La Première Guerre mondiale

1. Les premières actions

 

Alors que depuis le 28 juillet 1914, les armées allemandes étaient installées aux frontières de la Belgique et du Luxembourg, les premières incursions allemandes, au début de la Première Guerre mondiale, furent effectuées le 1er août 1914 au Luxembourg, avant la déclaration officielle de guerre.

Ce petit pays, qui n’avait aucune force militaire, ne disposait que de 125 gendarmes et environ 170 volontaires. Les Allemands, parfaitement préparés, utilisèrent le chemin de fer pour déverser leurs troupes directement dans les gares luxembourgeoises.

Le 2 août 1914, les Allemands avaient le contrôle total de toutes les voies ferrées. Le plan d’invasion « Schlieffen » prévoyait la maîtrise des voies ferrées au Luxembourg et en Belgique pour envahir rapidement la France, en transportant les troupes.

 

2. En Belgique

 

Le roi des Belges, Albert 1er, ayant refusé l’exigence allemande de laisser passer librement les armées du Kaiser Guillaume II, avait demandé à ses troupes d’être prêtes à défendre le pays, sinon au moins les places fortes de Liège, Namur et Anvers. Après la mobilisation, les forces belges auraient représenté environ 230 000 hommes.

Dans une répartition bousculée par l’attaque des Allemands dès le 4 août 1914, les forces belges (140 000 hommes seulement) furent affectées dans les forts des places fortes d’Anvers, Liège, Namur, Mons et Gand. Quelques bataillons furent aussi affectés à la défense de Bruxelles.

Les Allemands, devant le refus de les laisser traverser librement la Belgique, avaient décidé de « punir » cruellement les Belges, y compris la population civile pourtant innocente. De nombreuses exactions furent volontairement commises par les troupes allemandes. Dans toute la région de Wallonie, les Allemands ont fusillé plus de 6 500 civils et détruit plus de 15 000 maisons qui pourtant, ne représentaient aucun risque militaire pour eux.

La première bataille menée par les armées allemandes en Belgique fut celle contre la place forte de Liège, le 5 août 1914. Cette bataille, bien que perdue d’avance, car les Allemands étaient informés par la société Krupp de l’état exact des fortifications et de l’artillerie belge, a permis de retarder l’avancée vers la France des armées du Kaiser Guillaume II. Liège, malgré les efforts très courageux des soldats belges, succomba le 17 août 1914.

Les Anglais, contraints par l’invasion allemande de la Belgique, mais surtout par crainte de l’occupation du port d’Anvers par les Allemands, finirent par débarquer à Boulogne, le 12 août 1914, un corps expéditionnaire (British expeditionary Force) de 70 000 hommes, commandés par le général John French.

Ces troupes, qui représentaient la moitié de l’armée terrestre anglaise en 1914, furent dirigées immédiatement vers le cœur de la Belgique. Malheureusement, ils furent seulement arrivés à Maubeuge lorsque les Belges se replièrent sur Anvers. Les Anglais mobilisèrent par la suite une armée, en provenance de leurs colonies.

Les Français, suite à l’invasion de la Belgique, avaient fait progresser au nord, une partie de sa Ve armée et plus particulièrement vers Philippeville en Belgique, le 15 août 1914, pour aider le corps expéditionnaire britannique à se positionner et à ralentir les avant-gardes de la IIIe armée allemande, sur Dinant.

Les forces belges, submergées par les Allemands, trop éloignées des éléments britanniques et français, finirent par appliquer une retraite vers Anvers, le 18 août 1914. Libérant ainsi le passage des trois armées allemandes vers la France. Seules les places fortes conservaient leurs défenses par des détachements belges.

Dès le 19 août 1914, les trois armées allemandes poursuivirent leur marche en direction de la France. La Ie armée allemande passa par Louvain puis Bruxelles et arriva à Lille, le 20 août 1914. La IIe armée allemande se dirigea vers Mons puis Valenciennes. La IIIe armée allemande, légèrement en retrait des deux autres armées, se dirigea vers Dinant puis Chimay.

