La défaite de Sedan et fin de l’Empire
1. Rappel du contexte précédant cette défaite
L’armée de Metz, composée de 180 000 hommes et dirigée par le maréchal Bazaine, était bloquée et assiégée dans la place forte de Metz par deux armées prussiennes de 140 000 hommes. Ces deux armées prussiennes (la première et la IIe) avaient coupé la retraite de « l’armée de Metz » vers Châlons-en-Champagne, les 16 et 18 août 1870.
Deux autres armées prussiennes (la IIIe et la IVe), composées de plus de 240 000 hommes, avaient contourné la place forte de Metz, l’une par le nord et l’autre par le sud, pour faire barrage sur la route de Paris, à l’ex-armée d’Alsace, devenue « l’armée de Châlons ».
La retraite de chacune de ces deux armées, celle de Metz mais pire encore celle d’Alsace, fut un véritable désastre, une « déroute » plus qu’une retraite.
Comme l’indique, Jean-François Lecaillon, dans son livre « Les Français et la guerre de 1870« , à l’appui de nombreux témoignages écrits par différents acteurs de cette retraite : « Ainsi, la retraite se fait-elle dans les pires conditions. Ce sont des hommes moralement fatigués, mal nourris, mal encadrés, accablés par la chaleur ou trempés par les pluies d’orage, qui font mouvement, se déplaçant au gré des ordres et contre-ordres, des caprices des mauvais soldats ou de l’encombrement des routes. Les défaites du début août font apparaître au grand jour le manque d’expérience, d’instruction et de coordination dont souffre l’armée, autant de faiblesses qui sont vécues comme une humiliation supplémentaire ! ».
L’armée de « Châlons » sous la direction du maréchal Mac Mahon, légèrement renforcée avec un effectif de 120 000 hommes, depuis le 21 août 1870, revenait vers Metz, conformément aux ordres reçus de Paris (l’impératrice et Régente Eugénie et son état-major parisien). A Paris, on n’avait aucune véritable information sur les forces prussiennes et leurs positions.
Mac Mahon, peu convaincu de la pertinence de cette injonction parisienne, hésita plusieurs jours avant de poursuivre sa marche vers Metz, le 28 août 1870. L’hésitation, probablement justifiée de Mac Mahon à poursuivre vers Metz ou revenir vers Paris, pour essayer de défendre la capitale, laissa hélas, suffisamment de temps aux deux armées prussiennes pour le bloquer efficacement dans les Ardennes.
En effet, les deux armées prussiennes avaient pu ainsi se regrouper face à « l’armée de Châlons » l’obligeant à monter vers Sedan, lui laissant peu de possibilités d’échapper à l’étreinte réalisée. Très largement inférieure en nombre, cette armée de Châlons, mal équipée et mal renseignée, avait peu de chances de vaincre les Prussiens.
Napoléon III était à l’origine du retour inutile de « l’armée d’Alsace » à Châlons-en-Champagne. Celui-ci, dans un état de santé très critique, a fini par accompagner le maréchal Mac Mahon et cette armée de Châlons vers Sedan.
2. La bataille de Sedan et la reddition
Cernée de toutes parts, « l’armée de Châlons » se retrouva dans les environs de Sedan sans avoir la possibilité de poursuivre sa marche vers Metz et donc contrainte de se défendre, dans un environnement qui ne lui était pas favorable.
Pourtant, sachant la bataille inéluctable, Mac Mahon a ordonné « Repos pour toute l’armée demain 1er septembre » alors qu’il aurait dû faire détruire tous les ponts sur la Meuse donnant accès à Sedan.
Très rapidement, dès le 30 août 1870, les Prussiens harcelèrent une fraction de « l’armée de Châlons » lui occasionnant de lourdes pertes. Arrivé près de la citadelle de Sedan, alors qu’il observait le déroulement de la bataille de Bazeilles, le maréchal Mac Mahon fut blessé et dû laisser le commandement au général Auguste Alexandre Ducrot.
Cette décision de transfert du commandement de « l’armée de Châlons » par le maréchal Mac Mahon fut remise en question, par le baron et général Emmanuel Félix de Wimpffen, muni d’un ordre écrit du ministre de la Guerre, le maréchal Le Boeuf.
Napoléon III, présent à Sedan avec le maréchal Mac Mahon, n’est pas intervenu dans cette opération de transfert de commandement, sans doute à cause de son état de santé mais aussi, probablement par incompétence et surtout par absence de volonté de contredire les ordres venant de Paris.
Le 1er septembre 1870, « l’armée de Châlons », encerclée et complètement désorganisée, fut obligée de se replier à l’intérieur de la citadelle de Sedan. En fin d’après-midi, Napoléon III, enfin conscient de la situation très critique, a ordonné que le drapeau blanc soit hissé au sommet de la citadelle et ainsi invité les Prussiens à prendre en compte sa demande d’armistice.
Les Prussiens, en arrivant dans la citadelle, ont découvert la présence de l’empereur à Sedan. Napoléon III remit une lettre pour Guillaume 1er, le roi de Prusse, dans laquelle il lui adresse ces quelques mots, qui confirmèrent sa reddition : « Monsieur mon frère, n’ayant pu mourir au milieu de mes troupes, il ne me reste qu’à remettre mon épée entre vos mains ».
Le 2 septembre 1870, les plénipotentiaires des deux camps se réunirent pour signer l’acte de reddition de « l’armée de Châlons ». Le chancelier Otto von Bismarck avait exigé une capitulation sans condition.
Évidemment, cette reddition coûta très cher à la France car « l’armée de Châlons » fut contrainte de livrer aux Prussiens les 6 000 chevaux, les 419 canons et toutes les armes. Pour cette bataille où s’affrontaient plus de 300 000 hommes, on dénombra « seulement » 3 220 morts et 14 811 blessés côté français, et 3 327 morts ou disparus et 6 443 blessés chez les Prussiens.
