Guerre d'Algérie

Guerre d’Algérie, un témoignage

1. Témoignage émouvant d’un acteur de la guerre d’Algérie

 

A l’heure de la commémoration de la fin de la guerre d’Algérie, signée le 18 mars 1962, lors des « accords d’Évian »  par le gouvernement de la République française et le gouvernement provisoire de la République algérienne, voici le témoignage de Jacques Musmaque, témoin malgré lui de cette guerre.

Jacques, a 84 ans en 2022, mais ses souvenirs de sa jeunesse écourtée, par son service militaire prolongé par obligation gouvernementale, le ramènent aujourd’hui à cette période difficile et douloureuse pour beaucoup. Il avait écrit tardivement dans sa vie, ces quelques lignes pour son épouse, qui malheureusement n’aura pas eu le temps de les lire. Le destin en décidé autrement.

Cependant, il m’est apparu nécessaire de les reproduire ici, avec son autorisation, pour apporter quelque vérité vécue. Comme souvent, les faits historiques sont tronqués ou travestis par certains soi-disant « historiens » , souvent par idéologie. La guerre d’Algérie, comme toutes les autres guerres, a été vécue différemment suivant les témoins, locaux ou distants. Par respect pour la vérité et pour Jacques Musmaque, le texte ci-dessous est la copie intégrale de l’original, sans aucune modification ou ajout de ma part. Chacun pourra faire son opinion des événements réellement vécus par Jacques.

Merci à Jacques Musmaque de bien vouloir partager avec nous, ses souvenirs et son expérience personnelle, d’un épisode de la guerre d’Algérie.

 

2. Le texte intégral du témoignage de Jacques Musmaque

Ce qui suit n’est qu’une partie, de mon existence sur l’Astre « Terre ». Ma jeunesse.

Arriva le temps du service national, à mon époque celui-ci était de 24 mois légal.

Mobilisé le 01/07/1958, libéré le 11/11/1960 soit 2 ans, 4 mois, 11 jours

Soit un total de 28 mois et 11 jours.

L’Armée :

Mes classes (Formation du soldat), maniement des armes, tirs, marche au pas, obéissance, etc… Se sont effectuées au 2ème régiment de Hussards basé à Orléans. Orléans là, lieu de naissance de ma Mie, le hasard parfois fait bien les choses, la famille de ma fiancée se trouvait sur place, elle pouvait venir facilement me rendre visite.

La première visite de ma fiancée fut à la première permission, au bout de deux mois. Nous étions heureux de nous revoir, tant de jours, sans se tenir dans les bras. C’était sans compter au coup du sort. Ce jour là, une punition avait été donnée par le commandant de la caserne. Motif, un soldat avait fait le « mur » (expression pour une sortie sans permission), le fautif était le fils d’un colonel de notre armée. Nous étions punis, pour une faute commise par un dédaigneux. L’esprit de corps commençait bien. Un pour tous, tous pour un. Nous avions pourtant préparé cette première permission. Les habits en premier, le pantalon, la chemise avec ses plis impeccables, les chaussures, tel un miroir. Pour avoir cette permission, il avait fallu, comme chaque matin, faire le lit « au carré », l’armoire et les affaires bien rangées, sans aucun dépassement. Le dessous du lit, ciré au cirage noir. Nous devions être impeccables. Le 2ème Hussards était un régiment, semi-disciplinaire. Ce week-end, je n’ai pu sortir, avec ma fiancée que le dimanche. Nous étions heureux, comme des amoureux.

Pendant les classes (c’est comme cela que nous appelions, les premiers mois d’armée), j’ai fait la connaissance, de jeunes gens de tous bords, des fermiers, des dessinateurs, des ouvriers, des hommes de couleur, des homosexuels, des Français harkis et bien d’autres. L’armée française donnait la chance de se côtoyer, à toutes les sortes de jeunesse, celles-ci venaient d’horizons différents. Regrettant que cela ne soit plus le cas, beaucoup de problèmes seraient peut-être résolus. Mes classes furent agitées (nous avions le problème algérien), des attentats étaient perpétués dans notre pays.

J’ai appris pendant cette période ; l’objectivité, le devoir, le respect, ce que tout homme doit appliquer à son prochain. Le droit de l’homme commençait par ce service militaire.

J’ai effectué des déplacements dans la France, montant la garde d’une distillerie, nous étions au matin, un peu grisé, par les odeurs de l’alcool dégagée, celle-ci se trouvait dans le Loiret à Cercotte, près d’Orléans.

La surveillance de l’aéroport d’Orly, où nous avions remplacé « les rappelés du contingent » des hommes mariés, pères de famille, qui n’avaient plus vraiment le comportement de militaires. Nous avions pour consommation, les restes des repas qui n’étaient pas utilisés, par les voyageurs des compagnies aériennes. Cela nous changeait du « rata » quotidien.

La garde d’un dépôt d’essence militaire, près de Montargis. Là nous avions du temps, l’entrainement était quotidien. Le cross-combat, l’attaque de commando, l’attaque par surprise. Pendant mes classes, j’ai fait plus de déplacements, dans le pays, que de maniements d’armes. Plus de protection, des populations. Le maintien de l’ordre commençait !

La fin des « classes » étant arrivée, je fus muté à l’École Militaire de Paris, au Champ-de-Mars, au pied de la tour Eiffel. L’école était réservée pour l’enseignement des gradés de tous les pays, ceux-ci venaient là, pour que nos grands stratèges leur apprennent l’art de la guerre. Ceci a dû servir contre nous en Algérie. Mais je pense qu’il ne faut pas l’exprimer !

Pendant six mois, je fus affecté au service transport, chauffeur. Mon permis civil ayant été transformé en permis militaire, dans l’enceinte de l’École Militaire. D’abord comme chauffeur, aux transports de tous, conduisant une Citroën traction avant de 11cv. Puis ensuite, une affectation aux transports des officiers. Comme les taxis, mais gratuit. Ceci m’a permis de faire plusieurs régions de la France, étant sous les ordres d’un capitaine, commissionné pour organiser des excursions, pour les « Élèves » gradés. Cela m’a permis de visiter notre beau pays.

Les recherches d’endroits, où s’était effectuée la guerre de 1914-1918, avec des cartes militaires. Visiter, l’Abbaye d’Hautecombe dans le Jura, sur les bords du lac du Bourget. Admirer à l’intérieur, des statues de marbre blanc, d’une structure incomparable. Le début de la construction, du barrage de Serre-Ponçon, sur le cours d’eau de la Durance. Le village de Savines, étant pour ce projet, englouti et rebâti sur une colline proche. La Provence, dans des lieux où nous dégustions, dans chacune de ces régions, les spécialités culinaires. Dans les pré-visites, je partageais les repas dans les restaurants, avec le capitaine, des villes traversées. La chambre d’hôtel étant comprise. Lors des excursions avec les élèves gradés, les repas étaient servis dans l’arrière cuisine, avec d’autres chauffeurs de cars.

Enfin, vu mes états de service, je fus promulgué aux ordres du général, commandant de l’École Militaire. Le véhicule changea aussi, toujours une traction avant Citroën 15cv. Plus spacieuse et puissante. Le rang de celui, dont j’étais devenu chauffeur, l’exigeait.

