Front populaire ou nouveau barrage à la droite
1. Contexte avant le front populaire de mai 1936
Après les élections législatives de 1932, le « cartel des gauches », encore effrayé par l’émergence de quelques députés du « bloc national » en 1919, avait réussi à repousser les incursions au sein de la Chambre. Ces députés étaient majoritairement des anciens combattants de droite élus lors des élections législatives de 1919. En février 1932, les gauches et divers centres gauches firent élire 516 députés sur 607 au total.
Les accords entre les gauches réalisés par le « cartel des gauches » permirent de réduire à néant les efforts du « bloc national », tout en renforçant, hélas, l’impéritie générale par l’apport de nouveaux députés novices issus des divers partis politiques, y compris du Parti communiste naissant. Ce dernier avait réussi à faire élire 11 députés en 1928 puis en 1932.
Depuis 1920, mais plus particulièrement depuis 1934, de nombreuses manifestations antiparlementaires et grèves s’étaient déclarées dans tout le pays. L’économie, l’industrie et le social étaient en berne sans avoir le moindre signal positif ou une lueur d’espoir en provenance des gouvernements français. La situation des « travailleurs » français en général était de plus en plus en décalage défavorable par rapport à ceux des pays frontaliers comme l’Allemagne. Les salaires et les conditions de vie du bas peuple continuaient à suivre une spirale négative depuis la fin de la Première Guerre mondiale.
Aux élections législatives de mai 1936, après avoir vécu idéologiquement le « traumatisme du 6 février 1934 », les gauches renouvelèrent leurs accords de faire barrage à la droite. Ces accords seront connus sous le nom de « front populaire ». Les parlementaires français des nombreux partis de gauche, imitant l’autruche, ignorant l’actualité internationale pourtant très grave, étaient aveuglés par la possibilité de voir une hypothétique droite remporter les élections.
Majoritairement pacifistes, les différents partis de gauche, à nouveau dans un état neuropsychiatrique intense contre la droite et des « fascistes » imaginaires, ignoraient volontairement le danger grandissant du prochain conflit avec l’Allemagne nationale-socialiste, dirigée par le chancelier Hitler depuis janvier 1933. Les communistes avaient reçu des ordres de Moscou pour encourager l’antimilitarisme et le pacifisme au sein du peuple français et de ses parlementaires.
Ces nouveaux accords de 1936 entre les gauches et centres gauches, connus sous le nom de « front populaire », permirent de faire élire 386 députés sur 610 au total. Parmi ceux-ci, majoritairement novices, on comptait 189 socialistes (SFIO et USR), 72 communistes (PC) et 115 « radicaux » (PRRRS). Tous les partis de droite (AD, FR, PDP) cumulèrent 224 postes. La répartition des postes permit de voir nommé à la tête du nouveau gouvernement français, le socialiste Léon Blum (SFIO). Ce dernier, juif alsacien, avait été cofondateur du journal « L’Humanité » avec Jaurès.
La nouvelle composition de la Chambre des députés de mai 1936 eut, hélas, une incidence extrêmement négative quant aux projets et travaux de défense du pays via la ligne Maginot. En effet, majoritairement pacifistes, les nouveaux parlementaires, appuyés par les communistes, dont toutes les actions étaient dirigées par Moscou, n’ont pas validé les budgets militaires pourtant indispensables à la construction et au prolongement de la ligne de défense et de fortification.
L’absence de ces moyens financiers sera reprochée aux nombreux parlementaires pacifistes de 1924 à 1936, mais aussi à l’État-major des armées dirigé après la Première Guerre mondiale par le maréchal Joffre. Ce dernier, contrairement au maréchal Pétain, n’était pas favorable à la construction d’une ligne de fortifications fixes le long de la frontière. Largement dépassé en termes de stratégie militaire, l’État-major voyait les conditions de défense, hélas, encore basées sur la Première Guerre mondiale, ignorant par exemple de protéger la frontière française avec la Belgique, le Luxembourg, l’Italie et l’Espagne.
2. Les modifications des conditions du travail
Immédiatement après ces élections de mai 1936, de très nombreuses grèves éclatèrent dans le secteur « privé », épargnant, étonnamment, la fonction publique. Ces nouvelles manifestations étaient plus violentes que dans les années précédentes. On estimait, à cette époque, que 2 millions de grévistes bloquaient ou occupaient plus de neuf mille usines, paralysant ainsi toute l’économie du pays. La disponibilité de certaines énergies comme l’essence et le charbon faisait cruellement défaut.
Ce fut à la demande du patronat français que le nouveau gouvernement Blum organisa des rencontres avec les différents syndicats en vue de résoudre au plus vite cette situation critique. Les parlementaires de la gauche radicale et bourgeoise, pour la première fois minoritaires au sein de la Chambre, depuis le début de la IIIe République, ne purent freiner ce mouvement social. Ce fut à la suite de ces rencontres dites de « Matignon » que de nombreuses et extraordinaires améliorations des conditions de travail furent validées.
Parmi les plus significatives, on pourra citer des hausses de salaires allant de 7 à 15 % selon les catégories, les branches et les indices, mais aussi la reconnaissance des conventions collectives, des syndicats et des délégués du personnel.
En ce qui concerne la durée du travail hebdomadaire, ce fut le gouvernement Blum qui imposa une baisse ramenée à quarante heures maximum sur cinq jours « ouvrés » et fixa deux semaines de congés payés à la charge de l’employeur. Une loi élargira l’application des congés payés à l’ensemble des salariés et notamment aux fonctionnaires, aux employés et même aux journalistes.
De ce fait, la chute importante de la production industrielle et la sensible augmentation des dépenses de l’État obligea Léon Blum à déclarer une « pause sociale » dès février 1937. La situation économique de plus en plus désastreuse, due essentiellement aux actions du gouvernement Blum, accéléra sa chute et le retour en force dès mars 1938 de la gauche « radicale », éliminant ainsi les socialistes au sein du gouvernement Daladier.
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