2ème République et Napoléon III

La nouvelle Assemblée nationale « constituante » élue durant l’été 1848 a débattu, puis rédigé la Constitution de 1848 et son préambule définit clairement la position des « élites » du moment.

 

1. Préambule et Constitution votée le 4 novembre 1848

« Au nom du Peuple français, l’Assemblée nationale a adopté, et, conformément à l’article 6 du décret du 28 octobre 1848, le Président de l’Assemblée nationale promulgue la Constitution.« 

 

1.1 Préambule

« En présence de Dieu et au nom du Peuple français, l’Assemblée nationale proclame :

I. – La France s’est constituée en République. En adoptant cette forme définitive de gouvernement, elle s’est proposé pour but de marcher plus librement dans la voie du progrès et de la civilisation, d’assurer une répartition de plus en plus équitable des charges et des avantages de la société, d’augmenter l’aisance de chacun par la réduction graduée des dépenses publiques et des impôts, et de faire parvenir tous les citoyens, sans nouvelle commotion, par l’action successive et constante des institutions et des lois, à un degré toujours plus élevé de moralité, de lumières et de bien-être.

II. – La République française est démocratique, une et indivisible.

III. – Elle reconnaît des droits et des devoirs antérieurs et supérieurs aux lois positives.

IV. – Elle a pour principe la Liberté, l’Égalité et la Fraternité. Elle a pour base la Famille, le Travail, la Propriété, l’Ordre public.

V. – Elle respecte les nationalités étrangères, comme elle entend faire respecter la sienne ; n’entreprend aucune guerre dans des vues de conquête, et n’emploie jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple.

VI. – Des devoirs réciproques obligent les citoyens envers la République, et la République envers les citoyens.

VII. – Les citoyens doivent aimer la Patrie, servir la République, la défendre au prix de leur vie, participer aux charges de l’État en proportion de leur fortune ; ils doivent s’assurer, par le travail, des moyens d’existence, et, par la prévoyance, des ressources pour l’avenir ; ils doivent concourir au bien-être commun en s’entraidant fraternellement les uns les autres, et à l’ordre général en observant les lois morales et les lois écrites qui régissent la société, la famille et l’individu.

VIII. – La République doit protéger le citoyen dans sa personne, sa famille, sa religion, sa propriété, son travail, et mettre à la portée de chacun l’instruction indispensable à tous les hommes ; elle doit, par une assistance fraternelle, assurer l’existence des citoyens nécessiteux, soit en leur procurant du travail dans les limites de ses ressources, soit en donnant, à défaut de la famille, des secours à ceux qui sont hors d’état de travailler. –

En vue de l’accomplissement de tous ces devoirs, et pour la garantie de tous ces droits, l’Assemblée nationale, fidèle aux traditions des grandes Assemblées qui ont inauguré la Révolution française, décrète la Constitution de la République « .

 

1.2 Structures et organisation de la 2ème République

1.2.1 Le pouvoir exécutif

Selon la Constitution du 28 octobre 1848, Article 43, le pouvoir exécutif est confié à un citoyen français qui reçoit le titre de président de la République. Suivant les Articles 44 et 45, celui-ci doit être âgé d’au moins 30 ans et sera élu pour une période de 4 ans, rééligible uniquement après un intervalle de quatre années.

Le président de la République sera élu dans les mêmes conditions électorales que pour l’Assemblée nationale, soit au suffrage direct et universel. La première élection présidentielle se déroula le 10 décembre 1848.

La Constitution de 1848 donne peu de pouvoir au président de la République. Celui-ci, bien que chef du gouvernement (responsable des actions des ministres), dépend en toute chose de l’Assemblée nationale, y compris pour des affaires militaires. Il dispose des forces armées sans jamais les commander en direct.

Ses prérogatives se bornent à la nomination des ministres, tous les agents diplomatiques de premier niveau et les chefs des armées. Il n’avait aucun pouvoir sur l’Assemblée nationale. De son côté, celle-ci ne pouvait pas renvoyer le président de la République, sauf en cas de haute trahison.

Le président de la République aura un vice-président de la République. Celui-ci sera nommé par l’Assemblée nationale à partir d’une proposition de trois candidats faite par le président de la République. Le vice-président de la République sera aussi président du Conseil d’État.

 

1.2.2 Le pouvoir législatif

Le pouvoir législatif est confié pour une période de trois ans à une Assemblée nationale composée de 750 députés élus au suffrage direct, universel et masculin, âgés d’au moins 25 ans (Article 26). La première Assemblée nationale dite « Constituante » car en charge de rédiger et valider la Constitution, a été composée de 900 députés comme prévu à l’Article 21. Aussi, les élections de la nouvelle Assemblée nationale « législative » se déroulèrent en mai 1849.

Selon la Constitution de 1848, Article 25, sont électeurs, sans condition de cens (on ne paye plus pour voter), tous les Français (Françaises exclues) âgés de 21 ans et jouissant de leurs droits civils et politiques.

L’Article 34 précise que les députés ne représentent pas uniquement le ou les départements qui les ont élus, mais toute la France. On verra qu’à partir de cette époque, un député pourra être élu dans plusieurs départements. Cette possibilité disparaîtra ultérieurement.