Le soir, je rejoignais mon domicile, quand, je n’étais pas de voyage. Je ne voyais pas ma fiancée. Celle-ci ne demeurant pas dans la même commune. Paris nous séparait. Nous nous voyons le week-end lors des permissions. La semaine était longue, mais pleine de promesses, dans l’attente.

Un matin arrivant pour prendre mon service, je fus convoqué au bureau du colonel. Là, des gendarmes attendaient. Ils venaient pour m’interroger, le véhicule que je conduisais, pendant la journée, avait été vu dans la nuit, des filles embarquant à son bord. Le responsable ne pouvant être que le titulaire du véhicule. C’est-à-dire moi !

Je fus rapidement disculpé, étant donné mon alibi, j’étais en permission du soir, chez ma mère. Les coupables furent découverts très rapidement, l’un était fils d’un colonel (encore un), ils furent menottés et emmenés par les gendarmes. A l’armée on ne rigole pas avec la discipline.

Je devais revenir à la caserne le matin pour sept heures. Un matin, la surprise fut la grève des transports, cela existait déjà. J’ai dû faire, de la commune où je résidais, à la caserne, à pied, plus de la moitié de Paris. Je suis arrivé en retard, évidemment. Normalement, j’aurais dû être puni de permission, le maréchal des logis me connaissant, n’a pas voulu appliquer cette sentence. J’étais le chauffeur du général, un avantage. Ah oui, j’ai oublié de vous dire, que dans la cavalerie, le nom des grades change. Pourquoi, je n’ai pas d’explication pour le moment, à vous donner.

Il n’y avait pas toujours de bonnes choses à la caserne. Un matin rentrant de permission, je remarquais une fille en larmes, ses vêtements sens dessus dessous, dans un état de tristesse. Elle venait de passer la nuit dans une chambrée, de « Quillards » (terme utilisé pour un soldat en fin de service militaire). Ceux-ci appartenaient à l’armée de l’air. Ils ne lui avaient pas fait de cadeaux, elle était entrée à la caserne, avec un soldat par le poste Blanc (nom de la deuxième entrée de l’école), en douce. Elle croyait passer une nuit tranquille avec lui !

Ce qui lui est arrivé fut atroce, pour elle. Ils lui ont fait subir des bestialités, les uns après les autres. Ce n’était pas la première fois, je l’avais déjà entendu dire, par-ci par-là, de ces nuits. Là, je pouvais le constater par moi-même. Ces soldats étaient des ivrognes, des sauvages, pas des militaires.

Une nuit, je devais passer obligatoirement, une par semaine à la caserne. Ils sont rentrés au petit matin, complètement soûls comme d’habitude, je dormais. Ils ont renversé mon lit, ma tête a heurté le placard, je saignais à la tempe, ces imbéciles riaient en disant « debout le bleu » ne pouvant rien faire, l’union fait la force, c’est bien connu. Je n’ai pu que subir, cet affront.

Revenons à cette jeune fille, elle était de nationalité anglaise. Je l’ai fait entrer au poste de garde. La gendarmerie est arrivée, la jeune fille a déposé plainte, contre ces soldats qui déshonorent l’armée et le pays. Ils furent condamnés. Le « tout-puissant » les a punis, ils ont attrapé une maladie honteuse. L’honneur était sauf.

Pendant les soirs où je devais être à la caserne, j’ai appris à jouer au poker. Je n’étais pas mauvais à ce jeu. Les paris étaient les cigarettes de troupe, notre ration du mois. Les cigarettes que je gagnais, étaient rapportées à mon futur beau-frère (ancien d’Indochine), je ne fumais pas les cigarettes, pour moi, c’était la pipe et l’Amsterdamer, pour le tabac.

Les jours passèrent, les semaines, les mois, dans le même principe d’occupation, du temps. Les vacances arrivent. Le temps de la délivrance, le temps des penchants. Quinze jours avec ma chère et tendre, ses parents, ainsi que sa sœur et son petit ami. Nous étions à l’île d’Oléron. La plage, les baignades, les promenades, la pêche, le soleil et pour finir les crabes. Vous savez ces fameux dormeurs. Le père du petit ami de la sœur, était cuisinier, il nous faisait cuire ces délicieuses petites bêtes et nous passions une soirée ensemble. A rire et chanter. L’insouciance, de la jeunesse, de la vie, du futur.

Arriva le temps du retour. Le matin, ma bien-aimée, sa cousine et son cousin, sa sœur, étaient présents pour m’accompagner, dans la voiture du cousin, une 2CV Citroën. Nous avons embarqué sur le bac, le pont n’existait pas, nous nous sommes arrêtés à un café. Commandé des huitres, un petit vin blanc de pays. L’heure des adieux arriva, avec de l’émotion. Ce fut les derniers baisers, pour longtemps. Je ne connaissais pas mon futur ! Monter dans ce train, de retour vers Paris. Où mon destin m’attendait…

Arrivé à la caserne, j’ai appris mon départ pour l’Algérie. Le choc fut rude, les larmes présentes. Étant seul avec ma mère, j’avais été déclaré « soutient de famille », je ne pensais pas partir, pour l’Algérie. Laissant ma mère seule, sans la présence de son fils, auprès d’elle. Son fils partant pour maintenir l’ordre, dans un pays inconnu.

Me présentant au maréchal des logis de garde, lui réclamant ma permission pour aller chez moi. Celle-ci n’avait pas été posée. On (pronom indéfini) m’avait oublié. Je ne pouvais pas dire au revoir à ma mère et je partais dès le lundi suivant. Nous étions samedi. Pour la première fois, je fis désobéissance à mes supérieurs. Je partis sur-le-champ faire mes adieux à ma mère, je ne savais pas l’avenir. Départ oui, mais retour ? Je ne peux décrire les larmes, d’un côté comme de l’autre. La séparation d’une mère et de son fils, dans des circonstances, que nous avions déjà connues.

Le pire, ne pouvant faire mes adieux à celle que j’aimais. Elle était là-bas sur une île. J’étais séparé de notre futur, celui que nous avions imaginé. Je partais, mais est-ce que je reviendrai ? Elle fut prévenue par ma mère à son retour de vacances. J’imagine les larmes !

Nous sommes partis dès le lundi, dans des camions, puis en train direction d’un camp près de Marseille. Provisoirement dans l’attente de l’embarquement, sur le navire, qui nous emmènerait vers un avenir incertain. L’embarquement se fit sur le « maréchal Joffre » , vieux bateau de notre marine. Nous étions quatre mille soldats, nous partions vers l’inconnu, vers notre destin. Au départ du bateau, sur le quai aligné, des parents, des amis, étaient présents, pour certains d’entre nous. Les mouchoirs, foulards, virevoltaient dans les mouvements de leurs mains.

J’étais seul, mes pensées, le passé défilait. L’avenir m’était une inconnue ?

Nous nous sommes mis à chanter, comme un seul homme, « ce n’est qu’un au revoir » , je perçois encore cette chair de poule, me parcourant. Évoquant dans mon esprit, regardant autour de moi, que parmi nous, il y aurait des compagnons, qui n’en reviendraient jamais. Et peut-être moi…

Le voyage, allongés dans des hamacs, l’odeur de vomi dans la cale, était intenable. Je suis grimpé sur le pont, là où d’autres étaient déjà installés. La traversée s’effectua sans encombre. Je n’ai pas ressenti le mal de mer, ce qui m’a fait penser, que j’aurais pu être un marin ? Arriva le port de Bône, celui du débarquement. Il se situait près de la frontière de la Tunisie. Le débarquement, l’affectation, puis le départ dans les camions, vers ces points que nul ne connaissait. Nous n’avions pas les noms des villes, de nos destinations, ceux-ci étaient remplacés par des matricules. Mon séjour en Algérie, cette terre inconnue, pour moi, commençait…

L’Algérie :

Le camp où je passais quelques jours, je ne me souviens plus combien, se trouvait près de Bône, le long de la frontière tunisienne. Une ligne de haute tension, séparait les deux pays. La ligne « Morice » . Pendant 460 kms, elle longeait la frontière tunisienne. Cette ligne avait été construite à l’initiative du ministre de la Défense de l’époque, André Morice.

