1ère République,  Ancien Régime,  Premier Empire,  Restauration,  Révolution 1789,  Révolutions

Emmanuel-Joseph Sieyès

1. Contexte historique

Personnage clé de la période allant des États généraux convoqués par Louis XVI en mai 1789 à la création du Consulat avec Napoléon Bonaparte. Emmanuel-Joseph Sieyès va jouer un rôle de premier plan dès le début de la Révolution de juillet 1789 jusqu’au coup d’État du 18 Brumaire avec le Général Bonaparte et la mise en place du Consulat, en passant par sa participation très active autant au Comité de Constitution que sur la rédaction de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

 

2. Biographie

Emmanuel-Joseph Sieyès est né à Fréjus (Provence) le 3 mai 1748, dans une famille modeste. Il est le fils aîné d’Honoré Sieyès, receveur des droits royaux et maître de poste (celui qui est responsable d’un relais de poste aux chevaux pour les voitures de l’administration des postes) et d’Anne Angles. Comme lui, son frère Joseph Barthélémy Sieyès sera élu député du Tiers état aux États généraux de 1789.

Emmanuel-Joseph Sieyès fait ses études chez les Jésuites de sa ville natale puis à Draguignan. Tenté au début par une carrière militaire, sur les conseils de ses parents, très pieux, il finit par s’orienter vers la prêtrise et rejoint en 1765 le séminaire de Saint-Sulpice à Paris, puis en 1770, celui de Saint-Firmin. Il est ordonné prêtre en 1772.

Deux années plus tard, il obtient une licence de théologie. Nommé en Bretagne en 1775 auprès de l’évêque de Tréguier, il n’y réside que de façon intermittente car c’est à Paris que se font les carrières ecclésiastiques. Chanoine et chapelain d’une tante du Roi, il représente le clergé aux États de Bretagne, ce qui lui confère une réelle compétence sur le fonctionnement d’une assemblée.

En 1780, il suit son évêque à Chartres. Celui-ci, devenu son ami, le nomme Vicaire général et à nouveau Chanoine. Particulièrement indigné de la façon dont est traité le Tiers état dans les assemblées de province, il poursuit son éducation politique et juridique, d’abord en tant que commissaire à la chambre souveraine du clergé de France en 1786, puis comme membre de l’assemblée provinciale de l’Orléanais en 1787 où il croise Lavoisier.

Fort de son expérience dans toutes ces assemblées, il écrit en 1788 trois brochures dont une, « Qu’est-ce que le Tiers état », publiée anonymement au début de l’année 1789, va contribuer, avant les États généraux, à préparer les débats au début de juin 1789. Cette brochure a rencontré un immense succès avec différentes rééditions, plus de 30 000 exemplaires seront vendus et plus d’un million de personnes l’auront lue. Dans cette brochure, Emmanuel-Joseph Sieyès est extrêmement radical, il dénie aux ordres privilégiés (noblesse, clergé) leur place dans la Nation et invite vivement les représentants du Tiers-état à se constituer en une Assemblée Nationale.

À la suite de la première publication de « Qu’est-ce que le Tiers état », Emmanuel-Joseph Sieyès entre en contact à partir du 13 février 1789, avec les hommes qui vont animer les débuts de la Révolution de 1789 : Mirabeau, Talleyrand, La Fayette, Duport, les frères Lameth, Condorcet… Il fréquente les « salons de conversation ou salons littéraires » et adhère à divers clubs qui deviendront, au fil des mois, les « Clubs » fréquentés par les députés de la Révolution : « La société des Amis de la Constitution », qui deviendra « le Club des Jacobins ».

Probablement Franc-maçon, Emmanuel-Joseph Sieyès aurait fréquenté diverses loges : « Les Amis devenus Frères », « l’Orient » à Fréjus avant la Révolution, puis à Paris la Loge « des Neuf Sœurs » (dite loge des Philosophes) et la Loge de la rue du Coq-Héron.

 

3. Sa présence aux États généraux de 1789

Informé en 1788 de la convocation des États généraux par le roi Louis XVI, Emmanuel-Joseph Sieyès essayera, en vain, de se faire élire par le clergé. Sa brochure sur le Tiers état ne l’a pas aidé dans sa démarche, aussi essaye-t-il de passer par les élections des députés du Tiers état de Paris. Il sera le vingtième et dernier sur la liste des députés du Tiers état élus à Paris.