L’Assemblée nationale « Constituante » fut élue durant l’été 1848. La Constitution de 1848 fut votée par cette assemblée, le 4 novembre 1848.

 

1.2.3 Le Conseil d’État

La Constitution, dans ses articles de 71 à 75, précise la création et l’organisation d’un Conseil d’État dont les membres sont nommés pour six ans par l’Assemblée nationale. La fonction principale de ce Conseil d’État était de préparer les règlements administratifs des lois votées et donner son avis sur toutes les lois soumises à son examen. Il avait pouvoir de contrôle et de surveillance sur toutes les administrations publiques.

 

 

2. Le retour d’un Bonaparte

La première élection présidentielle du 10 décembre 1848 vit couronner les espoirs des monarchistes par l’élection, au suffrage universel masculin, de leur « candidat officieux », Charles Louis Napoléon Bonaparte. Leur candidat officiel était le général Cavaignac, qui n’est arrivé que second, au désespoir des bourgeois majoritaires, au sein de l’Assemblée nationale.

Charles Louis Napoléon Bonaparte, neveu de l’ex-empereur Napoléon 1er, âgé de 40 ans seulement, fut élu avec 5,6 millions de voix contre 1,5 million au général Louis-Eugène Cavaignac, le candidat des républicains modérés et préféré de l’Assemblée nationale.

381 000 voix furent attribuées à Alexandre Ledru-Rollin, républicain et démocrate socialiste, 37 000 voix à François-Vincent Raspail, médecin candidat de la gauche radicale, seulement 17 000 voix pour Alphonse de Lamartine et enfin, moins de 5 000 voix pour le général Nicolas Changarnier, candidat des royalistes.

Charles Louis Napoléon Bonaparte a été le premier et l’unique président de la 2e République.

Je précise ici, le nom complet « Charles Louis Napoléon Bonaparte«  que certains historiens appellent communément « Louis Napoléon Bonaparte«  justement pour ne pas le confondre, sur le plan historique, avec son fils. Ce dernier, lui aussi, couramment appelé Louis-Napoléon Bonaparte, avait en fait comme nom complet « Napoléon Eugène Louis Jean-Joseph Bonaparte« .

En fin d’année 1848, la majorité du peuple et des classes moyennes, nostalgiques de la grandeur de la France sous l’Empire, a naturellement voté pour le nom « Bonaparte » alors que le personnage, lui, était inconnu des électeurs.

Les trente dernières années de la Restauration et de Louis-Philippe n’avaient pas effacé, bien au contraire, la honte du traité de 1815, ni le désir farouche de revanche.

Évidemment, les bourgeois et la gauche avaient choisi un autre candidat, mais voilà que le résultat du suffrage universel aura trompé une grande partie de la classe dirigeante parisienne. Ce résultat des élections présidentielles va entraîner de nouveaux conflits politiques, sur les quatre prochaines années.

Charles Louis Napoléon Bonaparte prêta serment devant l’Assemblée nationale le 20 décembre 1848 et s’installa le soir même, comme le veut la Constitution, Article 62, au Palais de l’Élysée. Depuis cette date, ce Palais sera la résidence officielle du président de la République.

 

2.1 Serment du président de la République

Le nouveau et premier président de la République a prêté serment devant les députés de l’Assemblée nationale, conformément à l’Article 48 de la Constitution en ces termes : « En présence de Dieu et devant le Peuple français, représenté par l’Assemblée nationale, je jure de rester fidèle à la République démocratique, une et indivisible, et de remplir tous les devoirs que m’impose la Constitution ».

 

2.2 Biographie de Charles Louis Napoléon Bonaparte

Charles Louis Napoléon Bonaparte, le troisième fils de Louis Bonaparte et d’Hortense de Beauharnais, est né à Paris, le 20 avril 1808. Déjà au moment de la naissance de Charles Louis Napoléon Bonaparte, ses parents étant séparés de plusieurs centaines de kilomètres depuis le 6 juillet 1807, de nombreuses rumeurs couraient sur une autre probable filiation.

Dans l’ouvrage « Les énigmes de l’histoire de France » de Jean-Christian Petitfils, édité en 2018, un article d’Eric Anceau décrit les nombreuses possibilités vraisemblables de cette filiation. Celui-ci cite les résultats scientifiques effectués en 1984 sur les marqueurs spécifiques du chromosome Y qui se transmettent uniquement de père en fils.

Or, les résultats de cette « enquête » réalisée par le professeur Gérard Lucotte, directeur de l’Institut d’anthropologie moléculaire de Paris, tendraient à démontrer que Louis Bonaparte ne serait probablement pas le fils de Charles Bonaparte. Ce dernier, père de Napoléon Bonaparte, était censé être aussi le père de Louis Bonaparte.

Charles Louis Napoléon Bonaparte fut baptisé le 4 novembre 1810, dans la chapelle du château de Fontainebleau, en présence de l’Empereur Napoléon 1er, son parrain, et de la nouvelle impératrice, Marie-Louise de la Maison des Habsbourg-Lorraine, sa marraine.

Le premier véritable chagrin pour Charles Louis Napoléon Bonaparte sera en juin 1814, alors âgé de six ans seulement, avec la perte de sa grand-mère maternelle, l’ex-impératrice Joséphine.

