La Révolution de 1830
1. Contexte avant cet événement
1.1 Contexte
Si les règnes de Louis XVIII et de Charles X n’ont pas laissé beaucoup de souvenirs dans les esprits des Français du 21e siècle, c’est en partie dû au fait qu’ils n’ont pas duré longtemps et que ces rois n’ont pas réalisé d’actions significatives, à l’exception du début de la guerre d’Algérie qui aura des conséquences au 20e siècle.
De plus, le règne de chacun d’eux s’est déroulé après les périodes riches en événements de la Révolution de 1789 et le Premier Empire. Enfin, ces deux personnages, du fait de leur âge avancé et de leur longue absence pour cause d’exil, avaient un profil en fort décalage avec les événements historiques du moment en France.
Le premier, déjà très âgé au début de son règne et affaibli physiquement, n’aspirait qu’à finir sa vie au travers d’un règne paisible et sans contrainte extérieure. Le second, lui aussi déjà très âgé et en total décalage avec la période de son règne, souhaitait retrouver les privilèges de l’aristocratie de « l’Ancien Régime », pourtant supprimés depuis plus de 30 ans, par la Révolution.
Charles X, par son idéologie libérale et « progressiste » forgée à l’ombre du Royaume-Uni où il avait vécu si longtemps, n’avait pas vu combien la France avait changé depuis son départ pour l’exil en 1789.
Très naïvement, Charles X commettra l’irréparable erreur de libérer la presse, au moment où les partis politiques en conflit n’attendaient que cela pour se positionner et se faire mieux connaître.
Cette erreur participera grandement à son abdication et aura de très graves conséquences pour les siècles à venir. La seconde erreur, qui lui sera fatale, c’est l’utilisation, pourtant légale suivant la Charte du 4 juin 1814, de la gouvernance par le biais d’ordonnances, afin de réduire la presse au silence et pour contredire le résultat de nouvelles élections de députés, au sein de la Chambre.
Avec le règne de Charles X, deux vecteurs de nouvelles tendances de la société française embourgeoisée ont émergé, à partir de l’influence britannique grandissante, c’est le « progressisme » et le « romantisme ».
Le premier donnera naissance à la nouvelle classe dirigeante qui remplacera l’aristocratie et le bonapartisme. Le second sera à l’origine de l’intervention militaire des Anglais, des Russes et des Français en octobre 1827 au profit des Grecs face aux Turcs.
Charles X, en sous-estimant les bourgeois fort actifs dans la presse contre son pouvoir, va commettre une autre erreur qui coûtera fort cher à la royauté française. En effet, les nouveaux bourgeois, de plus en plus nombreux et de plus en plus riches, vont progressivement prendre le pouvoir en France, pour ne plus le quitter, jusqu’au 21e siècle.
La prise du pouvoir en France, par la bourgeoisie, a été facilitée par le fait que l’industrialisation venait de commencer, avec notamment la construction du chemin de fer. Dans les faits, les bourgeois, depuis la Révolution de 1789, étaient déjà aux manœuvres dans les coulisses du pouvoir.
Ceux-ci, soutenus par des aristocrates « libéraux » ont tout fait pour que le peuple, dans sa grande majorité, n’ait pas voix à la parole, en restreignant le droit de vote à quelques milliers de personnes. Le suffrage utilisé était censitaire (uniquement ceux qui étaient fortunés pouvaient voter pour un député et élire un autre homme, encore plus riche que les électeurs autorisés).
Ce mode de scrutin ne changera plus avant plusieurs siècles. Depuis 1789, pour les aristocrates et les bourgeois, il y aura les citoyens « actifs », ceux qui votent, et les citoyens « passifs », ceux qui ne sont pas « dignes » de voter, de par leur condition. Même Robespierre avait interdit le droit de vote aux militaires, y compris ceux de la garde nationale et aux « petits emplois » forcément non fortunés.
À cette époque, les militaires, comme les gardes nationaux, n’étaient pas considérés. Ceux-ci étaient méprisés, par les aristocrates et les bourgeois aisés, qui imaginaient qu’ils étaient « soldats » par manque de moyens financiers, pour payer un remplaçant.
Les bourgeois, majoritaires dans les Assemblées des gouvernements, depuis 1789, étaient convaincus que seuls les « Fortunés » avaient la capacité du « savoir ». Au 21e siècle encore, de nombreux bourgeois fortunés restent convaincus, souvent à tort, d’être les véritables « sachant », les « élites ».
Sous le règne de Charles X, les bourgeois, issus des milieux industriels et financiers, étaient rejoints par ceux de la presse, du commerce, de l’agriculture et des vignobles. Ceux-ci, prenant part activement à la vie économique, ont adhéré naturellement à la gestion du pays.