La guerre n’était pourtant pas finie en Belgique, alors que les forces belges se retranchaient à Anvers, les Français de la Ve armée essayèrent de ralentir l’avancée allemande sur le territoire belge, notamment à Charleroi. Les Anglais, débarqués à Ostende, Calais et Boulogne firent de même à Mons.

 

2.1 La bataille de Charleroi

La Ve armée française, commandée par le général Lanrezac, avait fait mouvement sur le territoire belge et le 21 août 1914, elle était positionnée au sud de la place forte de Namur entre Charleroi et Philippeville.

Le général Lanrezac, avant de lancer une offensive, attendait d’une part, que les Anglais soient enfin arrivés, sur sa gauche, au sud de Mons et d’autre part, que la IVe armée française, alors en mouvement vers la Belgique, soit positionnée sur sa droite, aux environs de Givet.

La bataille de Charleroi entre la Ve armée française et la IIe armée allemande se déroula les 21, 22 et 23 août 1914. La place forte belge de Namur fut anéantie, sous les bombardements allemands le 23 août 1914, laissant libre d’accès au champ droit de l’armée française. La Ve armée française dut se replier de l’autre côté de la frontière, entre Avesnes au sud de Maubeuge et Rocroi.

 

2.2 La bataille de Mons

Les forces anglaises, débarquées précipitamment à Ostende, Calais ou Boulogne, n’étaient évidemment pas suffisamment nombreuses pour faire face soit à la Ière armée allemande, soit, à la IIe armée allemande. De plus, le général John French, qui commandait ce corps expéditionnaire, n’avait reçu aucune instruction en vue de coordonner ses actions militaires avec celles du haut commandement militaire français.

Ce qui occasionna dès le 10 août 1914, des faiblesses ou des erreurs dans les opérations de défense ou d’offensive par les Anglais, face aux Allemands. Le 22 août 1914, le général John French et son détachement étaient partiellement regroupés au sud de Mons en Belgique, soit à la gauche de la Ve armée française.

Le manque de coordination avec les Français, volontairement assumé par le général French, le mit souvent en fâcheuse position, y compris au moment de la bataille de Mons, le 23 août 1914. Face aux Allemands, les Anglais furent rapidement submergés et, sur les ordres du général French, ils se replièrent le 24 août 1914, sur Valenciennes et Maubeuge.

N’ayant aucune information sur la situation des Français et craignant d’être complètement encerclés, les Anglais s’éloignant du front, continuèrent à se replier plus encore vers le sud, laissant seule la garnison française de la place forte de Maubeuge, face aux Allemands. Maubeuge, totalement encerclée par les Allemands le 26 août 1914, fut contrainte de capituler le 7 septembre 1914.

 

3. En France

 

En France, où prédominait le pacifisme dans la « haute société bourgeoise » très majoritairement de gauche, le réveil fut tragique, après la déclaration de guerre du Kaiser Guillaume II.

Le 4 août 1914, bien tardivement, le président de la République Raymond Poincaré appela à « l’union sacrée » et mit de côté les divergences et les rancœurs politiques, pour faire front à la violente et injuste agression allemande.

Dès le 7 août 1914, la France, n’ayant pas les moyens de faire une percée vers l’Allemagne, dans une position volontairement défensive, va subir les tentatives d’invasion sur son front Est et surtout les batailles de mouvement sur son front Ouest, jusqu’à la mer du Nord.

La mobilisation générale des conscriptions n’étant achevée que le 17 août 1914, les armées françaises réparties aux frontières n’étaient pas encore complètes, alors que les Allemands franchissaient déjà le Luxembourg et la Belgique.

Au début du mois d’août 1914, les Français alignaient sur les frontières avec l’Allemagne, le Luxembourg et la Belgique, 5 armées (800 000 hommes d’active) contre 7 pour les Allemands.

Après la mobilisation daoût 1914, la France pouvait compter sur un total de 1 200 000 hommes. Chaque année suivante jusqu’en 1919, grâce au dispositif de la conscription, inventé sous la Révolution, l’état-major des armées françaises incorpora 350 000 hommes supplémentaires.

Les effectifs et l’organisation de ces armées ont fluctué continuellement durant les quatre années de guerre. Le commandement des différentes armées françaises va lui aussi souvent changer en fonction des résultats et de certaines incompétences.

