La France foudroyée
1. Contexte avant cet épisode où la France fut foudroyée :
Le gouvernement, de gauche radicale-socialiste, d’Édouard Daladier, ayant déclaré la guerre à l’Allemagne le 3 septembre 1939, va interdire le parti communiste français après l’annonce officielle, le 23 août 1939, du pacte de non-agression germano-russe.
Les parlementaires communistes élus durent choisir entre leur fidélité à Staline ou changer leur statut politique. Alors que quelques-uns renoncèrent à cette filiation stalinienne et suivirent le gouvernement à Bordeaux puis à Vichy, certains furent arrêtés et d’autres expulsés de France.
Après la période dite « drôle de guerre », pendant laquelle les Allemands avaient organisé méthodiquement leur future invasion de la France, le nouveau gouvernement français de Paul Reynaud, dès le 22 mars 1940, dut gérer avec urgence et essayer de corriger, autant que possible, les actions irresponsables de ses prédécesseurs.
Les armées polonaises, elles aussi, mal équipées et peu formées, abandonnées à leur sort par les gouvernements français et britannique, furent rapidement défaites. Aussi, les Allemands, débarrassés du front polonais en octobre 1939, vont programmer leur invasion à l’Ouest pour le 10 mai 1940.
Les Allemands ont construit durant l’hiver 1939, un plan ambitieux et risqué d’invasion des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de la France, en trois étapes. Ce plan, dans lequel, l’état-major allemand et Hitler visaient la surprise et la rapidité, prévoyait l’utilisation d’une aviation performante et de forces militaires importantes, fortement mécanisées grâce à l’utilisation de très nombreux chars modernes et puissants, réunis sur quelques axes d’attaque ciblés.
Pour résumer ce plan en trois étapes, évidemment gardé secret jusqu’au début des invasions, le 10 mai 1940, le premier objectif était de vaincre rapidement les forces anglo-belges après avoir envahi les Pays-Bas.
Le second objectif, devant se dérouler en même temps que l’invasion de la Belgique, concernait la traversée de la forêt des Ardennes par de nombreuses colonnes de chars en vue d’éviter les fortifications de la ligne Maginot, d’une part, et de contourner les armées franco-britanniques retranchées en Belgique et au nord de la France. Enfin, la troisième étape de ce plan concernait l’invasion rapide de la France en ciblant la prise de Paris.
Malheureusement, les forces françaises, bien que nombreuses, étaient sous-équipées avec une aviation sous-dimensionnée, datant et peu moderne. Par exemple, les Allemands avaient trois fois plus d’avions de chasse et de bombardiers que la France. Du point de vue de son artillerie et des chars, eux-aussi dataient et étaient mal répartis, à cause des missions défensives imposées par l’état-major français totalement hors sol, comme en 1914.
2. La France foudroyée en mai 1940 :
Dès le 11 mai 1940, les Allemands, en Belgique, avaient bousculé les forces armées belges, soutenues par des armées britanniques. Ces armées étaient sur le point de capituler en moins de cinq jours de combats.
Le 14 mai 1940, les blindés du général allemand Guderian, soutenus par l’aviation allemande, traversaient la Meuse, au sud de Sedan. La France était directement accessible à ces colonnes de chars qui venaient de franchir les Ardennes.
Le 15 mai 1940, à 7 heures du matin, le chef du gouvernement français, Paul Reynaud, annonça au téléphone à Churchill, le Premier ministre britannique, que « la route de Paris est ouverte. La bataille est perdue ». Ce même jour, les forces armées des Pays-Bas capitulèrent.
Le 16 mai 1940, le gouvernement français de Paul Reynaud quitte Paris pour la Touraine. Le 18 mai 1940, celui-ci fit entrer au gouvernement le maréchal Pétain, déjà âgé de 84 ans. Pétain fut nommé ministre d’État et vice-président du Conseil.
Le 17 mai 1940, les Allemands pénètrent dans Bruxelles. Le gouvernement français, envisageant sérieusement un désastre militaire, va remplacer, le 20 mai 1940, le chef d’état-major, le général Gamelin, par le général Weygand.
Le 19 mai 1940, les blindés allemands du général Guderian longeant la Somme, fonçaient vers la Manche en vue d’encercler les forces franco-britanniques à Boulogne.