Dès la première nuit, les bruits de tirs se firent entendre, comme somnifère, cela commençait bien. J’ai reçu mon armement, un MAS 49 avec lunette. Armement destiné aux tireurs d’élite. Je me suis posé la question, moi qui n’avait fait pendant mes classes, que quelques tirs d’entrainement. C’est aussi dans ce camp, que pour la première fois, j’ai dégusté, un bifteck de sanglier, fort mais bon. Il avait malheureusement pour lui, été électrocuté dans la ligne « Morice » .

Je suis resté peu de jours dans ce campement. Le poste qui m’avait été affecté, celui que je devais rejoindre était plus loin. La première image fut « une banane » , hélicoptère de transport de troupes. Le « bled » était ma destination, loin des villes civilisées. Barral devait en être le nom, de ma nouvelle affectation. Les noms mentionnés, retrouvés à la lecture des cartes. Les noms ont changé, ils ont été « arabisés » d’où la difficulté de bien les replacer.

Mon nouveau régiment était le « 3ème Hussards » , 4ème Escadron Hittinger, Peloton De Grand Maison. Sa devise « Il en vaut plus d’un » Esterhazy Houzard 1764, régiment de cavalerie motorisé, chars, blindés, AMX, tout ce qui se déplace avec des chevaux « vapeur » .

Les souvenirs qui vont suivre n’ont jamais été racontés à qui que ce soi. Même pas à mon aimée. Elle les découvrira en faisant cette lecture, si elle le veut. Le récit qui suit n’est que la stricte vérité de mes souvenirs, enfouis dans la mémoire.

La première vision du village fut révélatrice, sur ce peuple, que je découvrais. « Gourbis » (maison) en terre, bouse de vache, pour le feu, animaux d’une maigreur inconcevable. Je me retrouvais là avec une vision de plus de quatre cents ans en arrière. Le temps des Gaulois. Les femmes transportaient des fagots de bois sur leur dos. Elles pourvoyaient aux travaux « ménagers », l’intérieur. Les hommes se déplaçaient à dos d’âne, les femmes suivant derrière, c’était leur coutume. Il y avait une école, l’instituteur français, sa femme. Ils venaient des régions d’Alsace. Beaucoup d’Alsaciens étaient arrivés dans ce pays. Je pense à ces élèves, apprenant dans leurs livres d’histoire, que « les gaulois étaient leurs ancêtres ». Je pense encore, qu’il y a eu, une erreur de nos dirigeants de l’époque, ils auraient pu changer ces livres. Tout au moins, apprendre, leur véritable origine, leur histoire. Cela aurait peut-être changé bien des choses.

J’avais changé d’arme, le fusil avait été remplacé par un PM (Pistolet Mitrailleur). Plus pratique, moins encombrant, plus maniable aux combats. Surtout quand on est conducteur.

Notre mission était de monter la garde aux portes de cette ligne « Morice » . Elles se trouvaient ouvertes pendant un laps de temps, pour permettre aux travailleurs du village, de passer pour leurs travaux, celles-ci n’étant plus électrifiées. Nous étions là pour faire de la « pacification », la journée, nous laissions passer la population, dans le secteur où se trouvait l’ennemi.

Allez comprendre quelque chose, ces personnes pouvaient eux-mêmes, de paisibles travailleurs, être ceux qui la nuit venue, détruisaient, tuaient, incendiaient, rien ne pouvait apporter la preuve du contraire. Le passage des fellagas pouvait avoir lieu tout au long de la ligne « Morice ». La nuit, là aussi, nous montions la garde. Sentinelles en alerte, rien ne devait nous échapper. Nous faisions des patrouilles en jeep, tous phares éteints. Conduire de nuit, n’est pas un amusement. Quelquefois, la lune était présente, jouant son rôle de lampadaire. Mais nous étions sur nos gardes, quatre gars en voiture, ce n’était pas beaucoup. Notre protection, la ligne « Morice » .

Une nuit, mon compagnon de garde et moi, avions entendu, des jets de pierres, ils venaient de l’autre côté de la ligne. Nous avions signalé l’incident à la relève. Le lendemain, dès l’ouverture du passage, un homme s’est rendu, c’était un fellaga (nom donné à nos ennemis). C’était lui, qui avait pendant la nuit, catapulté des pierres pour nous alerter.

Une autre fois, je venais prendre mon tour de garde. Sur cette voie de chemin de fer qui bordait la ligne « Morice » , j’aperçus un petit ânon, près de lui gisait sa mère, sur la voie, la tête tranchée. Le train passant tous les matins, contrôler la voie, voir si celle-ci n’était ni coupée,  ni piégée par un explosif. La sécurité du peu de trains qui y passait, devait être sans faille. Avait écrasé celle-ci.

La vie au village était paisible. Les habitants très affables pour nous. Mais cela ne les empêchait pas, pour certains, la nuit de nuire. Mes pensées, pour ce compagnon, cet Alsacien, qui a convolé en noces, avec une Algérienne du village. Que lui est-il advenu, à l’indépendance. Quel a été son sort ? A-t-il put survivre après l’indépendance de l’Algérie ? Ce mariage était pourtant une preuve d’amour. Il y avait aussi, ce compagnon d’armes, paysan demeurant dans notre Bretagne, voulant retourner chez lui. Ses parents avaient trop de travail à la ferme. Ils ne pouvaient embaucher du personnel. Nettoyant son arme, un coup parti, il venait de se tirer une balle dans la main, « être réformé » . Retourner au pays, était son objectif. Reprendre le travail auprès de sa famille…

Notre sous-lieutenant, chef de peloton, était un homme de grande taille et svelte. Christian de son prénom, était d’une famille noble, gentil, droit et ferme dans ses décisions. Son image apparaît, entrant dans un « gourbi », retirant son képi, baissant la tête, pour ne pas se la cogner (j’avais signalé qu’il était grand), le sourire sur les lèvres, disant le bonjour, en serrant les mains. J’étais devenu son chauffeur, dès le départ. Nous nous entendions bien. Nous nous apprécions.

Dans ce village à la tombée de la nuit, plusieurs camions de l’armée, se sont arrêtés devant le poste. La relève venait d’arriver. Conformément, la bière coula à flots. Les chants, les histoires aussi. Je crois au destin, à la providence, ce qui suit après en apporte une preuve.

Parmi les soldats qui venaient nous relever, croisant un gars, nos regards se sont rencontrés, puis reconnus. Celui-ci était un camarade d’enfance, de Charmes où j’avais vécu quelques années, j’avais douze ans. Nous nous sommes parlé toute la nuit, au matin, il a fallu nous dire adieu. Lui restait, je partais, pour une autre position. Notre relation en est restée là.

