà coûté très cher à la France, vont cette fois, avec la Prusse, entraîner toute l’Europe dans des conflits qui auraient pu être évités.

Napoléon III, adepte du principe des nationalités, fut favorable au resserrement des liens entre les membres de la Confédération germanique et le royaume de Prusse. Il le confirma à Bismarck, en voyage à Biarritz en octobre 1865, à condition que la Vénétie, toujours territoire autrichien, soit cédée à l’Italie.

C’était au nom de ce principe bien naïf que Napoléon III laissa le chancelier Bismarck déclarer la guerre à l’Autriche en juillet 1866. Le but de Bismarck était que l’Autriche n’intervienne pas, pendant les négociations de rapprochement entre la Prusse et certains membres de la Confédération germanique. L’objectif de Bismarck était de construire une « nation allemande » forte à partir de la Prusse.

Bismarck avait de grandes ambitions hégémoniques pour la Prusse. Ceci fut malheureusement compris, bien trop tardivement, par Napoléon III et l’opinion française (surtout à Paris). Ce qui était pourtant évident, en 1870, fut longtemps dénié par toute la classe politique française.

Comme le rappelle Jean-Christian Petitfils dans son livre « Histoire de la France » de 2018 : « La France, commentait Adolphe Thiers, n’a pas eu de plus grand malheur en huit cents ans ». Napoléon III, en défendant ses idées de nationalité pour la Prusse, a réduit en cendres tout le travail de Louis XIV et de Napoléon 1er, pour éviter la présence d’un royaume puissant, aux frontières de la France.

C’est aussi avec Napoléon III que des troupes françaises et anglaises étaient intervenues militairement en Chine en août 1860, pour forcer l’ouverture du marché intérieur. C’était le début de la seconde guerre de l’opium, où Pékin fut occupé en 1860 et le palais d’été de l’empereur de Chine, fut pillé et incendié par les troupes anglaises.

De même en Indochine, les militaires français étaient intervenus en Basse-Cochinchine et au Cambodge en 1863. Enfin, après avoir pris possession, en 1853, de la Nouvelle-Calédonie, les militaires français avaient commencé la « pacification » du Sénégal.

 

2. La bataille de Sadowa et le déclin du Second Empire

2.1  Contexte en Europe centrale après le traité de Paris en 1815

Pour mieux comprendre comment la France est arrivée à entrer en guerre avec la Prusse en 1870, il faut, ici, parler du contexte en Europe centrale et des implications par les puissances militaires en mouvement, juste avant cette date.

En 1815, Napoléon 1er, après la défaite de Waterloo, a abdiqué pour la seconde fois. Pendant l’épisode des Cent-Jours, s’est déroulé le Congrès de Vienne, auquel participaient les « coalisés » contre Bonaparte. Parmi lesquels étaient le royaume de Prusse, le Royaume-Uni, l’empire de Russie, l’empire d’Autriche, mais aussi les royaumes d’Espagne, de Sardaigne, de Sicile et même de France avec Talleyrand.

Lors de ce Congrès, les monarques de ces pays ont réorganisé les territoires européens, anciennement conquis par Napoléon 1er.

L’Autriche a retrouvé ses territoires au sud (Lombardie et Vénétie). Le duché de Savoie et le comté de Nice furent rétrocédés au royaume de Sardaigne. La Belgique fut intégrée au royaume de Hollande. La Pologne fut à nouveau divisée en trois parties. Une partie orientale fut intégrée à la Russie. Une partie située à l’ouest fut intégrée au royaume de Prusse et enfin une section située au sud fut intégrée à l’Autriche.

La Confédération du Rhin, créée par Napoléon Bonaparte, fut dissoute et une Confédération germanique fut créée, englobant tous les anciens territoires du Saint Empire et le royaume de Prusse ainsi que l’empire d’Autriche. L’Autriche et la Prusse se partageaient le pouvoir principal de la Confédération germanique, ce qui a évidemment engendré rapidement des conflits, face à leur concurrence dans l’hégémonie d’extension des territoires.

Le royaume du Danemark avait obtenu la tutelle, depuis 1806, des deux duchés de langue allemande directement situés au sud du royaume. Le duché de Schleswig, était situé directement à la frontière sud du royaume du Danemark. Le second duché était celui d’Holstein. Ce dernier, proche du royaume d‘Hanovre et de la Prusse, était, parmi les trois, le seul membre de la Confédération germanique.

En 1848, une crise des droits de succession dans ces duchés a engendré une première guerre, dans laquelle furent impliqués les Russes, les Anglais et les Prussiens. La fin de ce premier conflit ne fut pas complètement réglée et donna lieu, en octobre 1864, à une nouvelle guerre entre le Danemark, les deux duchés concernés, la Prusse et l’Autriche. La fin de ce second conflit, dans lequel le Danemark fut vaincu, a été marquée par le traité de Vienne, en octobre 1864.