Le 22 mai 1940, les forces armées franco-britanniques sont encerclées à Boulogne, Calais et à Dunkerque par les blindés de Guderian. Les Allemands franchissent l’Escaut, coupant ainsi en deux le corps expéditionnaire britannique.
Le 24 mai 1940, pour une raison officiellement inconnue encore à ce jour, Hitler ordonna à ses blindés de stopper leurs avances et d’attendre 24 heures avant de reprendre leur invasion. Dans les « coulisses », il semblerait qu’Hitler venait d’être sollicité par des membres « éminents » du gouvernement britannique en vue d’établir une « paix blanche » si les combats s’arrêtaient en Belgique afin de sauver les armées anglaises.
Le Premier ministre britannique, Winston Churchill, contre cette négociation avec Hitler, finit par imposer sa vision de continuer les combats afin d’éviter l’invasion des nazis sur le sol du Royaume-Uni. Les historiens appelleront ce phénomène « le miracle de Dunkerque » car cela a permis de sauver plusieurs milliers de vies.
Pour éviter, hélas en vain, l’encerclement des 47 divisions franco-britanniques qui s’étaient avancées en Belgique, l’état-major français lança une contre-attaque. Cette dernière, qui occasionna de nombreuses victimes, permit, entre le 25 mai et le 4 juin 1940, le ré-embarquement à Dunkerque pour rejoindre l’Angleterre, de plus de 338 000 soldats, dont 140 000 Français. Après dix jours de combats acharnés, les Allemands étaient à Abbeville face à une armée française complètement disloquée.
Le 25 mai 1940, pour la première fois, le président de la République française, Albert Lebrun, évoqua une possible demande d’armistice.
Le 28 mai 1940, le roi de Belgique, Léopold III, capitule. Le 31 mai 1940, la 1ère armée française, vaincue à Lille, déposa les armes.
Le 5 juin 1940, alors que commença la « bataille de France », le chef du gouvernement Paul Reynaud fit entrer le jeune général De Gaulle en tant que sous-secrétaire d’État à la Guerre. Le colonel De Gaulle venait d’être nommé général provisoire suite à ses exploits à la tête de la 4e division cuirassée à Montcornet le 17 mai 1940.
Le 6 juin 1940, les Allemands étaient arrivés à Amiens. Ils progressèrent de 70 km vers Paris dès le 8 juin 1940.
Les 9 et 10 juin 1940, les Allemands, pourtant appuyés d’une importante concentration de chars, furent confrontés à une forte résistance et de véritables exploits militaires de la part des armées françaises et plus particulièrement du 7e corps.
Le 10 juin 1940, l’Italie déclara la guerre à la France et au Royaume-Uni.
Le 12 juin 1940, à Dieppe, les Allemands, sous la responsabilité du maréchal Rommel, firent 46 000 prisonniers franco-britanniques. Ce même jour, les blindés de Guderian atteignaient Châlons-sur-Marne (devenu depuis Châlons-en-Champagne).
Paul Reynaud adressera en vain, comme le Premier ministre Churchill, un appel à l’aide au président américain Roosevelt. Ce dernier lui répondit le 15 juin 1940, qu’il ferait tout son possible, à l’exception d’une intervention de soldats américains en Europe.
Le 13 juin 1940, au conseil des ministres, le général Weygand, appuyé du maréchal Pétain, proposa de demander un armistice aux Allemands.
Le 14 juin 1940, les Allemands entrèrent dans un Paris vidé en grande partie de sa population. En effet, sur les cinq millions de Parisiens avant 1940, il n’en restaient guère plus de 700 000 qui ne purent, pour différentes raisons, quitter la capitale avant l’arrivée des Allemands.
Le gouvernement de Paul Reynaud ayant quitté Paris pour la Touraine, va encore déménager à Bordeaux le 16 juin 1940.
Le 16 juin 1940, Paul Reynaud, en désaccord avec ceux qui réclamaient l’armistice, a présenté la démission de son gouvernement. Le même jour, le président de la République, Albert Lebrun, appela le maréchal Pétain à la présidence du Conseil en vue de former rapidement un nouveau gouvernement.