Parmi les 20 députés titulaires du Tiers état de Paris, 5 sont avocats, 2 sont notaires, 2 sont membres de l’Académie française ou des Belles-Lettres, 3 sont négociants ou marchands de soie, 2 sont procureurs ou conseillers au Châtelet, 2 sont juges-consul, 1 est docteur en médecine, 1 est grand-garde de l’orfèvrerie, 1 est receveur des finances, quant à Emmanuel-Joseph Sieyès, il est chancelier du chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Chartres et vicaire général du diocèse. Son élection a donné lieu à de vives contestations de la part de certaines personnes, tant au sein du clergé que du Parlement de Paris.

Emmanuel-Joseph Sieyès, nouvel élu, rejoint le 19 mai 1789, les États généraux à Versailles, qui eux ont débuté le 5 mai 1789. Il proposera une motion dès le 27 mai 1789, invitant les représentants du Clergé à rejoindre ceux du Tiers état.

Grâce à cette motion, Emmanuel-Joseph Sieyès fait pression sur les deux ordres privilégiés (noblesse, clergé) pour rejoindre le Tiers état en vue de constituer une Assemblée Nationale sous peine d’y être exclus de la représentation. Cette étape représente l’évolution fondamentale qui va transformer les États généraux en la création d’une nouvelle Constitution de société appelée à remplacer les trois ordres.

L’attitude et les propositions d‘Emmanuel-Joseph Sieyès jusqu’au 17 juin 1789, date de la création de la première Assemblée Nationale, lui permettront d’être l’un des personnages les plus importants de cette assemblée. Il siègera au Comité de Constitution (Comité Constitutionnel) et aura une influence certaine sur la rédaction de la déclaration des droits (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789).

En juillet 1789, après l’intervention du député du Dauphiné Jean-Joseph Mounier le 9 juillet, qui proposait que la Constitution soit précédée d’une Déclaration (des droits), plusieurs députés rédigent des projets de déclaration dont le premier fut La Fayette, sans doute inspiré de ce qu’il a découvert en Amérique, suivi de ceux de Target, Mounier, Mirabeau, Sieyès et Gouges-Cartou.

Cependant, toutes les interventions de certains députés après le mois de juillet 1789 ont progressivement écarté Emmanuel-Joseph Sieyès pour laisser place à d’autres, dans les mois qui suivent cette date.

 

4. En retrait de l’Assemblée Nationale

Contrarié et déçu par la suppression de la Dîme (impôt reversé au clergé, n’oublions pas qu’il est lui-même issu du clergé) le 11 août 1789, il n’accepte pas non plus la mise à disposition des biens du clergé (confiscation) sans contrepartie et notamment que l’État ne subvienne pas au traitement (salaire) des prêtres, à l’entretien des écoles, des hôpitaux et des établissements de charité.

Il est élu président de l’Assemblée Constituante (appelée aussi Assemblée Nationale Constituante) en juin 1790 et travaille à la rédaction de la Constitution, mais rencontre de vives critiques à ces propositions. D’autre part, au Club des Jacobins, la communication avec les députés est de plus en plus difficile. Il finit par quitter le Club des Jacobins et fonde celui des Feuillants en juillet 1791.

Les députés de l’Assemblée Constituante votent enfin le 3 septembre 1791, la Première Constitution appelée Constitution de 1791. Elle entrera en vigueur le 14 septembre 1791.

Retiré à la campagne, après avoir été élu en février 1791, administrateur du département de Paris puis membre du directoire de ce département, Emmanuel-Joseph Sieyès est élu dans trois départements à la Convention (assemblée qui remplace l’Assemblée Législative de septembre 1791 qui elle-même remplaçait l’Assemblée Constituante de septembre 1789) en septembre 1792.

Le rôle de cette nouvelle Assemblée, suite à la déchéance le 29 juillet 1792 de Louis XVI après le Manifeste de Brunswick, sa tentative de fuite et son arrestation à Varennes, est de préparer une nouvelle Constitution afin de créer la Première République. Jusqu’à cette date, la première Constitution était basée sur un régime de type « monarchie constitutionnelle ».

 

5. De retour au premier plan

Au procès du roi Louis XVI, Emmanuel-Joseph Sieyès vote pour la mort et contre l’appel au peuple. Le 5 mars 1795, il entre au « Comité de salut public » où il prend des mesures contre l’agitation populaire.

Pendant la « Terreur », Emmanuel-Joseph Sieyès se montre peu à l’assemblée compte tenu de ses relations tendues avec Robespierre. En juin-juillet 1793, il participe avec Condorcet à la rédaction du Journal d’Instruction Social. La chute de Robespierre ne doit rien à Emmanuel-Joseph Sieyès, mais cela le ramène au premier plan.