  • La Ière armée française, commandée par le général Augustin Dubail, était positionnée autour d’Épinal, dans les Vosges.
    La IIe armée française, commandée par le général Édouard de Castelnau, était positionnée entre Nancy et Toul.
    La IIIe armée française, commandée par le général Emmanuel Ruffey, était positionnée autour de Verdun.
    La IVe armée française, commandée par le général Fernand de Langle de Cary, était positionnée dans les Ardennes, autour de Stenay.
    La Ve armée française, commandée par le général Charles Lanrezac, était positionnée dans les Ardennes, autour de Charleville-Mézières.
    L’armée des Alpes, commandée par le général Albert d’Amade, était positionnée dans les Alpes.
    L’armée d’Alsace, commandée par le général Paul Pau, était positionnée en Alsace.

 

3.1 La bataille des frontières

3.1.1 En Alsace

En vue de ralentir la progression en Belgique des forces allemandes, le haut commandement militaire français avait prescrit diverses opérations de diversion en Alsace et en Lorraine.

Pour assister les efforts des armées françaises en Lorraine, il fut demandé à l’armée d’Alsace, ponctuellement positionnée face à Mulhouse et Colmar, alors en territoire allemand depuis 1871, d’effectuer des opérations limitées d’incursion.

L’armée d’Alsace était alors composée de 150 000 hommes. Celle-ci, après avoir pris position le 7 août 1914, sans coup férir, dans Thann et Altkirch, entra dans Mulhouse, le 8 août 1914.

Malheureusement, cette armée d’Alsace, face à une contre-offensive allemande de forces nettement supérieures, dut se replier le lendemain sur Belfort, abandonnant la ville.

Mulhouse fut reprise le 19 août 1914 et hélas à nouveau abandonnée, après l’évolution de la situation en Belgique.

 

3.1.2 En Lorraine

Toujours dans un but de diversion au moment de l’invasion de la Belgique et du Luxembourg par les 3 armées allemandes, le haut commandement militaire français avait ordonné, pour le 14 août 1914, une action offensive dans la direction de Sarrebruck.

Cette opération fut confiée aux deux armées françaises (Ie et IIe) positionnées en Lorraine.

Les parcours utilisés par ces deux armées étaient géographiquement compliqués. La Ière armée fut confrontée aux reliefs des Vosges et la IIe armée, traversa une région parsemée de grands étangs.

Arrivées au sud de Metz (en territoire allemand depuis 1871) le 20 août 1914, ces deux armées se heurtèrent à des forces ennemies considérables et fortement retranchées. Installées depuis fort longtemps, ces armées allemandes avaient fortifié de nombreuses positions, allant de Metz à Sainte-Marie-aux-Mines, dans les Vosges.

Ces deux armées françaises participèrent activement aux batailles de Sarrebourg et de Morhange, pour malheureusement battre en retraite, le 21 août 1914, sur Nancy et la région de Rambervillers. Elles étaient poursuivies par la VIe et la VIIe armée allemande.

 

3.1.2.1 L’attaque de la trouée de Charmes

Situé à mi-chemin entre Toul et Épinal, Charmes fut choisi par le haut commandement militaire français pour devenir le premier piège tendu aux Allemands. Situé à l’Est de la place fortifiée de Verdun et entre les places fortifiées françaises de Toul, d’Épinal et de Belfort, Charmes devenait le point de passage « obligé » des armées allemandes, à la poursuite des deux armées françaises.

Comme prévu par l’état-major français, les deux armées allemandes négligèrent Nancy et se dirigèrent le 23 août 1914, face à la trouée de Charmes, où les attendaient postées en embuscade, les deux armées françaises. Le 25 août 1914, ces dernières forcèrent les deux armées allemandes à la retraite et ainsi mirent le plan allemand en échec.

 

3.1.2.2 L’attaque du Grand-Couronné

Après la victoire française à Charmes, sur les deux armées allemandes, l’ennemi renforcé par de nouveaux bataillons, se ressaisit dès le 26 août 1914, enrayant l’offensive française entamée.