 

2.2 La bataille de Sadowa ou guerre Austro-prussienne

Au traité de Vienne du 30 octobre 1864, le Danemark a dû céder le duché de Schleswig à la Prusse et le duché d’Holstein à l’Autriche. Évidemment, compte tenu de l’historique de ces duchés et de l’attitude intentionnellement belliqueuse du chancelier de Prusse, Otto von Bismarck, la nouvelle situation entraîna un nouveau conflit en juin 1866 (la bataille de Sadowa), entre la Prusse et l’Autriche.

Du côté de l’Autriche, s’étaient rangés divers petits royaumes de l’ancien Saint-Empire, comme le royaume de Bavière, le royaume d’Hanovre, le royaume de Saxe, le royaume de Wurtemberg, le grand-duché de Bade et quelques petits États allemands.

L’empereur d’Autriche, François-Joseph 1er, avait sollicité, en vain, Napoléon III. Celui-ci, commit là l’une des plus graves erreurs de son règne en ignorant cet appel à l’aide et en favorisant la construction de la future nation allemande. Évidemment, ceci aura de très graves conséquences pour la France et les Français, au cours des cinq prochaines décennies.

Du côté de la Prusse, en plus de la Thuringe et quelques petits États du Nord de l’Allemagne, on trouva l’Italie. Cette dernière voyait là l’occasion de s’emparer de la région de Venise, territoire encore sous dépendance de l’Autriche.

La bataille de Sadowa, le 3 juillet 1866, longtemps incertaine, donna finalement une difficile victoire à la Prusse, même si ses alliés, les Italiens, avaient été vaincus en Vénétie par les troupes autrichiennes.

Le résultat de cette bataille a entraîné la dislocation de la Confédération germanique, reconstituée en Confédération de l’Allemagne du Nord, dans laquelle se retrouvèrent 22 États allemands, autour du royaume de Prusse qui en assura la présidence. La superficie et la population de la Prusse avaient plus que doublé, après la victoire de Sadowa.

Après sa victoire sur l’Autriche, le ministre-président Bismarck a poursuivi l’élargissement de la Confédération de l’Allemagne du Nord en négociant l’adhésion des États du sud, comme les royaumes de Bavière, du Wurtemberg et du grand-duché de Bade. Ces trois derniers territoires avaient une importance capitale pour Bismarck, car ils représentaient la « porte » d’accès à la future invasion de la France.

Les armées prussiennes, inspirées par la guerre de sécession aux États-Unis, avaient utilisé à Sadowa de nouvelles armes, plus modernes que celles utilisées par les Autrichiens. Par exemple, le fusil Dreyse qui permettait aux fantassins de tirer allongé, 6 à 8 balles chargées par la culasse. Les fantassins, grâce à ce fusil, pouvaient enfin faire la guerre, sans être obligatoirement debout.

Cette information, pourtant capitale, fut malheureusement ignorée par le gouvernement français, lorsque celui-ci déclara naïvement la guerre à la Prusse en 1870.

 

2.3 La situation en France après la bataille de Sadowa

La gauche et même l’extrême gauche, par le biais des dernières élections, étaient arrivées au pouvoir en France. Comme souvent, dans ce genre de situation (elle se répétera encore au 20e et au 21e siècle), c’était un esprit naïf de pacifisme qui prévalait au gouvernement français, encore hostile au service militaire obligatoire.

La loi Niel de janvier 1868 prévoyait la création d’une garde nationale mobile et un service de cinq ans, pour un effectif très nettement insuffisant, face aux 730 000 soldats prussiens. Hélas, les crédits nécessaires à cette loi furent aussi refusés, par les députés majoritairement de gauche.

En janvier 1870, Napoléon III nomma Émile Ollivier, issu de la gauche républicaine, pour diriger, de fait, son gouvernement. La gauche était aux manettes pour toutes les décisions importantes, y compris la déclaration de guerre.

La gauche « parisienne » et bourgeoise fut plusieurs fois coupable en 1870 de la non-préparation à cette guerre, mais aussi, de l’avoir naïvement déclarée. Cette double erreur se répéta encore par la gauche « parisienne » et bourgeoise en 1914 et en 1939.

 

3. La dépêche d’Ems et la déclaration de guerre par la France

3.1 La dépêche d’Ems

Alors que l’Espagne était dans une situation chaotique, depuis le décès du roi Ferdinand VII en 1833, la jeune Reine Isabelle II, soutenue par la France et le Royaume-Uni, finit par abdiquer et s’exiler en France. Elle laissa le trône d’Espagne libre après la révolution espagnole de septembre 1868. Son pays était en pleine ébullition, souvent à cause de complots orchestrés par des généraux, dont le général Juan Prim.

De nombreux prétendants au trône d’Espagne se déclarèrent et certains d’entre eux, en raison du traité d’Utrecht de 1713, présentèrent des incompatibilités de légalité politique. Ce traité avait mis fin à la guerre de succession en Espagne, en évitant l’union de deux nations, sous la dépendance d’un seul roi.

Or, le 21 juin 1870, la candidature au trône d’Espagne d’un prince prussien, cousin du roi de Prusse, Guillaume 1er, fut sollicitée par une députation espagnole. Cette dernière, de connivence avec le général Prim, aurait envisagé l’organisation d’un coup d’État, aussitôt le prince installé sur le trône d’Espagne. La candidature du prince Léopold d’Hohenzollern-Sigmaringen, catholique, mais d’origine prussienne, déclencha en France une poussée de fièvre nationaliste et une hantise d’encerclement.