D’autres occasions viendront vite à partir de cette date, avec l’abdication de l’Empereur Napoléon 1er et son départ pour l’exil sur l’île d’Elbe, suivies de l’épisode des Cent-Jours et enfin l’exil forcé en Suisse alémanique, à partir du 12 janvier 1816. Une loi, enregistrée à cette date et validée par Louis XVIII, bannit tous les Bonaparte de France.

L’ex-reine de Hollande, Hortense de Beauharnais, devenue Bonaparte par le mariage avec Louis Bonaparte et mère de Charles Louis Napoléon Bonaparte, va acheter le petit château d’Arenenberg en Suisse.

Ce château domine le lac de Constance, à la frontière entre la Suisse et l’Allemagne. Hortense s’y installe avec Charles Louis Napoléon Bonaparte, alors que son frère aîné Napoléon-Louis rejoindra son père à Rome. Alors que les parents étaient séparés de corps et de biens, le père, Louis Bonaparte, essayait d’obtenir l’annulation de son mariage.

L’éducation de Charles Louis Napoléon Bonaparte laissait à désirer car elle était réalisée de manière occasionnelle par quelques professeurs locaux. Elle s’améliora très nettement à partir de ses 12 ans grâce à un percepteur permanent et un ancien officier de la garde impériale napoléonienne. Charles Louis Napoléon Bonaparte, maîtrisait la langue allemande aussi bien que le français.

Alors âgé de 15 ans, Charles Louis Napoléon Bonaparte va partir à Rome avec sa mère. C’est à partir de 1823 qu’Hortense et son fils vont partager leur vie en hiver à Rome et l’été à Arenenberg. À Rome, Charles Louis Napoléon Bonaparte découvre la politique et sa jeunesse le rendra aisément perméable aux thèmes de « liberté » et de « nation ».

En 1830, âgé de 22 ans, il s’engage dans une carrière militaire en Suisse et deviendra élève officier, à l’École militaire centrale fédérale de Thoune, sous le commandement du général Guillaume Henri Dufour. À la suite des « Trois glorieuses » de Paris, qui renversent Charles X, l’espoir renaît pour les frères Bonaparte de pouvoir revenir dans leur patrie.

Malheureusement pour eux, le nouveau roi « bourgeois » de la Maison d’Orléans, Louis-Philippe 1er, leur imposa une nouvelle interdiction de séjour en France.

Profondément déçus et indignés, les frères Bonaparte vont aller à Rome et s’impliquer dans des conspirations politiques, visant à favoriser « l’unité » italienne » encore morcelée en 1830. Ce mouvement révolutionnaire, baptisé « carbonari » visait à l’unification de l’Italie et à déposséder le pape de son pouvoir séculier.

Pour mémoire, après la seconde défaite de Napoléon 1er en juin 1815, les Autrichiens, anciens propriétaires des régions du Nord de l’Italie, avaient repris possession de leur territoire, de la Lombardie à la Vénétie.

Les Autrichiens au nord et les armées pontificales au sud, les insurgés encerclés, perdirent presque toutes leurs forces armées. Comble de malheur pour ces derniers, une grande partie de leurs troupes fut aussi décimée par une épidémie de rougeole. Le 17 mars 1831, Napoléon-Louis, le frère aîné de Charles Louis Napoléon Bonaparte, succombe lui aussi à cette épidémie.

Informée de la situation délicate de ses fils, l’ex-reine Hortense parvient à rejoindre Charles Louis Napoléon Bonaparte et à l’exfiltrer de Bologne où celui-ci s’était réfugié. Ils prennent la direction de la France et arrivent à rejoindre Paris, où Hortense obtient une audience, le 16 avril 1831, du roi des Français, Louis-Philippe 1er.

Ce dernier leur accorde quelques jours de répit à Paris, sous réserve qu’ils quittent rapidement le pays. Hortense et son fils Charles Louis Napoléon Bonaparte, âgé de 31 ans, rejoindront la Suisse en août 1831, après un bref passage en Angleterre. L’année suivante, Charles Louis Napoléon Bonaparte obtiendra la nationalité suisse.

À la suite du décès, le 22 juillet 1832, de Napoléon II, le fils de Napoléon 1er et de l’impératrice Marie-Louise de la Maison des Habsbourg-Lorraine, Charles Louis Napoléon Bonaparte devient l’héritier de la couronne impériale. Il fut promu capitaine du régiment d’artillerie de Berne (Suisse) après avoir rédigé un manuel d’artillerie qui rencontra un véritable succès en France et en Suisse.

Certains historiens utilisèrent les termes de « prince » depuis le 22 juillet 1832 et de « prince-président » à l’encontre de Charles Louis Napoléon Bonaparte à partir de son élection à la présidence de la République française.

J’ai choisi de ne pas utiliser ces termes, pour respecter les circonstances historiques. En effet, lors de la proclamation de la IIe République, le 24 février 1848, au pied de la colonne de Juillet, le gouvernement provisoire a dissous les Chambres et supprimé tous les titres de noblesse (royalistes et d’Empire).

Donc officiellement, le terme de prince-Président pour Louis-Napoléon Bonaparte n’est plus correct depuis cette date.