Le 17 juin 1940, le nouveau chef du gouvernement, le maréchal Pétain, demanda un armistice à Hitler.
Le 22 juin 1940, l’armistice demandé par le gouvernement français fut signé dans la forêt de Compiègne, là où fut signé l’armistice de 1918.
Le 24 juin 1940, alors que les armées françaises étaient victorieuses sur le front italien, le gouvernement français signa le protocole d’armistice avec l’Italie.
Le 25 juin 1940 à minuit, le cessez-le-feu fut effectivement officiel, même si quelques tirs avaient encore lieu début juillet 1940, sur la ligne Maginot.
3. Conséquences immédiates pour la France :
Comme cela était prévisible avec les principaux membres des gouvernements de la IIIe République, aucun n’a eu le courage d’assumer les responsabilités de ce désastre. Tous, pourtant à l’origine de cette catastrophe, se sont honteusement dérobés. La majorité d’entre eux, pourtant chef du gouvernement depuis 1920, savait cette défaite fort probable compte tenu des maigres efforts réalisés pour tenter de l’éviter.
En mai 1940, ces lâches ont préféré chercher « un bouc émissaire » après la défaite, hélas, devenue certaine, des armées françaises, et confier à un vieillard de 84 ans, un militaire, qui ne peut désobéir, Philippe Pétain, la responsabilité d’assumer, pour l’Histoire, soit la capitulation, soit l’armistice. Compte tenu de la situation militaire catastrophique en juin 1940, la poursuite des combats sur le sol de France était, elle, devenue complètement utopique.
Bénédicte Vergez-Chaignon, dans son ouvrage de 2014, sur la biographie de Pétain, cite une phrase de ce dernier adressée le 17 mai 1940, à son officier d’ordonnance : « La guerre peut être considérée comme perdue » et plus tard « On n’a fait appel à moi que lorsqu’il était trop tard. J’ai trouvé une armée en débâcle, une nation en débandade, un État qui s’écroulait ».
Évidemment, Pétain, bien que militaire et donc aux ordres du gouvernement, n’était pas obligé d’accepter cette lourde charge, au vu de son âge bien avancé. Avant cette défaite des armées françaises, Pétain n’était en rien responsable de cette catastrophe puisqu’il était ambassadeur de France en Espagne depuis mars 1939 à mai 1940.
Le gouvernement de gauche radicale, avec Daladier président du Conseil, avait mandaté Philippe Pétain comme ambassadeur en Espagne car il craignait que le gouvernement franquiste espagnol s’allie à Hitler, auquel cas, la France aurait dû gérer un autre front en cas de guerre avec l’Allemagne. Le maréchal Pétain avait pour mission de convaincre le général Franco de rester neutre dans le prochain conflit, pour ne pas fragiliser encore plus les armées françaises.
Cependant, en analysant la « biographie de Pétain », réalisée par Bénédicte Vergez-Chaignon en 2014, on peut comprendre que celui-ci, probablement en partie justement à cause de son âge, a imaginé que son sacrifice personnel permettrait de ne pas accuser les vrais coupables. D’autre part, Philippe Pétain, né le 24 avril 1856, était un homme du 19e siècle. Celui-ci ne pouvait imaginer Hitler différent de Bismarck.
Le maréchal Philippe Pétain était, en mai 1940, le dernier maréchal encore vivant et à peu près en bonne santé compte tenu de son grand âge. Pétain se plaignait souvent de souffrir de moments de surdité et de ses capacités de travail très sensiblement diminuées. Le maréchal Joffre était décédé en 1931, Foch, décédé en 1929, Fayolle, décédé en 1928, Lyautey, décédé en 1934 et Franchet d’Esperey, gravement malade, décéda en 1942.
L’histoire qui suivra cet épisode de la Seconde Guerre mondiale, souvent écrite par plusieurs politiciens de la IIIe voire de la IVe République, omettra, évidemment, leur lâcheté pour se focaliser sur les responsabilités de Pétain après l’armistice. Ils oublièrent intentionnellement que les mêmes, soit près de 600 sur 800 parlementaires des deux assemblées, majoritairement de gauche, ont, le 10 juillet 1940, officiellement abandonné la IIIe République et confié démocratiquement à Pétain la responsabilité du nouveau gouvernement. N’en déplaise à certains au 21e siècle, ce ne fut pas un coup d’État.