Le 6 juillet 1870, le nouveau ministre français des Affaires étrangères, le duc Agénor de Gramont, issu de l’ancienne aristocratie française et partisan d’une alliance avec l’Autriche, informa la chancellerie prussienne de la désapprobation française. Le gouvernement français ne pouvait accepter la candidature du prince Léopold d’Hohenzollern-Sigmaringen.

Le prince Charles-Antoine d’Hohenzollern-Sigmaringen, ancien ministre-président (chancelier) du royaume de Prusse, fut informé des débats houleux en France que causait la candidature de son fils aîné Léopold.  Il annonça officiellement, le 12 juillet 1870, le retrait de cette candidature au trône d’Espagne.

Pour confirmer la décision de ce retrait, l’ambassadeur de France en Prusse, Vincent comte Benedetti, fut mandaté pour rencontrer le roi de Prusse, Guillaume 1er à Ems, où ce dernier était en cure. Le roi de Prusse, contrairement à son chancelier Otto von Bismarck, était « officiellement » pour la paix en Europe. Il confirma de vive voix à l’ambassadeur de France qu’il approuvera la décision du prince Léopold, si celui-ci renonce à la succession au trône d’Espagne.

La réponse du roi de Prusse à l’ambassadeur de France dérangea fortement son chancelier Bismarck qui se sentit désavoué, alors qu’il œuvrait pour construire une nation allemande forte. Celui-ci envisagea un instant de démissionner, mais les événements suivants vont lui donner l’occasion de se venger.

En France, la réponse à son ambassadeur, de la part de Guillaume 1er, ne convenait pas au ministre des Affaires étrangères, le duc Agénor de Gramont, ni à l’impératrice Eugénie. Cette dernière, d’origine espagnole, se sentait impliquée, à tort, quant à la succession du trône d’Espagne. Napoléon III, lui, était rassuré.

Hélas, sur l’insistance irréfléchie de l’impératrice et avec l’appui, à des fins de politique, de quelques bonapartistes autoritaires, la France va réexpédier son ambassadeur à Ems, pour obtenir une confirmation écrite. Napoléon III, de plus en plus affaibli par sa maladie de la « pierre » ne résistait plus aux assauts de son épouse ou même des principaux membres du gouvernement.

Le 12 juillet 1870, en présence de son ministre des Affaires étrangères, il céda sans chercher à défendre sa position. C’est pourtant à ce moment-là que s’est joué le destin du pays et même celui de l’Europe, qui seront entraînés irrémédiablement vers les guerres de 1870, de 1914 et, par ruissellement, celle de 1939.

Le 13 juillet 1870, l’ambassadeur de France, Vincent Benedetti, mandaté par le ministre de Gramont, insista à deux reprises auprès de Guillaume 1er, alors en cure à Ems, pour obtenir cette confirmation par écrit. Guillaume 1er, agacé par cette insistance, refusa, en termes courtois, de poursuivre la discussion sur ce sujet qu’il considérait classé.

Bismarck, informé des résultats de l’entretien, usa de perfidie en travestissant le compte rendu de cette audience, qu’il fit publier en utilisant un ton insultant et provocateur, en vue de faire réagir le gouvernement français. Il fit traduire, à dessein, le compte rendu ainsi : « Sa Majesté a refusé de recevoir à nouveau l’ambassadeur et lui a fait savoir par l’aide de camp de service qu’elle n’avait plus rien à lui communiquer ».

 

3.2 La déclaration de guerre par la France

Le 19 juillet 1870, la France, en déclarant la guerre à la Prusse, était tombée naïvement dans le piège grossier du chancelier Bismarck. Le ministre Émile Ollivier, républicain et « chef du 4e gouvernement » conforté par une « gauche bourgeoise parisienne » inconsciente, commis en plus, la maladresse de dire et faire savoir qu’il avait pris cette décision d’un « cœur léger ».

La « gauche bourgeoise parisienne » déjà à cette époque, était dans un déni permanent de réalité. C’était dans la capitale que les esprits belliqueux vis-à-vis de la Prusse étaient les plus nombreux.

Cette décision, désastreuse pour le pays, fut prise à l’encontre de certains membres de la droite à l’Assemblée nationale (IVe législature). Parmi les opposants, comme Adolphe Thiers et plusieurs généraux, savaient que l’armée française était sous-équipée, insuffisamment formée et nettement inférieure en nombre.

Ce qui interpelle le plus au 21e siècle, alors qu’on connaît bien les résultats catastrophiques pour la France, causés par cette guerre de 1870, c’est l’attribution de noms de rues à certains personnages, responsables. Ce fut aussi le cas des événements qui se sont déroulés après la capitulation de Sedan. Par exemple, à Vichy, il y a une avenue de Gramont ou à Paris, on a vu fleurir des rues ou des places au nom de Gambetta.

 

 

************************************************

Pour lire la suite, voir le chapitre  » La guerre de 1870 « …