Bien sûr, dans les faits, de façon non officielle, on sait que tous les titres de noblesse, issus de la royauté ou de l’Empire, resteront utilisés au sein de la société française, jusqu’au 21e siècle.

Il est aussi nécessaire de préciser ici que je cite « noblesse d’Empire » pour simplifier la compréhension du déroulé historique des événements. En réalité, la noblesse d’Empire est un mauvais terme, car contrairement à la noblesse royale, l’Empereur Napoléon 1er attribuait des « titres » de récompense.

Ces derniers n’étaient pas vraiment des actions d’anoblissement, même si ces « titres » pouvaient être « prince, duc, comte ou chevalier ».

 

 

3 Premières implications politiques en France

C’est âgé de 38 ans que Charles Louis Napoléon Bonaparte, le 30 octobre 1836, a tenté un soulèvement à Strasbourg. Cette ville était située non loin de sa résidence en Suisse et aisément accessible, puisque proche de la frontière, pour lui, qui était toujours interdit de séjour en France.

D’autre part, selon ses informations, une majorité de la population et la garnison militaire, dirigée par le colonel Vaudrey, ex-commandant du régiment d’artillerie, dans lequel avait servi Napoléon Bonaparte à Toulon en 1793, semblaient plutôt favorables à l’héritier impérial Bonaparte. Une grande majorité des habitants manifestait ouvertement sa désapprobation du régime de Louis-Philippe 1er.

Malheureusement pour lui et ses complices, l’opération commencée très tôt le matin, qui a probablement été éventée, aura tourné court. Les insurgés ont été rapidement arrêtés et incarcérés dans la caserne.

Ils seront ensuite transférés dans la prison de la ville. L’ex-reine Hortense, qui n’avait pas approuvé la démarche de son fils, a immédiatement adressé à Louis-Philippe 1er une lettre de sollicitation, en vue de le libérer.

Le 9 novembre 1836, il sera transféré à Paris et interné à la préfecture de police. Fort heureusement pour lui, Louis-Philippe 1er, souhaitant éviter un procès public, qui aurait donné une excellente tribune à l’héritier impérial, va convaincre le gouvernement de l’exiler sans délai.

Il fut conduit à Lorient sous bonne escorte et muni d’une forte somme d’argent ; il sera embarqué de force sur « l’Andromède » le 21 novembre 1836, direction les États-Unis d’Amérique. Il y débarquera le 30 mars 1837 à Norfolk, d’où il rejoindra New York.

Après quelques mois à New York, alors qu’il entreprenait de voyager plus au centre des États-Unis, il apprend la détérioration de la santé de sa mère. Dès lors, il va tout faire pour la rejoindre en Suisse. Toujours « indésirable » en France, il sera contraint de passer par l’Angleterre et là obtenir un faux passeport américain. Il arrivera finalement en Suisse en août 1837, où il constatera que sa mère est mourante. Sous opium, pour contenir la douleur, elle décédera le 5 octobre 1837.

Juin 1838, un complice de l’opération du 30 octobre 1836, l’ancien lieutenant et ancien élève de l’école polytechnique, François-Armand-Ruper Laity, a publié en plusieurs milliers d’exemplaires une brochure conçue et financée par Charles Louis Napoléon Bonaparte. Celle-ci, intitulée « Relation historique des événements du 30 octobre 1836 » est un pamphlet destiné à provoquer le régime de Louis-Philippe 1er.

Dans ce document de propagande bonapartiste, Charles Louis Napoléon, toujours interdit de présence en France, compare sa conception du pouvoir basée sur le triptyque « nation, peuple et autorité » à celle du pouvoir en place, qu’il définit comme « le gouvernement de plusieurs, obéissant à un système » et qu’il déclare « corrompu ».

Le gouvernement, de Louis-Philippe 1er, a évidemment réagi en saisissant les brochures non distribuées et après avoir arrêté Laity, le fera juger devant la Cour des Pairs, pour attentat contre la sûreté de l’État. Celui-ci a été condamné, le 11 juillet 1838, à une lourde peine de prison et une amende de 10 000 francs.

D’autre part, le gouvernement français va faire pression sur la Suisse et la menacer d’une guerre, en vue de faire expulser Charles Louis Napoléon Bonaparte. Ce dernier, pour éviter de mettre plus encore dans l’embarras le gouvernement suisse, a déclaré son intention de s’installer en Angleterre.

À peine arrivé en Angleterre, que Charles Louis Napoléon Bonaparte va renouveler son opération de propagande en publiant à 50 000 exemplaires de son programme politique intitulé « Les idées napoléoniennes » dans lequel il présente Napoléon 1er, « précurseur » de la liberté.

À Londres, Charles Louis Napoléon Bonaparte prépare une nouvelle tentative de coup d’État en France. Il va profiter d’un mouvement de ferveur bonapartiste dans l’opinion publique, après l’annonce du gouvernement Thiers, de faire revenir les cendres de l’Empereur Napoléon 1er.

En effet, avec l’accord de Louis-Philippe 1er, le 7 juillet 1840, François d‘Orléans, son troisième fils et prince de Joinville, quitte Toulon à la tête d’une escadre en direction de l’île Sainte-Hélène, en vue de rapporter les « cendres » de l’Empereur Napoléon 1er et les inhumer aux Invalides à Paris.