Notre nouvelle base se trouvait aux environs de Sétif, dans une ancienne ferme. Notre mission était de faire en sorte que la population se trouve protégée des renégats, qui voulaient « libérer » ! Leur pays. Les fellagas (FLN) étaient anti-France, ils étaient contre la population, même la leur. J’ai appris plus tard qu’ils étaient pour la plupart des croyants. Premier contact avec la religion de l’Islam. Qui était inconnue pour moi. En tant que soldat, nous combattions des renégats.

Ces gens que nous appelions communément des fellagas étaient des personnes recrutées, parfois sur le sol algérien. Il ne faut pas oublier, certains de leurs dirigeants, avaient fait leur apprentissage de combattants, grâce au savoir de l’armée française. Leurs études avaient été faites en France. Les paysans que nous rencontrions le jour, nous invitaient à boire le café, reçus avec amabilité et sourire. Bien souvent, sous cette table, où le café nous était offert, se trouvait un tapis, qui lui-même recouvrait une trappe. Souvent sous celle-ci, renfermait des êtres, la nuit venue, pouvaient faire leurs actions de destructions, de meurtres sur ceux qui ne se pliaient pas à leurs exigences.

Nous avions aussi été invités par un « Kabyle« , chez lui, le café était au poivre (goûté pour la première fois). Il était grand et plein de force. Son secret d’après ses dires, un verre d’huile d’olive, le matin à jeun. Les femmes dehors, préparaient les grains de couscous, roulés à la main.

Ces hommes qui n’hésitaient pas à exécuter leurs propres frères, en les jetant dans les puits d’eau, où ceux-ci se noyaient, ou de les tuer, au bord des chemins ou routes. Ces pauvres hommes n’avaient que pour défaut d’aimer la France. Nous les retrouvions morts bien sûr. Nous qui étions là, pour les protéger. Bien souvent nous étions confrontés à cette misère. Ceux qui travaillaient chez les colons étaient, je ne dirais pas heureux, mais ils avaient une protection. L’habitat, le pain, leur famille, leur religion, qu’ils pratiquaient sans contrainte. Ils étaient dans leur pays.

Notre mission était de protéger, de soigner, que personne ne me dise le contraire, puisque ma mission était de le faire. Mais nous ne pouvions le faire qu’avec l’appui des harkis, ces hommes qui ont combattu leurs semblables, pour une cause, avec des fusils « Lebel » . Celui-ci ne tirait qu’un coup à la fois, il fallait après chaque tir, remettre une balle dans le canon. D’ailleurs, ce qui m’a surpris lorsque nous les emmenions tirer dans la nature, c’est la précision avec laquelle, ils se servaient d’un fusil. Ils étaient des hommes, qui avaient sûrement servi la France, dans un autre moment, de leur existence.

Les colons (ceux que j’ai connus), des villages, étaient avec leurs employés, des gens simples, qui aimaient ce pays, qu’ils enrichissaient, c’était leur pays même si, ils étaient des émigrés d’autres nations. Il y avait des Italiens, des Espagnols, des Français, toutes religions. Ils aimaient cette terre.

L’Algérie était leur patrie

De nouveau, un déménagement est intervenu, nous devions quitter la position, pour une autre ? Nous quittions chaque fois avec le cœur gros, ces femmes, ces hommes, avec lesquels nous avions été proches. Le cœur n’a pas de frontière, il n’a que des adversaires !

De nouveau, les bagages, la route chaotique, en camions. Moyen de locomotion des militaires. Le nez dans le vent, la poussière dans les yeux, les camions n’étant pas fermés. Où allons-nous ? Le suspens, tout étant dans le secret.

Notre nouveau camp de base, était positionné dans un mini-village. Une boutique, une ferme, aux alentours, de grandes étendues à perte de vue. Paysage de ce pays, dans l’immensité. Un croisement de routes et des champs cultivés à perte de vue. Bien installés comme des militaires, heureux de pouvoir dormir dans des chambrées. Nous avions pris nos quartiers, nos patrouilles de jour comme de nuit et le temps passa. Nous avions repris nos habitudes.

Un beau matin, nous avions vu des soldats passer, devant notre poste, à bord d’une traction avant Citroën, ils étaient trois qui partaient à la chasse. Nous les avons revus le soir, leurs corps criblés de balles. Ils furent ramenés à notre campement, par un véhicule blindé, parti à leur recherche, après avoir été prévenu de leur disparition.

Le lendemain nous passions, de village en village, pour récolter quelques renseignements, pour ce faire, un interprète travaillait avec nous. C’était un homme d’une grande intelligence, bien habillé avec sa « djellaba » et sa « chéchia » de couleur marron, sa moustache, sa prestance était un atout. Sa présence était notre lien avec cette population. Que lui est-il arrivé le jour de l’indépendance ! Ce jour où nous découvrons une cache dans un puits. Elle était vide, pour combien de temps ?

Une autre fois cette découverte, d’une autre cache, qui selon des informations, devait être vide, fut un champ de bataille. Un adjudant-chef y perdit la vie devant moi, il avait pourtant fait la guerre d’Indochine. Le fellaga qui l’avait touché tirait à l’aveugle, par une ouverture en tournant son arme dans tous les sens, un PM (Pistolet Mitrailleur). L’adjudant qui fut gravement blessé, n’arrêtait pas de prononcer ces chiffres « 31, 32, 33 » il ne faisait que répéter. Cela était insupportable, ces nombres trottent pareillement dans ma tête, les images aussi. Il mourut peu de temps après, lors de son transport à l’hôpital. Avoir fait l’Indochine et mourir sur cette terre amie !

Cette ferme qui fut endommagée, le foin brûlé, les bêtes assassinées. Le pauvre gardien retrouvé attaché tremblant de tous ses membres, pensant qu’il aurait pu mourir, lui aussi. Lui porter secours, le réconforter, lui redonner confiance. C’était cela notre mission.

Les poteaux de transmission coupés, isolant les villages entre eux. Pour protéger la population, nous faisions construire des maisons près du poste, mais il n’est pas facile de faire perdre les habitudes, les personnes ne voulaient pas se mettre sous notre protection. Par crainte des représailles.

Nous leur apprenions tout de même, pour réaliser la même chose dans leur village. Nos rondes de nuit, sur des chemins de terre, j’étais souvent éclaireur, celui qui marche en tête. La peur au ventre, la bravoure, tout cela était mélangé. L’ennemi à tout moment pouvait surgir de nulle part. Une embuscade, pouvait être tendue, ici ou là. Il fallait faire notre devoir de soldat. Mes compagnons étaient de même, tous là pour défendre ce que devait être notre mission.

Le danger était partout, imprévu, je me souviens de cette discussion avec un appelé de souche algérienne, nous parlions bien sûr de notre présence sur ce sol, loin de chez nous. Il nous déclara, « un jour, vous partirez de notre pays, nous vous chasserons au nom d’Allah » . Nous l’avions regardé, médusés. Ce compagnon qui était vêtu de l’uniforme français, que nous connaissions depuis des mois, venait de faire voir son vrai visage. Il était brigadier de l’armée française. Depuis ce jour, je me suis toujours méfié, encore aujourd’hui, de ces personnes. Nous étions accueillis avec le sourire, amabilité dans les « gourbis », mais jamais il ne fallait tourner le dos. La franchise n’est pas présente dans leur nature. Aujourd’hui nous pouvons le constater.