On vit rapidement les ministres issus de l’aristocratie, remplacés par ceux de la bourgeoisie. De nombreux bourgeois avaient aussi une origine aristocratique, mais leur idéologie libérale et « progressiste » prenait le pas sur leur patriotisme.
Cette nouvelle classe bourgeoise dirigeante va progressivement adhérer à des opinions politiques libérales, sensibles aux mouvements de soulèvements de certains peuples opprimés, hors de France.
C’est un véritable paradoxe qui va naître au sein de cette bourgeoisie, qui sera sensible à certains peuples « opprimés » à l’étranger, alors que celle-ci, par le biais de l’industrialisation, va engendrer en France des classes « d’esclaves blancs » dans les mines de charbon et de fer, dans la presse, dans le milieu viticole, dans les ateliers et dans de nombreux autres métiers.
Pour le plaisir et les joies de cette bourgeoisie de plus en plus aisée, vont naître en France des classes de travailleurs et d’ouvriers opprimés et exploités, incluant aussi des enfants et des travailleurs saisonniers.
Toute cette bourgeoisie française, à la recherche permanente de profits financiers, n’avait aucune empathie vis-à-vis de ce peuple misérable de la ruralité et des campagnes.
La bourgeoisie s’est essentiellement développée au cœur de chaque grande ville, mais majoritairement à Paris. C’est un retour en force des rancœurs, campagne versus villes, et l’inverse, comme le décrit, Alexis de Tocqueville dans son ouvrage « L’Ancien Régime et la Révolution » de 1856.
Un autre paramètre sera déterminant dans les événements de la fin du règne de Charles X. Dans le peuple et la classe moyenne aristocratique et bonapartiste, un sentiment de revanche suite au traité de paix de 1815 se renforçait.
Ce qui poussa Charles X à essayer de contenter la gronde montante en exploitant, en vain, quelques victoires militaires « dérisoires » à l’extérieur du pays, notamment en Algérie. Charles X, déjà en conflit avec les autres cours d’Europe, souhaitait maintenir, à tout prix, la paix en Europe.
En effet, les Belges, en 1830, se rebellant contre l’autorité hollandaise qui leur avait été imposée, souhaitaient se rapprocher de la France. Malheureusement pour eux, cela ne pouvait se faire contre l’avis des Anglais et des Prussiens.
D’autre part, la Pologne, qui avait été entièrement partagée entre la Prusse, la Russie et l’Autriche en 1815, cherchait elle aussi, à retrouver son indépendance.
1.2 « la liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix, symbole des « progressistes »
En plus de la presse, dont les « couleurs » politiques et les libellés, deviendront rapidement source de conflit avec le roi Charles X et les gouvernements successifs, vont s’ajouter, dans le débat déjà très vif, d’autres formes de représentations ou d’expressions politiques, tels certains tableaux, réalisés par des artistes engagés, comme « la liberté guidant le peuple ».
Ce chef-d’œuvre artistique, hors normes dans ses dimensions, 3,25 mètres sur 2,60 mètres, sera réalisé, après les « Trois Glorieuses » de 1830, par un jeune bourgeois de 32 ans, Eugène Delacroix, supposé être l’un des fils adultérins de Talleyrand.
Ce tableau, admirablement réalisé au niveau des formes, des expressions et des couleurs, porte à lui seul, pour de nombreux bourgeois de la gauche parisienne, le symbole du progressisme. Ce tableau servira longtemps de « porte-étendard » des gauches bourgeoises parisiennes se prétendant du « progrès » face aux « conservateurs ».
Au 21e siècle encore, beaucoup de bourgeois libéraux ou « progressistes » mettent en avant ce tableau et plus précisément ce qu’il est censé représenter.
À contresens de la société conservatrice, représentée par la noblesse mais aussi par le peuple, ce tableau peut être vu comme un opposé à « Bonaparte sur le pont d’Arcole » ou « Jeanne d’Arc à Orléans ».
En effet, sur le tableau de Delacroix, on voit une femme aux pieds et seins nus, une arme tenue dans la main gauche telle un « balai », sans grade ou uniforme ; elle lève avec la main droite le drapeau tricolore. Cette femme semble indiquer aux émeutiers le chemin à suivre.
Pour Delacroix, une femme peut être guerrière et chef, tout en étant légère et libre dans sa tenue provocatrice sur un champ de bataille ou une barricade. Il s’agit là d’une vision purement utopique et d’un déni de réalité, le mal par défaut des « progressistes ».
Ces derniers continueront, y compris au 21e siècle, à nier toutes les réalités pourtant évidentes, aux yeux de tous les autres. Il est intéressant de noter aussi que sur le tableau de Delacroix, il n’y a aucun membre de la haute bourgeoisie représenté, ce qui est conforme à la réalité de cet événement en juillet 1830. Pourtant, c’est bien eux qui récupéreront le succès de cette révolte parisienne.