Dans la nuit du 5 au 6 août 1840, Charles Louis Napoléon Bonaparte et quelques complices, dont le général Charles Tristan, marquis de Montholon, ex-compagnon de Napoléon 1er à Sainte-Hélène, débarquèrent dans les environs de Boulogne-sur-Mer. Son objectif était de faire rallier à sa cause le 42e régiment de ligne.

Cette tentative fut un échec total et alors que quelques-uns de ses compagnons seront tués, Charles Louis Napoléon Bonaparte fut arrêté, jugé et condamné à une longue peine de prison.

Il sera interné à la forteresse d’Ham du département de la Somme, dans des conditions plutôt « confortables ». Il disposait d’un appartement de plusieurs pièces, avec un grand confort de repos mais aussi d’étude ou de travail.

Cependant, après six années durant lesquelles il aura pu étudier et même réussi à faire paraître dans des revues locales quelques articles défendant sa cause, il finira par s’évader le 25 mai 1846, grâce à quelques complices. Lorsque son évasion fut découverte, il était déjà en Belgique, prêt à rejoindre l’Angleterre.

De retour à Londres, il apprend la mort de son père Louis Bonaparte le 25 juillet 1846. Charles Louis Napoléon Bonaparte, marqué par le décès de son père et par les différents échecs à ses tentatives de revenir vers le pouvoir en France, va prendre un peu de recul en compagnie de l’actrice Elizabeth Harriet Howard.

La Révolution française de 1848, la fin de la monarchie de juillet et la fuite à l’étranger de Louis-Philippe 1er vont lui donner une nouvelle occasion de revenir légalement en France.

 

 

4 Participation à la construction de la 2e République

Après l’annonce de la mise en place de la IIe République, par Alphonse de Lamartine, de son vrai nom Alphonse Marie Louis de Prat de Lamartine, fils d’un seigneur dans la région de Mâcon, Charles Louis Napoléon Bonaparte se déclare le 4 juin 1848, candidat à l’Assemblée nationale « constituante ». Lui-même et ses cousins, Napoléon Jérôme Bonaparte, Pierre Bonaparte et Lucien Murat, ont été élus députés, dans plusieurs départements.

Le retour du « clan » Bonaparte inquiète quelques nouveaux députés de l’Assemblée « constituante« . Aussi, le 12 juin 1848, Alphonse de Lamartine propose de remettre en vigueur la loi d’exil du 10 avril 1832, qui interdisait la présence en France de tous les membres de la famille Bonaparte. Cette proposition fut rejetée par la majorité des députés et les résultats des élections furent confirmés.

En juin 1848, le gouvernement provisoire décide de fermer les ateliers nationaux. Ces derniers avaient été créés par les membres de gauche, nommés au gouvernement provisoire, en vue de donner un travail aux sans-emploi et ainsi remplacer progressivement les entreprises privées.

Submergé par les demandes et sans véritable budget pour supporter cette charge importante, le gouvernement provisoire a été contraint de revenir sur sa décision.

Celle-ci fut alors, la source de nombreuses émeutes à Paris. Charles Louis Napoléon Bonaparte fut accusé à tort par certains d’être à l’origine de cette révolte, aussi il annonça renoncer à son mandat de député. Il évita ainsi d’endosser la responsabilité des répressions sanglantes, qui vont être pratiquées par la troupe et décidées par le gouvernement provisoire.

C’est encore une fois, la République qui « tire » sur son peuple. Le bilan fut lourd avec plus de 5 000 tués chez les insurgés et 1 500 dans la troupe. On compta plus de 25 000 arrestations, dont 11 000 qui furent condamnés à des peines de prison ou à la déportation en Algérie.

L’Algérie, plus précisément sur les berges de la Méditerranée, fut, depuis Charles X, la destination de nombreux condamnés à l’exil par la justice française.

Charles Louis Napoléon Bonaparte, décidé malgré tout à s’investir dans la marche vers le pouvoir, se représenta aux élections intermédiaires de septembre 1848. Il fut réélu dans cinq départements (la Seine, l’Yonne, la Charente-Inférieure, la Corse et la Moselle) et s’installa définitivement à Paris le 24 septembre 1848.

À la suite de la promulgation, le 4 novembre 1848, de la nouvelle Constitution de la IIe République, Charles Louis Napoléon Bonaparte présenta sa candidature aux élections présidentielles. Il était le septième candidat et fut élu au suffrage universel direct, le 10 décembre 1848, très largement devant les favoris des « élites » parisiennes.

Il s’installa, conformément à la Constitution, le soir même au palais de l’Élysée, nouvelle résidence officielle du président de la République.

 

 

5. Premier et unique président de la IIe République

5.1 Intervention militaire en Italie

En avril 1849, un corps expéditionnaire français a été envoyé en Italie aux environs de Rome par l’Assemblée nationale « constituante » avec l’accord du président de la République. Une révolte dans tout le Nord du pays, appelée « printemps des peuples » débutée fin 1848, avait pris la forme d’un mouvement d’unification nationale de l’Italie.