Ces longues marches où la sueur et la poussière, se collaient à votre visage. Ces montées de sommets pour déloger des fellagas. Ces immenses étendues brûlées par le phosphore, lors des bombardements. Cette eau que nous buvions qui croupissait, dans laquelle nous mettions des cachets pour la rendre potable. Ces « bananes » volantes qui déposaient des commandos pour nettoyer les positions ennemies. Ces avions, qui passaient dans le ciel à basse altitude, à une vitesse que nous nous demandions s’ils nous voyaient d’en haut. Ces tirs d’artillerie, qui nous protégeaient, nous entendions les obus siffler, puis exploser près de nous, à se demander si nous n’allions pas en prendre un sur la tête. Ce fut des moments comme cela que j’ai vécu.

Nous avions aussi de bons moments. Celui de la distribution du courrier, il y avait des gars de toutes les régions. Des colis arrivaient, ils étaient partagés le soir. Comme partout des affinités se formaient. Nous étions un groupe de copains, qui tout au long de notre séjour en Algérie, a été soudé. Un colis venait de Bretagne avec des spécialités, un autre d’Auvergne, saucisson, fromage, je recevais peu de colis, mais de l’argent, que m’envoyait ma mère, ma fiancée. Donc je fournissais le carburant. C’est-à-dire la bière.

J’ai appris à monter à cheval. Participer à un défilé du 14 juillet. Je fus aussi désigné par mon lieutenant, pour faire partie d’une équipe, dont la principale occupation était de faire parler les prisonniers, cela n’a pas fonctionné. J’étais trop complaisant !

Un vol de grues passant au-dessus de nos têtes, je pris le fusil de mon lieutenant, tira, en abattu une, que nous mangeâmes le soir, cuisinée bien sûr, par la « classe » .

De nouveau, nous apprenions à la population, des hommes principalement, les femmes restant au foyer, comment fabriquer des briques en mélangeant la terre avec de la paille, pour construire en dur leur maison. Quitter leurs « gourbis » moyenâgeux. Apprendre à vivre sans avoir peur.

Il y eut aussi ce jour de vote, la population devait participer en grand nombre. Nous devions aller chercher les habitants dans leur village, pour faire plus de votants. Mais ceux-ci avaient une crainte, cela se voyait. Nous ne comprenions pas pourquoi ? Peut-être avaient-ils eu des menaces. Je ne le saurai jamais, le vote terminé, ils sont retournés dans leur village.

Des événements pouvaient se produire. Ma première « ivresse » que j’ai capturée, fut le 22 janvier 1960, le jour de l’anniversaire de mon Amour. Avec les maréchaux des logis et bien sûr, quelques copains. Nous avions fêté son anniversaire. La boisson du pays, chère aux « pieds noirs » , l’anisette. Une tournée en amenait une autre, jusqu’au moment, où mes compagnons ont été obligés de me ramener dans ma chambrée. Eux non plus n’étaient pas très bien. Ce jour de repos, je pouvais donc récupérer doucement. Et bien non, mon lieutenant ce jour-là, n’a pas trouvé mieux, que de décider une patrouille. Il est venu lui-même me chercher, ce qui n’était pas réglementaire. Il a fait préparer par le cuistot « la classe » un café à réveiller un mort, il me l’a fait boire, m’a dit « En route« , les ordres ne se discutent pas, ce jour-là c’est lui qui a conduit.

J’ai fait connaissance dans ce poste, d’un nouvel arrivant, il était de passage. Nous avions sympathisé. Ce qui me surprenait en lui, sa nonchalance, sa gentillesse. Il faisait partie des commandos, ces hommes qui étaient exposés plus que nous, ce sont eux qui étaient chargés de nettoyer des villages où était confirmée la présence de fellagas. Ce garçon était marié, père de deux enfants, je ne comprenais pas pourquoi il s’était engagé dans les commandos. Nous parlions souvent le soir tous les deux, de sa famille, moi de ma fiancée. Il est parti en mission avec sa compagnie, je n’ai jamais plus eu de ses nouvelles.

Nous avons déménagé de nouveau. Notre nouvelle affectation, un poste à St Arnaud. Toujours près de Sétif, mais du côté opposé de la précédente.

Mon lieutenant : J’ai appris à connaître cet homme d’honneur, qui pratiquait sa mission avec des valeurs humanitaires. C’est lui qui a voulu que je fasse un stage d’infirmier, apprendre à soigner, les personnes, que nous allions visiter, dans les villages. Apprendre à faire des pansements, des piqûres. Apprendre à converser dans leur langage. Les habitants parlaient peu le français, je n’ai connu que le bled. Ces populations loin des villes. L’âme d’un pays, le cœur qui bat au rythme de la terre. Celle qui nourrit, que l’on oublie.

En permission, je suis allé au cinéma, avec un maréchal des logis, nous devions être armés. La sécurité des villes laissait une dangerosité, pour nous. Nous étions, dans la ville de Sétif. Je n’ai jamais voulu de nouvelle permission.

Mon lieutenant m’avait tellement à la bonne et je le pense, confiance, décida de me donner la responsabilité de l’infirmerie, en plus du poste de conducteur personnel, de sa jeep.

L’infirmerie de là-bas : Je consultais le matin les malades. Ceux-ci me racontaient leurs maux, je signale qu’ils parlaient très mal le français, moi-même, très peu l’arabe. Quelquefois cela valait la rigolade. Comme ce jour, un homme entra accompagné de son fils, il m’expliqua que son fils mangeait des vers de terre. J’ai réfléchi pendant un moment avant de comprendre. C’était dans les selles que son enfant avait des vers. Cette autre journée, le père amène son fils avec un grain de blé dans l’oreille, l’enfant avait joué dans un silo de grains. Avec une pince à épiler, j’ai réussi à lui retirer. La joie du père et les remerciements. C’était principalement les hommes qui venaient, la défiance était de base. Peu à peu, les femmes sont venues, c’était pour nous soldats, une victoire. Nous ne faisions plus peur. Je pouvais leur parler, les soigner, sans la présence d’un homme.

Ces gens ne prenaient, pour ainsi dire, aucun médicament, facilitant ma tâche. Quelques cachets d’aspirine, bien souvent, je revoyais mon patient tout heureux, me remercier de l’avoir guéri ! Un matin à l’infirmerie, se présenta un homme d’une vingtaine d’années. Il se déshabilla pour me faire apercevoir des traces, sur son corps. Après quelques vues, je suis allé chercher mon supérieur. Il revint avec moi, examina ces blessures que portait cet homme. Ébahis de stupeur, nous avions devant nous un garçon, qui sur le corps, une dizaine de blessures occasionnées par arme à feu. Il fut transporté à l’hôpital. Je ne sais pas ce qu’il est advenu de lui.

J’ai connu dans ce pays, des colons qui étaient des gens formidables. Bien sûr, ils avaient de l’argent. Ils avaient surtout des terres à perte de vue. Ils aimaient ce pays, leur pays. Lors des récoltes du blé, trois, quatre, moissonneuses de front se déplaçaient pour recueillir le blé. Le spectacle était splendide. La lumière du soleil, reflétant sur ces étendues, d’un blond lumineux. Dans d’autres fermes, l’élevage de porcs, était leur activité. C’étaient les mondes paysans. Celui de la France et d’autres pays. Le monde dit « pied noir » . Des gens comme vous et moi, ils étaient la richesse de ce pays. La lumière, le chemin pour la population d’Algérie.