Autrement dit, ce tableau représente le symbole de l’exact contraire de celui réalisé par Antoine-Jean Gros en 1801, représentant Bonaparte sur le pont d’Arcole, un jeune homme en tenue de général, véritable chef de guerre, arme à la main, dont l’uniforme et le grade confirment l’expérience, affrontant le feu des troupes ennemies, tout en brandissant le drapeau tricolore, pour guider et surtout encourager ses grognards.
De même, pour Jeanne d’Arc à Orléans, face aux Anglais. Elle était en tenue de guerrière, tenant son étendard à la main et portant une armure qui couvrait l’ensemble de son corps.
En 1830, le « progressisme anglo-saxon » et le « libéralisme » infusaient la société bourgeoise française depuis plus de 30 ans, comme l’industrie du chemin de fer le faisait dans les villes et les campagnes.
Aussi, des événements qui vont suivre la fin du règne de Charles X, découlera tout naturellement la prise du pouvoir du pays par certains bourgeois libéraux et « progressistes » dont le futur roi, Louis-Philippe 1er. Ce dernier ne pourra pas être roi de France, mais seulement roi des Français, par la volonté d’autres bourgeois.
La différence est fondamentale. Il est lui-même, issu de ces bourgeois « libéraux » et « progressistes » parisiens, fortement influencé par l’idéologie anglo-saxonne, comme ses ancêtres les ducs d’Orléans depuis Louis XV.
2. Révolution de 1830 ou les « trois glorieuses »
Charles X, sous le feu continuel des opposants, libéraux et bourgeois, a du mal à contenir les critiques incessantes de la presse et des députés de la Chambre. Ses ministres successifs ne permettront pas un rétablissement au calme tant espéré.
Villèle, à partir de 1827, sous la pression de libéraux et romantiques de l’Europe, essaiera de défendre la cause des Grecs, en pleine rébellion d’indépendance, vis-à-vis des Turcs de l’Empire ottoman.
Il sera à l’origine de l’expédition navale internationale, au large du Péloponnèse et composée des forces anglaise, russe et française. Cette intervention, dont la victoire sur les Turcs, permettra à la Grèce de devenir indépendante en 1830.
Polignac, qui a remplacé Villèle en 1829, toujours dans l’optique de calmer la gronde des députés de la Chambre, va saisir l’opportunité d’une intervention militaire à Alger au printemps 1830. Suite à une obscure affaire de remboursement d’un prêt, le dey d’Alger, dépendant de l’Empire ottoman, aurait giflé le consul de France.
Donnant le prétexte d’une intervention militaire française, dans l’espoir, pour Charles X, qu’une victoire lui donne le soutien du peuple de France. L’intervention militaire lancée début mars, se déroula du 14 au 18 juin 1830, sous le commandement du général Bourmont, celui qui a trahi Napoléon 1er devant Waterloo. Alger, vaincue, capitulera le 5 juillet 1830. Malheureusement, cette victoire n’apportera pas l’effet escompté par Charles X, car elle arrivera trop tard.
En France, la crise politique s’est encore aggravée avec les dernières élections. Le 16 mars 1830, 221 députés contre 181, adressent une motion de défiance au gouvernement (l’Adresse 221). Ce qui est contraire à la Charte de juin 1814 et amena Charles X à dissoudre l’Assemblée et à lancer de nouvelles élections de députés.
La presse parisienne, avec notamment le journal « Le National » tenu par Thiers, accentue les critiques du gouvernement et l’intervention à Alger. Les nouvelles élections auront lieu en juin et juillet 1830.
Malheureusement pour Charles X et son ministre Polignac, sur 428 députés élus, la bourgeoisie « censitaire » en avait obtenu 274, soit la majorité absolue. Ce résultat compliqua encore le pouvoir de Charles X, qui s’obstina dans ses choix.
Charles X, en conflit avec la presse et la majorité de la Chambre, décida de gouverner par l’utilisation pourtant légale « des ordonnances pour le salut de l’État ». Il signa quatre ordonnances le 25 juillet 1830.
La première supprima le régime libéral de la presse. La seconde dissout la nouvelle Assemblée fraîchement élue. La troisième ordonnance convoqua de nouvelles élections pour septembre 1830 et enfin la quatrième modifia la loi électorale en vue de restreindre sensiblement le collège des électeurs.
C’est présumé de son droit via la Charte de juin 1814 et par manque de réalisme, que Charles X va très vite déchanter. En effet, dès le 27 juillet 1830, soit trois jours après la signature de ces ordonnances, à Paris, les bourgeois et la presse se déchaînent contre lui. Les premiers troubles éclatent uniquement à Paris et dans les quartiers proches de l’Hôtel de Ville.