Ce mouvement lutta contre les occupants autrichiens, essentiellement de la Lombardie jusqu’à la Vénétie, mais Rome et les États pontificaux furent aussi leurs cibles. Le pape Pie IX avait dû fuir face aux émeutiers très violents qui prirent possession de la ville. Le pape avait sollicité l’aide de la France pour récupérer Rome et les possessions de l’Église romaine.

Ce corps expéditionnaire, composé de 6 000 hommes, était sous le commandement du général Nicolas-Charles-Victor Oudinot, fils du général d’Empire, Charles Oudinot. Parti de Marseille le 18 avril 1849 et arrivé devant Rome le 3 juin, Oudinot fera capituler la ville assiégée le 29 juin 1849. Les conditions très modestes de la capitulation auront pour origine le président de la République, Charles Louis Napoléon Bonaparte.

Ce « régime de faveur » vis-à-vis des émeutiers sera très mal perçu, non seulement en France, mais aussi dans les cours européennes d’Autriche et de Russie, qui firent face aux forces réactionnaires, en Italie mais aussi en Pologne.

Oudinot, en rendant la ville ainsi libérée au pape Pie IX, le 17 juillet 1849, va lui transmettre la préconisation de tempérance du président de la République française, concernant les vaincus. Après le retour d’Italie du corps expéditionnaire français, le président de la République fut informé des excès des troupes pontificales sur les ex-émeutiers.

Cette intervention militaire en Italie était anticonstitutionnelle et la gauche menée par Ledru-Rollin demanda devant l’Assemblée, le 11 juin 1849, la démission des ministres et du président de la République. Ce fut, pour la gauche parisienne, l’occasion de faire une nouvelle tentative de coup d’État. Cette tentative de putsch, très peu suivie, avorta rapidement. Ledru-Rollin s’enfuira à Londres et les journaux d’extrême gauche furent interdits.

 

5.2 Résultats des élections législatives

En mai 1849, soit cinq mois après l’élection du président de la République, aux élections des députés de l’Assemblée nationale « législative » les conservateurs obtinrent une confortable majorité des sièges avec 450 élus sur 814.

Cette victoire était essentiellement due au mode de scrutin avec le suffrage universel. Le pays, majoritairement paysan, souhaitait conserver la paix, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Les royalistes avaient obtenu 200 sièges, les républicains modérés 70 sièges et enfin, grâce surtout aux votes de Paris en ébullition, la gauche et l’extrême gauche obtinrent 180 sièges.

La majorité de l’Assemblée ainsi élue ne partageait pas les idées « sociales » du président de la République. Cependant, à défaut d’un roi, puisque le comte de Chambord, côté « légitimistes » et le comte de Paris côté « orléanistes » n’avaient pas réussi à trouver une solution ou compromis, les royalistes se contentèrent, sans enthousiasme, de celui qui a été élu à la présidence de la République. Quelques-uns d’entre eux, comme Thiers, considéraient celui-ci, sans véritable conviction politique et aisément « manipulable ».

Thiers et les royalistes contrôlant l’Assemblée nationale, étaient les « maîtres du jeu ». La Constitution de 1848 donnait tous les pouvoirs aux députés et très peu au président de la République.

Le décès de Louis-Philippe 1er, le 26 août 1850, au château de Claremont dans le Surrey, en Angleterre, donna un bref espoir à certains royalistes, d’une fusion des deux branches dynastiques de la Maison de Bourbon. Cela n’arriva pas, pour diverses raisons de principe. Les royalistes, déçus, durent se plier à exploiter, au mieux de leurs intérêts, la République et la Constitution.

 

5.3 Modification du corps électoral et du mode de scrutin

Aux élections législatives partielles de mars et avril 1850, en vue de remplacer les députés de gauche déchus, les excellents résultats de l’extrême gauche poussèrent l’Assemblée nationale à réduire le corps électoral, par la loi du 31 mai 1850, en ajoutant des conditions draconiennes pour être électeur.

L’objectif visé par l’Assemblée nationale fut d’éliminer du corps électoral la plus grande partie des sympathisants de gauche. Pour cela, la loi du 31 mai posait plusieurs conditions pour être électeur. On nota à l’époque que le président de la République ne s’exprima pas officiellement sur ce sujet, bien que n’approuvant probablement pas cette loi anticonstitutionnelle, conçue par les députés royalistes et bourgeois, majoritaires à l’Assemblée nationale.

La première condition imposait le paiement d’un impôt pour être retenu sur les listes électorales. La seconde condition imposait la justification d’avoir un domicile dans la commune et d’y habiter depuis au moins trois ans. Ces conditions fixées par la loi supprimèrent 30 % du corps électoral, les moins fortunés et donc les plus vindicatifs.

 

5.4 Vers le coup d’État

Les événements qui suivirent découlèrent tout naturellement de cette loi, du 31 mai 1850, car les conditions imposées remettaient en cause le respect de la Constitution de 1848. En effet, dans cette dernière, le mode de scrutin « universel » pour les élections législatives et présidentielles était clairement défini, « noir sur blanc » et le remettre en cause, sans une modification de la Constitution, rendait de fait cette loi « anticonstitutionnelle ».