Enfin, 84 000 soldats français furent faits prisonniers et parqués à proximité, à ciel ouvert, sans nourriture et sans soin, avant d’être transférés en Allemagne.
3. Napoléon III, captivité et fin de vie de l’empereur déchu
Napoléon III rejoignit à Cassel en Allemagne, ses armées vaincues à Sedan. Le 19 mars 1871, après la signature du traité de paix préliminaire, le chancelier Otto von Bismarck mit fin à la captivité de Napoléon III. Celui-ci, rejoignit ses proches en Angleterre, où il retrouva son épouse et son fils.
Installé dans une gentilhommière à une vingtaine de kilomètres de Londres, il y reçut les principaux monarques anglais comme la reine Victoria et le prince de Galles.
En décembre 1872, lors d’un déplacement à cheval, il fut une nouvelle fois victime d’une crise urinaire. Opéré par deux médecins anglais, il découvrit pour la première fois le nom et les symptômes de sa maladie, provoquant une lithiase vésicale, dont il souffrait pourtant depuis 1866.
Alors qu’il devait se faire opérer pour la troisième fois, dans un état critique, il décéda le 9 janvier 1873 à l’âge de 64 ans.
4. Conséquences de la reddition et fin de l’empire
À Paris, l’annonce de la reddition de « l’armée de Châlons » fit l’effet d’un tremblement de terre. Les Parisiens et le pouvoir législatif, inconscients de la réalité depuis la déclaration de guerre, n’acceptèrent pas la situation. Les députés et bourgeois de la gauche parisienne entreprirent la destitution de l’empereur.
Comme souvent, Paris, pourtant responsable de cette guerre, fut là encore, dans le déni de réalité et s’imagina la poursuite de la guerre, alors que les armées françaises étaient soit prisonnières à Sedan, soit assiégées à Metz.
Le 4 septembre 1870, la gauche majoritaire au sein de l’Assemblée, menée par Léon Gambetta, annonça la déchéance de l’empereur. L’après-midi, en présence de quelques députés comparses dont Jules Ferry et Jules Favre, Léon Gambetta proclamèrent la IIIe République.
Un « gouvernement de la défense nationale » fut instauré. Celui-ci, incluant 11 députés de la gauche parisienne, fut dirigé par le général Louis Jules Trochu, alors gouverneur de Paris, orléaniste et anti-bonapartiste notoire.
Les députés « bonapartistes » du corps législatif, déconsidérés suite à la capitulation de Napoléon III, furent incapables de tenir tête aux républicains (la gauche parisienne) et de contrebalancer la tendance vers l’instauration anarchique d’une République.
En apprenant la reddition de Sedan, l’impératrice et Régente Eugénie s’exila en Angleterre après s’être exclamée « qu’un Napoléon ne pouvait se rendre et qu’elle aurait préféré apprendre la mort de Napoléon III ».
Le 12 septembre 1870, alors que les armées prussiennes avançaient vers Paris, le « gouvernement de la défense nationale » qui avait choisi de rester dans la capitale, envoya à Tours une « délégation gouvernementale » pour coordonner les actions en province.
Les armées prussiennes qui avaient défait « l’armée de Châlons » à Sedan avaient poursuivi leur marche vers Paris. Arrivées, le 19 septembre 1870, elles commencèrent le siège de Paris avec l’intention déclarée de l’affamer.
Jules Favre fut mandaté par le « gouvernement de défense nationale » pour rencontrer le chancelier Otto von Bismarck au château de Ferrières, pour connaître ses prétentions. Les exigences de Bismarck, volontairement inacceptables, incluaient la cession à la Prusse de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine autour de Metz (le département de la Moselle), en plus du versement d’une lourde indemnité de guerre.
En guise de réponse, le « gouvernement de la défense nationale » fit publier la proclamation suivante, probablement écrite par Gambetta, qui envenima la situation avec les Prussiens mais aussi avec toute la province : « Nous ne sommes pas le gouvernement d’un parti, nous, nous sommes le gouvernement de la Défense nationale. Nous n’avons qu’un but, une volonté : le salut de la patrie par l’armée et par la nation groupées autour du glorieux symbole qui fit reculer l’Europe il y a quatre-vingts ans. Aujourd’hui comme alors, le nom de République veut dire : union intime de l’armée et du peuple pour la défense de Paris ».
Cette déclaration mit le « feu aux poudres » amplifiant le fossé du désaccord entre les Parisiens, responsables de la déclaration de guerre, de l’impréparation des armées françaises avant le conflit et le reste du pays, qui n’approuvait pas les choix de l’impératrice Eugénie et des députés de la gauche parisienne.
Le 7 octobre 1870, dans un Paris assiégé et affamé, Léon Gambetta, alors ministre de l’Intérieur du « gouvernement de la défense nationale » profita d’un vol en ballon pour s’échapper en survolant les lignes ennemies. Celui-ci avait fait part de son idée utopique de lever une armée de volontaires pour venir libérer Paris.
Gambetta, qui, comme il le proclamait dans son « programme de Belleville » était fermement contre les « armées permanentes ». Celui-ci, en octobre 1870, fut subitement et uniquement par intérêt purement parisien, à la recherche de secours, via une armée à improviser. Évidemment, cette armée était à construire entièrement puisque Gambetta avait contribué à supprimer les armées en France, avant cette guerre.
Malheureusement pour la France, ce type de comportement du déni de réalité et de naïveté du gouvernement, va se répéter jusqu’au 21e siècle inclus.
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Pour lire la suite, voir le chapitre « La capitulation de Metz » …