Les émeutiers, le 28 juillet, dressent des barricades dans plusieurs quartiers. Le gouvernement place Paris en état de siège et donne le commandement de la troupe réduite à 14 000 hommes, au maréchal Marmont. Charles X n’imaginait pas que cette petite révolte parisienne puisse perturber ses actions entreprises, via les quatre ordonnances.
Pour lui et Polignac, il ne pouvait s’agir que d’un petit soubresaut de quelques Parisiens et que ceux-ci seraient vite mâtés par la troupe. Le 29 juillet 1830, les émeutiers attaquent le Louvre et le palais des Tuileries. Ces palais seront abandonnés par les quelques défenseurs présents. Marmont et la troupe quittèrent Paris, laissant le champ libre aux émeutiers.
Les députés élus en juillet 1830, sur l’influence des bourgeois révoltés, reconstituent à Paris l’ancienne Garde nationale, dissoute en 1827, et en confient le commandement à La Fayette, l’un des leurs.
Ces trois jours de révolte, que certains Parisiens appelleront les « trois glorieuses » n’ont eu aucun effet dans le reste de la France. Paris a été la seule ville à se sentir concernée, mais déjà à cette époque, Paris, « c’est la France qui décide et impose ses volontés ».
Le 30 juillet 1830, Charles X est contraint de retirer ses quatre ordonnances incendiaires. Il est trop tard. Comme en juillet 1789, les émeutiers ont pris l’hôtel de Ville sous l’emprise des députés déchus par Charles X. Ils vont retirer le drapeau blanc de la royauté, pour hisser à la place le drapeau tricolore de la République et du premier Empire.
Tout un symbole après 30 ans de Restauration. Dès lors, tout peut basculer vers le désastre d’un retour à la République, qui entraînerait de fait une nouvelle guerre avec les cours européennes.
C’était sans compter sur les hommes-orchestres de cette insurrection parisienne, les chefs de l’opposition libérale, les Laffitte, Casimir Perier et Thiers. Ces derniers ont fait afficher sur les murs de Paris un « placard » dénonçant le risque important d’un retour à la République et qu’il était préférable, surtout pour eux, de faire appel au duc d’Orléans. Les émeutiers bien naïfs vont se faire « voler » leur révolte au profit des bourgeois, qui eux n’ont pas risqué leur vie face à la troupe.
Dans les « coulisses », Louis-Philippe duc d’Orléans, fils de Philippe-Égalité, ex-duc d’Orléans en 1789, régicide en janvier 1793 et guillotiné en novembre 1793, suivait de très près et « œuvrait discrètement » dans l’espoir de prendre enfin le trône de France, à la place de Charles X.
Ignorant probablement son implication, même discrète, Charles X lui confiera le titre de lieutenant général du royaume, le 31 juillet 1830.
Charles X le confirma dans cette responsabilité, le 1er août 1830. À 73 ans, Charles X n’avait pas envie de mener une nouvelle « bataille » pour sauver Paris de ses agitateurs bourgeois et encore moins envisager une guerre contre les coalisés des cours européennes.
Le 2 août 1830, Charles X, réfugié à Rambouillet pour chasser, informera le duc d’Orléans de sa décision d’abdiquer au profit de son petit-fils, Henri d’Artois, le duc de Bordeaux, futur comte de Chambord, alors âgé de 9 ans. Dans le même temps, le fils aîné de Charles X, le duc d’Angoulême aurait renoncé à ses droits au trône de France.
Charles X va confier à Louis-Philippe, duc d’Orléans, la responsabilité d’informer les députés et le pays de sa décision et de préparer l’avènement du futur roi Henri V.
Le 3 août 1830, Charles X reprend le chemin de l’exil, comptant naïvement et à tort sur Louis-Philippe duc d’Orléans pour respecter ses ordres. Il embarquera à Cherbourg pour le Royaume-Uni, où il vivra deux ans en Écosse, puis il repartira pour Prague et Goritz (à la frontière entre l’Italie et la Slovénie). Il mourra dans cette ville en 1836, âgé de 79 ans.
3. L’arrivée du roi bourgeois
Louis-Philippe, duc d’Orléans et lieutenant général du royaume, va bien informer les ministres, les pairs de France et les députés de la Chambre de la décision de Charles X d’abdiquer. Il omettra « seulement », de dire que c’était au profit du duc de Bordeaux, futur comte de Chambord, le petit-fils de Charles X. La place sur le trône de France était donc « officieusement » libre, mais pour qui ?
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Pour lire la suite, voir l’article « 1830 – 1848« …