D’autre part, dès 1850, le général Nicolas Changarnier, ancien candidat à l’élection présidentielle de décembre 1848 et favori des royalistes, a fomenté un coup de force, en accord avec Thiers et son « parti de l’Ordre » en vue de destituer le président de la République élu. Après avoir provoqué Charles Louis Napoléon Bonaparte et l’avoir poussé à la faute, Changarnier va le menacer d’une destitution organisée pour le 3 janvier 1851.

Le président de la République française, élu au suffrage universel, donc par la majorité du peuple français, va utiliser cette entorse réalisée par l’Assemblée nationale pour exiger une nouvelle modification de la Constitution concernant son mandat de 4 ans, pour l’étendre à dix années supplémentaires.

Pour convaincre les électeurs, le président de la République va exploiter son temps « libre » en effectuant plusieurs voyages en province pour défendre son projet et le suffrage universel. Il suscita des pétitions exigeant la modification de la Constitution, en sa faveur.

La proposition de révision de la Constitution, par le président de la République, fut rejetée une première fois par l’Assemblée nationale, le 19 juillet 1851. Elle le fut, une seconde fois le 17 novembre 1851, alors qu’il demandait le rétablissement du suffrage universel, tel que prévu par la Constitution de 1848.

Ce dernier rejet officiel, enfreignant les textes de la Constitution, validé par l’Assemblée nationale « constituante » plaçait les députés hors la loi. Cette violation de la Constitution par les « bourgeois » et les « royalistes » de l‘Assemblée entraînait le pays vers une dictature, comme sous la « Terreur » de Robespierre. Il fallait réagir et vite.

Le coup d’État devenait possible, probablement nécessaire, mais sûrement inévitable ! Charles Louis Napoléon Bonaparte avait longuement préparé cet instant, avec une poignée de fidèles. Parmi ceux-ci  se trouvèrent, Odilon Barrot, Alexis de Tocqueville, Hippolyte Passy, le général Alphonse Henri, comte d’Hautpoul, Ferdinand Barrot et Eugène Rouher. De plus, il savait que le peuple de France était de son côté.

Dans la nuit du 1er au 2 décembre 1851, sur ordre du président de la République, l’Assemblée nationale fut occupée par un détachement militaire. Comme en juillet 1830, un « placard » sur les murs de la capitale annonçait la dissolution de l’Assemblée nationale, le rétablissement du suffrage universel et la construction d’une nouvelle Constitution basée sur celle du Consulat. Dans celle-ci, le président de la République sera nommé pour dix ans, on verra la création d’un Conseil d’État, avec un corps législatif et une seconde Chambre, le Sénat.

En prévision d’éventuelles réactions des républicains, le ministre de l’Intérieur, Charles de Morny, le demi-frère du président de la République, avait mobilisé 25 000 hommes de troupe et avait fait arrêter diverses personnalités de gauche et de droite. Plusieurs centaines de parlementaires furent arrêtés et seront déportés en Algérie, comme les 27 000 autres arrestations en province.

Dans son excellent ouvrage « Histoire de la France » de 2018, Jean-Christian Petitfils cite Victor Hugo : « Qu’est-ce que la prolongation des pouvoirs ? S’exclamait Victor Hugo ; c’est le Consulat à vie. Où mène le Consulat à vie ? A l’Empire […] Quoi ! Parce que nous avons eu Napoléon le Grand, il faut que nous ayons Napoléon le Petit ? « 

De son vrai nom, Victor-Marie Hugo, apporta un fervent soutien à la politique du roi « bourgeois« , Louis-Philippe 1er. Il fut élu maire, le 25 février 1848, du 8e arrondissement de Paris. Il sera aussi élu député de la 2e République en juin 1848 et responsable de la répression sanglante de juin 1848, dans son arrondissement, suite à la suppression des « ateliers nationaux« , par le gouvernement provisoire.

Enfin, il sera à nouveau élu député, en mai 1849, dans l’Assemblée nationale « législative ». Il était le fils d’un général d’Empire, devenu comte, grâce à Joseph Bonaparte, alors roi d’Espagne.

Victor Hugo était « ultraroyaliste » dans sa jeunesse, pendant les règnes de Louis XVIII et de Charles X ; il sera fait pair de France par Louis-Philippe 1er en 1845. Il fut alors très proche de Charles-Augustin Sainte-Beuve, Alphonse de Lamartine, Prosper Mérimée, Alfred de Musset et d’Eugène Delacroix. Victor Hugo deviendra progressivement républicain dans la seconde moitié de sa vie.

Après avoir soutenu la candidature de Charles Louis Napoléon Bonaparte aux élections présidentielles, il basculera dans l’opposition après le coup d’État de 1851. Victor Hugo, en désaccord avec la politique du président de la République, va s’exiler dès le 11 décembre 1851. Cet exil deviendra contraint, par un décret d’expulsion daté du 9 janvier 1852.

 

5.5 La République plébiscitaire

Les 20 et 21 décembre 1851, le président de la République soumit au suffrage universel une question simple dont le résultat sera perçu comme un plébiscite de son nouveau pouvoir.