Ce n’était pas le même spectacle lorsque nous étions appelés la nuit. Voir des hectares détruits par le feu, ceux-ci étaient allumés par des fellagas. Nous ne pouvions rien faire, que de regarder cet immense gâchis. Essayer de prendre ceux qui avaient fait cela, vu l’immensité, de nuit, la mission était impossible. Nous ne pouvions que constater, l’horreur de cette irresponsabilité.

Dans le poste, la garde de nuit  : une tourelle sur le toit. A côté de cette tourelle, se trouvait un nid de cigogne construit sur la cheminée. Des petits à l’intérieur, nous pouvions les apercevoir, c’était amusant. Ces petits cigogneaux avec leur bec, grand ouvert, attendant leur repas. Le pire, les cigognes font claquer leur bec en permanence, cela fait beaucoup de bruit la nuit, croyez-moi. Vous ne pouvez pas vous endormir, elles sont là pour vous maintenir éveillé.

Mon lieutenant, un soir me convoqua dans son bureau, pour me dire « j’ai fait ta demande —A l’ordre du feu— elle est partie » . La citation attribuée pour la participation aux combats contre l’ennemi. Je ne peux décrire toutes les missions effectuées, certaines dangereuses, d’autres plus calmes. Ce que je perçois encore aujourd’hui, ce sont ces heures, ces jours, ces nuits, où les sentiments de peur, de courage, se sont mêlés tout au long de cette guerre. Nous étions des « appelés« , pas des militaires de carrière. Mes années de jeunesse se sont passées loin de ceux que j’aimais.

J’ai vu pour la première fois une fête de ce pays. La préparation du méchoui. Le matin, les hommes creusent un grand trou, pour y mettre le bois, dressent le tourne-broche. Amènent le mouton, l’égorgent dans la tradition. Les femmes préparent la « marga » bouillon avec toutes sortes de légumes, la semoule de blé dur, roulée avec l’huile d’olive, faite à la main. Toute cette préparation faite dans la joie. Nous avions festoyé avec tous les gens du village, colons, villageois, soldats. Le repas fut une fête. Les habitants des villages, ne ressemblaient en rien à ceux des grandes villes.

Les femmes musulmanes portaient le foulard sur la tête, comme pouvaient le porter nos grands-mères dans les campagnes de notre pays. Je n’ai jamais rencontré une femme en « Burka » . Pourtant, ce peuple priait, croyait en Dieu (Allah). Les hommes priaient aussi, tournés vers leur point spirituel, la « Mecque » . Je n’ai jamais vu, de mes yeux, un soldat empêcher cet acte envers ce peuple. Nous-mêmes allions à la messe, quand nous le pouvions. J’ai dit au début, que je n’étais pas baptisé, mais mon séjour dans ce pays, m’a fait prendre conscience, d’un « protecteur » .

J’ai visité un vestige de l’Empire romain, « Djemila » toute une ville romaine mise à jour par les archéologues. Ce site était magnifique, qu’en est-il aujourd’hui ?

L’Algérie a été colonisée, bien avant nous, par les armées romaines, l’Empire ottoman. Beaucoup de vestiges le prouvent, dans ce pays. Leurs ancêtres seraient peut-être, plus Italiens que gaulois ou autres ? Je ne crois pas me tromper ? En disant que c’est la France qui a créé l’Algérie !

Le maréchal des logis-chef, avait adopté une chienne à son arrivée en Algérie, il l’emmenait partout. Arriva le jour où sa mission terminée, il repartait pour la France. Cet homme avait fait la guerre d’Indochine, tout comme cet adjudant qui fut blessé devant mes yeux et qui est mort à la suite de ses blessures. C’étaient des engagés. Ils étaient durs aux combats et pourtant. Il emmena avec lui en souvenir, un chiot de cette chienne. La mère est restée, je m’en suis occupé jusqu’à ma démobilisation. Les copains qui restaient ont pris la suite.

Un pigeon, je l’avais apprivoisé, me suivait partout, il se posait sur mon épaule, ce qui peut apporter la preuve que nous faisions de la « pacification » !

La réponse de ma citation « au feu » arriva, mon lieutenant m’avertit que je ne pouvais y prétendre, le nombre d’actions au feu avait changé entre-temps. Cela n’avait pas d’importance, je n’étais pas fait pour les éloges, ni les décorations. J’ai toujours eu un poste supérieur, avec le grade inférieur. Même dans le civil. Là est mon destin. Je n’ai pas précisé que j’étais nommé 1ère classe à Paris. En Algérie, comme il manquait des gradés, j’ai toujours fait la fonction de « brigadier » (ou caporal), je n’ai jamais eu la rémunération, mais la responsabilité, oui.

J’ai fait la connaissance du Comte de Ségur, un garçon d’une simplicité, d’une gentillesse, il était un descendant de la Comtesse de Ségur, l’écrivaine. Nous avions des surnoms entre nous, le mien était « Jésus » mes compagnons avaient décidé cela. Je n’ai pas su pourquoi ? N’étant pas un pratiquant, je n’étais pas baptisé. Ma gentillesse, la camaraderie, le dévouement, l’amour de rendre service ? Allez savoir.

Le cuistot originaire d’Arles, m’appelait « la classe » nous étions du même contingent, 58 1C. Je vous l’ai cité plus haut. Je n’étais pas croyant comme je le disais, mais en Algérie, j’ai eu un doute. J’ai rencontré un aumônier militaire, il savait ma position, il me donna un jour, un chapelet, pas celui avec des perles, non un en cuivre avec une croix. Je l’ai toujours porté sur moi, je l’ai toujours d’ailleurs. J’ai toujours eu aussi une feuille de papier, donnée par un compagnon pendant les classes, sur laquelle sont gravés des mots retrouvés sur une tombe. Est-ce le hasard, la protection, je ne pourrais dire : mais j’ai eu la chance de passer toutes ces épreuves sans dommage. Ce qui n’a pas été le cas pour les 30.000 morts de cette guerre. Mes camarades inconnus.

Je me suis retrouvé alité par une jaunisse, « La classe » m’a préparé un lait de poule, qu’il fallut que j’ingurgite sous son regard. Je le revois, sa silhouette mince, son accent du sud (Arles), son tablier autour de sa ceinture, son calot sur la tête, il ne le quittait jamais. Sa décoction fut efficace, j’ai dû être transporté à l’hôpital. Je n’y suis resté que quelques jours. Ce que mon cuistot m’avait donné, avait déclenché une crise de foie. Les docteurs ont constaté que cela avait arrêté le processus de la maladie. Heureusement, j’étais à huit jours de la quille.

La quille, ce moment où vous êtes libérable, ce moment tant attendu par un soldat. Le retour vers son pays, sa famille, ses amis, pour moi retrouver celle qui m’a continuellement soutenu, celle qui était toujours sur mon cœur, nuit et jour, celle avec laquelle, nous correspondions tous les jours sans exception. C’était pour la revoir que j’ai tenu dans ce pays lointain. Je n’ai jamais cru une seconde, que je ne la rêverais pas. Que je ne pourrais plus la serrer dans mes bras.

Revenu au poste, le dernier paquetage, au revoir à mes compagnons, d’une époque. Le taxi est là. Le paquetage mis dans le coffre, sous le regard de mes camarades. Quelques sourires, des larmes aussi. Nous ne pouvions, après tout ce temps passé ensemble, oublier les moments d’amitiés. Me regardant partir, les derniers gestes de la main, envers ceux qui ont été mes frères d’armes. Un dernier regard embué sur l’image de ma jeunesse. Elle, elle restera dans ce pays.