Les Allemands, le 27 août 1914, préparaient une nouvelle offensive à partir de Nancy et dirigée directement par le Kaiser Guillaume II. Cette offensive fut déclenchée le 5 septembre 1914 et se prolongea jusqu’au 7 septembre 1914, sans pouvoir s’emparer du Grand-Couronné, comme le prévoyait le plan allemand.

L’ennemi intensifia, en vain, son effort pour rompre le front dans la région de Nancy. Le Kaiser, installé sur les hauteurs de la Seille, comprit que son entrée triomphale dans Nancy ne serait pas pour cette fois et s’éloigna, fortement contrarié, le 9 septembre 1914, dans la soirée.

 

3.1.2.3 La première tentative allemande sur Saint-Mihiel

La IIIe armée française était positionnée au nord de la place forte de Verdun, allant jusqu’à Commercy, proche de la place forte de Toul. Entre Verdun et Commercy, se trouvaient le fort de Troyon et Saint-Mihiel.

Le 8 septembre 1914, des forces allemandes, provenant du camp retranché de Metz, menaçaient le front droit de la IIIe armée française et plus particulièrement le fort de Troyon et Saint-Mihiel. Le fort de Troyon résista à tous les assauts et aux bombardements allemands.

Aidée par des éléments de la IIe armée française, la IIIe armée put tenir tête aux Allemands, au moment même où les Français, partiellement assistés des Anglais, stoppaient l’avancée allemande sur la Marne.

 

3.1.3 Dans les Ardennes

La bataille des Ardennes concerna deux armées françaises (la IIIe et la IVe) face à deux armées allemandes (la IVe et la Ve). Les armées françaises furent envoyées à la rencontre des Allemands, de l’autre côté des frontières belge et luxembourgeoise.

La traversée des Ardennes donna lieu à de nombreux combats disloqués et fragmentés sur un terrain défavorable aux armées françaises. Le 22 août 1914, la bataille de « rencontre » entre ces armées fut l’objet, malgré d’énormes pertes chez l’ennemi, d’une retraite des Français les 24 et 25 août 1914, sur leurs positions initiales.

 

3.2 La guerre de mouvement

3.2.1 La manœuvre en retraite

Le général Joseph Joffre, ancien franc-maçon et chef d’état-major des armées françaises, compte tenu de la situation sur l’ensemble du front, donna pour instruction le 25 août 1914, un repli général sur une ligne de la Somme (le fleuve) à Verdun en passant par le massif de Saint-Gobain et l’Aisne (la rivière).

De plus, suivant le résultat des premières actions d’invasion des armées allemandes et plus particulièrement de la défection des Anglais, l’état-major des armées réorganisa partiellement les armées françaises.

Le général Joffre créa une VIe armée commandée par le général Michel Joseph Maunoury, placée à la gauche des Anglais et dans la région de Montdidier au Nord de Paris.

Une autre armée, dirigée par le général Ferdinand Foch, la IXe, créée à partir des divisions de l’armée des Alpes, fut placée au nord de Reims, entre la IVe et la Ve armée française.

Le général Ferdinand Foch était hélas, comme le général Joseph Joffre, un adepte de l’offensive à outrance. Cette tactique du « moyen-âge » à l’origine de nombreuses et inutiles hécatombes, n’aurait pas dû avoir sa place dans cette guerre moderne.

Le 26 août 1914, les Anglais furent attaqués par l’avant-garde de la Ière armée allemande, dans la région du Cateau-Cambrésis, où ils s’étaient regroupés. Largement submergés, ils réussirent à se désengager dans la nuit, grâce à des renforts de la Ve armée française, venus à leur secours.

Le 28 août 1914, les Anglais, repliés sur Noyon et la place forte de La Fère, étaient momentanément à l’abri. Le général anglais John French, complètement démoralisé, souhaitait vivement se replier plus au sud encore, loin du front, et ce malgré les instances du commandement général des armées françaises.

Les Anglais reculèrent jusqu’à Fontenay, au sud de Meaux, le 4 septembre 1914 et le général French, déshonorant l’armée anglaise, souhaitait reculer en direction de la Rochelle. Le chef du gouvernement anglais Lord Kitchener, informé de la situation, fut venu à Paris, le 1er septembre 1914, investi des pleins pouvoirs afin d’obliger le général French à rester dans la bataille.