Cette question, ou « référendum » au 21e siècle, était la suivante : « Le peuple français veut-il le maintien de l’autorité de Louis Napoléon Bonaparte et lui délègue-t-il les pouvoirs nécessaires pour établir une nouvelle Constitution sur les bases prononcées dans sa proclamation du 2 décembre ? ».

Les bases proposées le 2 décembre 1851, par Charles Louis Napoléon Bonaparte, président de la République, étaient les suivantes :

  1.  Un chef responsable nommé pour dix ans
  2.  Des ministres dépendant du pouvoir exécutif seul
  3.  Un Conseil d’État formé des hommes les plus distingués, préparant les lois et en soutenant la discussion devant le Corps législatif
  4.  Un Corps législatif discutant et votant les lois, nommé par le suffrage universel sans scrutin de liste qui fausse l’élection
  5.  Une seconde Assemblée formée de toutes les illustrations du pays, pouvoir pondérateur, gardien du pacte fondamental et des libertés publiques

Le résultat basé sur 81 % des inscrits sur les listes électorales, donne 7 481 231 voix pour et 647 292 voix contre. Un peu plus de 18 % des inscrits se sont abstenus. C’est un plébiscite indiscutable de la part du peuple français. Ce qui va inciter la « nouvelle présidence » de la République vers un mode plus « monarchique ». Pour preuve, dès le mois de janvier 1852, le président de la République quitta sa résidence, le palais Élysée, pour rejoindre le palais des Tuileries, la résidence des derniers rois de France.

 

5.6 La nouvelle Constitution

La nouvelle Constitution, proclamée le 14 janvier 1852, dans sa forme de gouvernement, prévoyait que le président de la République disposait d’un mandat pour dix ans, à compter de la date de promulgation. D’autre part, celui-ci gouvernait au moyen des ministres, du Conseil d’État, du Sénat et du Corps législatif. Le pouvoir législatif s’exerçait collectivement par le président de la République, le Sénat et le Corps législatif.

Contrairement à la précédente Constitution, le président de la République était devenu le vrai chef de l’État. Il commandait directement toutes les forces armées, il avait l’initiative des lois. Les ministres ne dépendaient que de lui.

Le Corps législatif était composé de 261 députés uniquement, élus pour six années au suffrage universel. Le Sénat était composé de 150 membres au maximum, en provenance des cardinaux, des maréchaux, des amiraux et de citoyens que le président de la République aura jugés convenables d’élever à la dignité de sénateur. Les sénateurs étaient nommés à vie. Les membres ou conseillers du Conseil d’État, cinquante au maximum, étaient nommés par le président de la République.

Dans la nouvelle Constitution, Charles Louis Napoléon Bonaparte avait pris, comme son oncle, toutes les précautions pour disposer d’un gouvernement centralisé, dont les membres importants ne dépendaient que de lui. Tous les préfets, les ministres, les députés et même les fonctionnaires prêtaient serment de fidélité au président de la République.

 

5.7 De la République vers l’Empire

Le coup d’État du 2 décembre 1851 a réussi grâce à l’armée. La nouvelle Constitution apporta ce que le peuple souhaitait : de l’ordre, une organisation gouvernementale bonapartiste et l’autorité devenue nécessaire. Néanmoins, l’opposition était toujours là, aux aguets, attendant son moment favorable. Charles Louis Napoléon Bonaparte le savait, et il lui fallait profiter de l’instant le plus adéquat pour avancer ses pions vers l’Empire.

Pour mesurer l’accueil possible du peuple, il multiplia ses voyages en province. Partout, comme à Strasbourg, Roanne, Lyon, Marseille, les foules l’accueillaient aux cris de « vive l’Empereur ! » Mais c’est à Bordeaux, le 9 octobre 1852, qu’il prononça les paroles qui clarifièrent ses prétentions : « Par esprit de défiance, certaines personnes se disent : l’Empire, c’est la guerre ! Moi, je dis : l’Empire, c’est la paix ! ».

Évidemment, son message était destiné aux monarques de l’Europe et il les savait attentifs à tout ce qui se passait en France, d’autant plus, avec un autre Bonaparte à la tête du pays. Un mois passa sans aucune réaction importante, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Le moment de bousculer les événements était arrivé.

Le 7 novembre 1852, le Sénat proposa « le rétablissement de la dignité impériale en la personne de Louis Napoléon Bonaparte avec hérédité dans sa descendance directe ou adoptive ». Le président de la République n’était alors pas marié et n’avait pas encore de descendance.

Une loi, confirmant ce projet, sera ratifiée par un plébiscite du peuple les 21 et 22 novembre 1852. Le texte de cette loi sera ajouté à la Constitution, le 7 novembre 1852, par un « sénatus-consulte ». Le résultat du plébiscite a été sans appel : 7 824 189 pour et 253 145 contre.

Le décret impérial du 2 décembre 1852, ajouté à la Constitution de Janvier 1852, confirma le résultat du plébiscite et désigne Louis Napoléon Bonaparte, Empereur des Français sous le nom de Napoléon III.

La IIe République s’est terminée comme la première, par l’arrivée d’un Empire. Dans les deux cas, c’est un Bonaparte qui fermera le chapitre de la République, pour ouvrir celui de l’Empire. Le seul point « commun » entre ces deux hommes fut qu’ils portèrent le même nom de famille.

 

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