Le chauffeur de taxi est un bavard, il parle le français comme moi. Son taxi, est une « Renault Frégate » , un peu déguenillé, mais roulant encore et encore. Il me dépose à mon rendez-vous. Un signe de la main, un sourire, l’arrière du taxi s’éloigne, mon séjour ici aussi.

Le retour en train, assis sur ces sièges en bois, vers Alger fut long, la hâte de retrouver le sol français était de plus en plus pressante. Nous étions parqués, avec notre paquetage sous les yeux. Il fallait faire très attention aux autres. Nous étions tous réunis, personne ne se connaissait, nous venions de partout. Tout objet, appartenant à l’armée et qui n’était pas restitué, pouvait, d’après les dires de nos surveillants, être retenus sur notre solde de libérable, même d’aller jusqu’à une peine de prison. Vous nous voyez, nous soldats, rester sur ce sol, pour une mauvaise action d’un autre. Nous qui avions tant rêvé de ce jour. Nous étions vigilants.

L’embarquement vint enfin, pour le retour. Le « Kairouan » , le nom du bateau nous ramenant dans nos foyers. Sur notre terre, vers ceux, qui au long de ce temps passé loin d’eux devaient nous attendre, les larmes aux yeux, tout comme nous. Sur le pont, j’ai aperçu Alger la blanche, s’éloigner. Mais mon cœur était déjà loin. Le retour fut comme l’aller, j’ai dormi sur le pont dès le départ. A l’horizon des formes, les premiers bâtiments, le château d’If, apparaissaient devant nos yeux. Des cris, des pleurs, mais ceux-là étaient de joie.

Nous arrivons sur cette terre, que nous n’aurions jamais dû quitter. La France.

L’arrivée au port de Marseille !

Plus rien, aucun souvenir de ce débarquement, de la restitution du paquetage, juste le train. Celui-ci me ramenant à Paris. Pourquoi ce trou dans la mémoire, la joie du retour, d’être là, sain et sauf, je ne pourrais le dire !

Je retrouvais ma bien-aimée, mes familles, mes amis, ma Patrie, la France que j’avais servie, ce pays qui avait pris ma jeunesse (28 mois et demi), auquel je n’en voulais pas.

Ce n’est qu’une partie de l’histoire personnelle, racontée par celui qui a vécu ce parcours, présent sur le sol de l’Algérie durant ces événements et cet affrontement.

La vérité sur cette histoire, ne peut être formulée, que par ceux qui l’ont respirée.

J’ai gardé une pensée, pour ceux que j’ai connus, ceux que je n’ai pas connus, ceux qui ne sont jamais revenus. Nous étions jeunes, pleins de santé, de gaité, d’insouciance. Que la France ne l’oublie jamais, ils étaient à ton service.

Reprise de la vie civile

Malgré mes cheveux blanchis, j’ai pris la décision de continuer mon histoire.

L’anniversaire des 60 ans, de la signature du « cesser le feu » ranime mes souvenirs, toujours présents. Relater, la suite de mon parcours, en commentant cet événement.

De retour à la vie civile, j’ai repris les habitudes du temps d’avant cette expérience. J’ai convolé en juste noces, après tant d’attentes. Nous avons fondé une famille.

Pourtant, l’Algérie était toujours présente dans l’actualité. Nous ne pouvions y échapper. Au début, les combats se poursuivaient, les médias rapportaient des informations. Celles-ci ayant, dans certains cas, divulgué des frayeurs, dans la population. L’apparition des commandos parachutistes dans le ciel de Paris ! Le soulèvement de l’armée, par les généraux. Tant d’informations circulantes à tort ou à raison.

Des attentats commis, comme celui du Petit-Clamart, contre le général De Gaulle. Les déclarations de celui-ci à Alger, « Je vous ai compris » . Chacun des participants au rassemblement d’Alger, a cru qu’il s’adressait à lui. « L’Algérie française » ou « l’indépendance » .

La proclamation de « l’indépendance »

Nous avons cru que ceci était la fin de cet épisode. Tirer un trait sur cette confrontation, pour nous les combattants. Au début de ce conflit, nous avions été envoyés, pour faire le maintien de l’ordre. La police en quelque sorte. Aider une population à se sentir en sécurité.

Au fil du temps, des rumeurs se sont élevées. Du « maintien de l’ordre » nous étions passés à la « guerre« . La guerre d’Algérie fut ainsi nommée. Pour moi, le changement était déterminant. Du simple soldat, parti pour faire la police, je devenais « un ancien combattant » . Celui qui avait fait une guerre, ce nom qu’aucun des dirigeants n’avait voulu prononcer, ces derniers temps.

J’avais pensé « la déclaration d’indépendance va, dans ce pays, libérer de la joie » . Je me suis trompé. Lorsque je dis « ce pays » , c’est en pensant à ceux que j’avais côtoyés « tous ensemble » . Les Algériens, les pieds noirs, les harkis, tous unis pour l’Algérie. La suite de cette proclamation a été contre toute attente, pour moi…

L’exode

Une multitude de « pieds noirs » a fui ce pays. Croyant retrouver en France, l’accueil du frère retrouvant sa famille. Ils ont été déçus. Beaucoup ont quitté notre terre à jamais. D’autres pays les ont accueillis. Parmi eux, l’Australie. Ce pays à ce moment de l’histoire, cherchait surtout des femmes. Il les a accueillis, des couples et des enfants.

Les harkis, ceux-là, avaient servi la France, au péril de leur vie. Peut-être, ceux côtoyés pendant mon service. Ils ont été pour certains, mis dans des camps, rappelant de pénibles souvenirs.

L’État n’avait pas compris. Pourquoi ? Je disais dans mon récit précédent, que « seul celui qui a vécu, peut raconter » . Nos gouvernants n’étaient pas sur place. Les visites dans les grandes métropoles, ne reflètent pas la réalité d’un pays. Nous le voyons encore aujourd’hui.

Les Algériens ont cru dans la parole de ceux que nous avions combattus, c’était leur droit. Les promesses sont toujours prononcées, mais jamais tenues. Cela aussi, nous le voyons encore aujourd’hui.

Je suis retourné en famille dans ce pays, l’Algérie, en 1981. J’ai constaté, à cette époque, en le visitant, cette misère incommensurable. Pourtant, qu’avais-je dit à ma femme et à mon fils « je vous emmène pour vos vacances, visiter un des plus beaux pays. Celui où j’ai combattu » .

Atterrir sur l’aéroport d’Oran

Qui aurait pu prévoir cela ? J’ai ma petite idée.

A l’approche de l’aéroport, la vue d’ensemble, nous représentait des avions de guerre rangés, l’un à côté de l’autre. Aéroport civil ou militaire ?

Au passage de la douane, l’accueil est sympathique, « vous êtes déjà venu en Algérie ? » . Réponse de ma part, « oui » , « comme soldat » , réponse « oui » , « vous êtes content de venir ? » , réponse « oui » , « nous vous souhaitons un très bon séjour de la part des autorités » .

A l’écoute de ces paroles, une certaine appréhension. L’accueil avait été excellent, pour nous. La femme devant moi ne devait pas avoir la même idée. Confiscation de ses bijoux ?