Le gouvernement français installé à Bordeaux depuis deux semaines fut, le 29 juin 1940, obligé de quitter cette ville envahie depuis peu par les Allemands. Cette ville était alors en zone « occupée » suite à la convention d’armistice du 22 juin 1940. La France, suite à cette convention, fut découpée en deux zones, l’une entièrement occupée et sous le contrôle total des Allemands, et l’autre dite « zone libre » dans laquelle la présence des Allemands est moindre et où le gouvernement français avait encore une certaine liberté d’action.
Néanmoins, cette liberté restait sous le contrôle permanent de la hiérarchie militaire allemande. Les Allemands conservaient, comme moyen de pression sur le gouvernement français, 1 700 000 soldats prisonniers en Allemagne. En quittant Bordeaux, le gouvernement français avait envisagé s’installer à Clermont-Ferrand, en « zone libre », mais faute de moyens d’hébergement suffisants pour accueillir les membres du gouvernement et des deux assemblées, ce fut la ville de Vichy, avec ses nombreux hôtels et son opéra, qui sera finalement retenue.
Ce fut justement à l’opéra de Vichy que, sur la demande d’Albert Lebrun, président de la République, le 10 juillet 1940, le dernier gouvernement de la IIIe République et les membres des deux Assemblées (Sénat et Chambre des députés) se sont réunis pour donner les pouvoirs, à Pétain, via un vote.
Cette convocation présidentielle, après celle du 9 juillet 1940, avait pour but de donner, ou non, au nouveau président du Conseil, Philippe Pétain, les pouvoirs de mettre en œuvre une révision de la Constitution de 1875, mais aussi de gérer la crise suite à la défaite des armées françaises face aux Allemands. L’armistice, signé le 22 juin 1940, ne mettait pas fin à la guerre mais uniquement à la fin des combats sur le sol de France. Il fallait encore travailler pour un éventuel traité de paix. Pendant ce temps, à fin juin 1940, les Allemands avaient déjà envahi presque tout le territoire français.
Après la démission du gouvernement de Paul Reynaud, Philippe Pétain, le 17 juin 1940 à Bordeaux, forme son gouvernement, suite à la demande d’Albert Lebrun, président de la République. Ce gouvernement, le dernier de la IIIe République, dont la composition est citée dans le tableau ci-dessous, tenait compte des débats houleux des jours précédents et relatifs à la demande potentielle d’un armistice. Pétain lui-même, y étant plutôt favorable, va s’entourer de parlementaires qui partageaient sa vision sur les événements en France.
Portefeuille | Nom | Parti politique |
Président du Conseil | Philippe Pétain | SE (sans étiquette) |
Vice-président du Conseil | Camille Chautemps | PRRRS (Radical socialiste) |
Ministre des Affaires étrangères | Paul Baudouin | DVD (Divers droite) |
Ministre des Finances et du Commerce | Yves Bouthillier | DVD (Divers droite) |
Ministre de la Guerre | Louis Colson | SE (sans étiquette) |
Ministre de la Défense nationale | Maxime Weygand | DVD (Divers droite) |
Garde des Sceaux Ministre de la Justice | Charles Frémicourt | SE (sans étiquette) |
Ministre de l’Éducation nationale | Albert Rivaud | DVD (Divers droite) |
Ministre de l’Intérieur | Charles Pomaret | USR (Union Socialiste Républicaine) |
Ministre de la Marine | François Darlan | DVG (Divers Gauche) |
Ministre de l’Air | Bertrand Pujo | SE (sans étiquette) |
Ministre des Travaux publics | Ludovic-Oscar Frossard | USR (Union Socialiste Républicaine) |
Ministre de l’Agriculture | Albert Chichery | PRRRS (Radical socialiste) |
Ministre des Colonies | Albert Rivière | SFIO (Socialiste Section française Internationale ouvrier) |
Ministre du Travail | André Février | SFIO (Socialiste Section française Internationale ouvrier) |
Ministre des Anciens combattants | Jean Ybarnegaray | PSF (Parti Social Français) |
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