Emmanuel-Joseph Sieyès est élu président de la Convention du 20 avril au 6 mai 1795. Après l’adoption de la nouvelle Constitution, il est classé au Conseil des Cinq-Cents. Il est élu quatrième des cinq directeurs du Directoire le 31 octobre 1795, mais il refuse cette fonction ainsi que le poste de ministre des affaires étrangères pour cause de mauvaise entente avec Barras et Reubell.

Emmanuel-Joseph Sieyès est élu à la Commission des Onze, chargée de préparer la nouvelle Constitution. Il prononce un discours célèbre pour l’époque car il propose en vain de mettre en place un « jury constitutionnaire » (ancêtre du Conseil constitutionnel) pour un contrôle étendu de la constitutionnalité des actes et organes de l’État.

Enfin, il est élu président du Conseil des Cinq-Cents le 21 novembre 1796 (où sont majoritaires les royalistes) et se rapproche du Directoire car inquiet des menées royalistes. Emmanuel-Joseph Sieyès est victime, le 11 avril 1797, d’une tentative d’assassinat. Le Directoire le nomme le 8 mai 1798, ambassadeur à Berlin.

Il entre au Directoire pour remplacer Reubell le 17 mai 1799 avec l’espoir de réviser la Constitution. Son projet est facilité par l’élimination de trois des cinq directeurs et par la nomination d’un proche Roger Ducos pour remplacer l’un des éliminés. Cependant, un délai de neuf ans étant nécessaire pour aboutir à la révision, ses partisans optent pour un coup d’État et recherchent « une épée ». Emmanuel-Joseph Sieyès pense à Joubert, qu’il fait nommer commandant en chef de l’armée d’Italie. Hélas pour Emmanuel-Joseph Sieyès, Joubert est tué à la bataille de Novi.

 

6. Ses relations avec Bonaparte

Pendant la Campagne d’Italie qui débute le 1er avril 1796, Emmanuel-Joseph Sieyès désapprouve à maintes reprises les actes publics et privés du général Bonaparte ainsi que les traités signés directement par le général victorieux.

Emmanuel-Joseph Sieyès, alors Directeur avec Roger Ducos, dans leur préparation du coup d’État, ne pense pas au départ du général Bonaparte. Malheureusement, le seul qui avait les faveurs d’Emmanuel-Joseph Sieyès est mort à Novi le 15 août 1799. Aussi, sans vraiment y compter, il signe la lettre d’annulation du rappel de Bonaparte alors en expédition en Égypte. Le destin jouera contre Emmanuel-Joseph Sieyès car le général Bonaparte avait pris lui-même la décision de revenir en France quelques jours avant.

Bonaparte de retour d’Égypte, le coup d’État préparé par Emmanuel-Joseph Sieyès aura lieu le 9 novembre 1799 (18 brumaire de l’An VIII). Bonaparte modifiera légèrement le plan d’Emmanuel-Joseph Sieyès avec un Consulat composé de trois Consuls. Bonaparte sera nommé Premier Consul (les deux autres seront Emmanuel-Joseph Sieyès et Roger-Ducos).

Pour « consoler » Emmanuel-Joseph Sieyès, Bonaparte, alors Premier Consul, nommera Emmanuel-Joseph Sieyès, sénateur puis président du Sénat Conservateur avec 200 000 livres de rente. Bonaparte, empereur, fera Emmanuel-Joseph Sieyès Comte d’Empire en mai 1808.

 

7. Première Restauration

Emmanuel-Joseph Sieyès, absent à la séance du Sénat lors de la proclamation de la déchéance de Napoléon Bonaparte en 1814, signera le document quelques jours plus tard.

 

8. Pendant les Cents-Jours

Napoléon nommera Emmanuel-Joseph Sieyès, pair de France, sans se soucier qu’Emmanuel-Joseph Sieyès s’est toujours prononcé contre une Chambre Haute (Sénat) et contre l’hérédité des charges et des honneurs.

 

9. Seconde Restauration

Après la seconde restauration, Emmanuel-Joseph Sieyès s’exile de lui-même à Bruxelles où il fonde, avec Jean-Jacques Régis Cambacérès et Ramel, ancien ministre des finances du Directoire, une caisse de secours et d’aide aux exilés français sans ressource.

Emmanuel-Joseph Sieyès rentre en France en 1830 et meurt le 20 juin 1836. Il sera inhumé dans la 30ème division du cimetière du Père-Lachaise à Paris.

Commentaires fermés sur Emmanuel-Joseph Sieyès