La reprise des passeports, la route était libre pour notre destination.

A la sortie de l’aéroport, la famille nous attendait avec un grand sourire. Je venais de poser mes pieds sur la terre du pays des années de ma jeunesse. Mon cœur battait, plein de souvenirs rejaillissaient. Les bons , les mauvais. Le tri n’était pas faisable.

L’argent que nous avions était limité. Ne pas montrer aux habitants comment nous vivions dans d’autres pays. Les étrangers travaillant sur place, avaient eux aussi leurs salaires limités. La même somme, « le plafond fixé par les dirigeants » du pays d’accueil. Leurs salaires étaient versés sur leur compte dans leurs pays d’origine. Ne pas démontrer nos opulences, vis-à-vis de la population. Ce qui est aujourd’hui connu de tous. Nous en voyons les conséquences.

La ville d’Oran. Nos premiers pas dans cette ville, nous a médusé, l’accueil de l’habitant était bienveillant. L’environnement n’était plus celui d’auparavant. Les rues, l’environnement étaient négligés. Certaines églises avaient été pillées. Le cimetière français d’Oran, où nous nous sommes rendus, à la demande d’un ami, pour retrouver la pierre tombale de sa mère. Certaines tombes, avaient elles aussi été détériorées. Celle de la mère de notre ami était restée intacte. Prise en photo, un souvenir à lui rapporter à notre retour.

Parcourant la région où nous étions, de ce pays, je n’avais vu que désolation, misère, tristesse. Beaucoup de ruines. Des bâtiments, où le temps s’était arrêté, à l’époque où la France était présente. Des hôtels majestueux, de ce temps, escaliers en marbre blanc, étaient devenus des hôtels de bas étage. Les lits dans les chambres étaient à ne pas se coucher, d’une propreté négligée. L’eau ne coulant plus que par un filet des robinets. Celle-ci n’étant que de l’eau froide. L’eau chaude n’existant plus. Les portes ne fermant pas, les serrures étant fracturées. La salle des repas, n’en parlons pas. La sécurité n’existait plus. La nuit passait, les yeux ouverts, les oreilles tendues. Le matin nous repartions vers d’autres destinations. Le soir ramenait la même pression.

Cimetières dans les villages du bled. Ossements éparpillés à même le sol. A certaines églises, ne restait que la façade. L’intérieur détruit, saccagé.

Installé dans la voiture, sur cette route fréquentée. les véhicules circulant, dans les deux sens. Pas énormément, suffisant pour donner un peu d’animation. Au milieu de ce trafic, des hommes se trouvaient au milieu de la route. Un pinceau à la main, un pot dans l’autre, repeignant le traçage des lignes blanches. Je ne savais pas ? De où, à où, ceux-ci devaient aller. Une chose était certaine, une fois leur périple exécuté, ils devraient recommencer !

Les touristes devaient se faire très rares. Que des inconscients, comme nous ! Nous ne savions pas. L’imagination de l’être humain est inventive. Il ne peut observer, que ce que sa vision lui communique. Les champs de blé, auparavant, resplendissaient de cette couleur d’or, n’étaient que des terrains en désuétude. Plus de lumière, le soleil, même lui, ne resplendissait plus dans le ciel bleu.

Pourtant, ce pays était si beau, dans un autre temps. Celui de la colonisation.

Les personnages de cette époque aimaient ce pays. Ils l’entretenaient. Ils y vivaient. Combien de fois ai-je entendu leur foi dans leur avenir.

Pourquoi ce peuple ne s’est-il pas mis en communion ?

Tous ensembles, ils auraient réussi à faire de cette contrée, une magnifique réussite.

J’entends de nos jours, nous reprocher beaucoup de choses. La France a pu faire des erreurs.

Dans le cœur de ceux qui vivaient dans ce pays, c’était leur terre, leur avenir…

L’erreur, c’est d’avoir voulu quitter la France. Accueillante malgré ses divergences.

Nous vivons l’histoire, nous faisons l’histoire, nous écrivons l’histoire. Nous ne pouvons pas la refaire.

CONCLUSION :

J’entends aujourd’hui, des voix s’élever, pour cause d’épidémie. Notre jeunesse a été sacrifiée ?

Sacrifiée de quoi, de cinéma, de boite de nuit. En deux mots englobant le tout, de loisirs, de plaisirs. La jeunesse des années de la guerre d’Algérie (1954- 1962). De quoi a t’elle été privée ?

De vivre sa jeunesse pour une guerre… qui encore à ce jour, n’a pas été gagnée !

Relisez l’histoire de France.

La guerre D’Algérie, qui s’est déroulée de 1954 à 1962 en Algérie, colonie Française depuis 1830, divisée en départements depuis 1848. L’aboutissement, la reconnaissance de l’indépendance, le 5 juillet 1962.

Cette chanson reflète un sentiment partagé par beaucoup d’appelés du contingent de cette époque.

L’Algérie (Serge LAMA) 1975

  • Dans ce port, nous étions des milliers de garçons
  • Nous n’avions pas le cœur à chanter des chansons
  • L’aurore était légère, il faisait presque beau
  • C’était la première fois que je prenais le bateau

  • L’Algérie
  • Écrasée par l’azur
  • C’était une aventure
  • Dont on ne voulait pas

  • L’Algérie
  • Du désert à Blida
  • C’est là qu’on est parti
  • Jouer les petits soldats

  • Aux balcons séchaient draps et serviettes
  • Comme en Italie
  • On prenait de vieux trains à banquettes
  • On était mal assis

  • L’Algérie
  • Même avec un fusil
  • C’était un beau pays
  • L’Algérie

  • Ce n’était pas un port à faire du mélo
  • Et pourtant je vous jure que j’avais le cœur gros
  • Quand ils ont vu le quai s’éloigner, s’éloigner
  • Y en a qui n’ont pas pu s’empêcher de pleurer

  • L’Algérie
  • Écrasée par l’azur
  • C’était une aventure
  • Dont on ne voulait pas

  • L’Algérie
  • Du désert à Blida
  • C’est là qu’on est parti
  • Jouer les petits soldats

  • Nos fiancées nous écrivaient des lettres
  • Avec des mots menteurs
  • Le soir on grillait des cigarettes
  • Afin d’avoir moins peur

  • L’Algérie
  • Même avec un fusil
  • C’était un beau pays
  • L’Algérie

  • Un port ce n’est qu’un port, mais dans mes souvenirs
  • Certains soirs, malgré moi, je me vois revenir
  • Sur le pont délavé de ce bateau prison
  • Quand Alger m’a souri au bout de l’horizon

  • L’Algérie
  • Écrasée par l’azur
  • C’était une aventure
  • Dont je ne voulais pas

  • L’Algérie
  • Du désert à Blida
  • C’est là que j’étais parti
  • Jouer les petits soldats

  • Un beau jour je raconterai l’histoire
  • A mes petits enfants
  • Du voyage où notre seule gloire
  • C’était d’avoir 20 ans

  • L’Algérie
  • Avec ou sans fusil
  • Ça reste un beau pays
  • L’Algérie

Mon épouse aurait pu lire ce récit. (Ceci n’a pas eu lieu… Dieu ne l’a pas permis. Son destin s’est arrêté, par une nuit, son esprit s’en est allé, vers l’éternité).

C’est pour elle que je l’ai écrit, c’est pour elle que je prie.

J. Musmaque

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