La VIe armée française, en cours de formation dans la région de Montdidier, fragilisée sur sa droite par le repli non concerté des Anglais, fut contrainte de reculer vers Paris lorsqu’elle fut attaquée, le 29 août 1914, par les avant-gardes de la Ière armée allemande.

Jusqu’au recul, sur les positions, défini le 25 août 1914 par l’état-major, les armées françaises, excepté les Ière et IIe qui ne bougèrent pas, replièrent en supportant plus ou moins bien, les attaques des trois armées allemandes qui avaient franchi les frontières et se dirigeaient vers Paris.

Le recul prolongé de l’armée anglaise, nettement en deçà de l’Aisne, au 1er septembre 1914, créant de fait une poche dans le front français, obligea l’état-major à prolonger la retraite des armées jusqu’à la Marne.

De fait, à cause en partie des Anglais, le front s’était sensiblement rapproché de Paris. Le général Joseph Gallieni, gouverneur de Paris, avait pris les dispositions pour la défense de la capitale.

Le 1er septembre 1914, le gouvernement socialiste René Viviani, de la IIIe République, quitta Paris pour se réfugier à Bordeaux.

Le général anglais French ne fut pas le seul responsable de la mauvaise coordination entre son armée et celle de la Ve armée française, commandée par le général Lanrezac.

En effet, même si les conditions étaient exceptionnellement difficiles lors de cette invasion allemande, le général Lanrezac, bien qu’excellent stratège militaire, fut limogé le 2 septembre 1914, pour avoir eu des relations peu diplomates et même souvent discourtoises avec le général French, contribuant ainsi à démotiver plus encore ce dernier.

Le général Lanrezac, remplacé à la tête de la Ve armée française par le général Louis Franchet d’Esperey, fut envoyé à Bordeaux pour y créer une nouvelle armée qui participa à la bataille de l’Aisne.

Le 2 septembre 1914, arrivée au sud de Compiègne, la Ière armée allemande changea brusquement de cap et, laissant Paris sur sa droite, elle bifurqua en direction d’Épernay. Ce mouvement des troupes allemandes fut décelé et confirmé par l’aviation française le 3 septembre 1914.

Ce changement de cap vers l’Est des 5 armées allemandes (Ière, IIe, IIIe, IVe et Ve) qui avaient traversé la Belgique ou le Luxembourg, se confirma dès le début de septembre 1914.

Les Allemands, suivant le plan Schlieffen, s’étaient fixé 5 semaines après le début des hostilités, pour vaincre les armées françaises, avant de se retourner vers les Russes sur le front Est. Or, le 3 septembre 1914, 4 semaines s’étaient déjà écoulées et il devenait urgent, pour les Allemands, d’écraser les armées françaises.

Paris n’était pas un objectif militaire prioritaire, ce qui n’empêcha pas les Allemands de bombarder la capitale et de tirer de nombreux obus à partir de leur grosse artillerie, installée sur le rail. L’objectif des Allemands, dans ce cas précis, était d’effrayer les habitants et ainsi, faire pression sur la population parisienne, afin que celle-ci réclame un armistice.

Ce virage brutal vers l’Est de la Ière armée allemande incita l’état-major français à stopper le repli en cours des armées françaises et, profitant de cette opportunité constatée, il donna l’ordre d’attaquer en priorité cette armée, non protégée sur sa droite, dès le 6 septembre 1914.

Dans ces plaines de la Marne, les canons français de 75 firent merveille dans cette bataille de mouvement, occasionnant d’importants dégâts au sein des armées allemandes moins bien protégées, par leur lourde artillerie peu efficace dans ce type de combat.

 

3.2.2 La bataille de la Marne

L’opportunité laissée par la Ière armée allemande de dégarnir son flanc droit, permit à la VIe armée française, commandée par le général Maunoury, de se lancer à la poursuite des Allemands.

La VIe armée française fut assistée par les Anglais du général French et par les renforts français transportés par les taxis parisiens, envoyés par le général Gallieni.

L’offensive de la VIe armée française sur la Ière armée allemande se fit les 6 et 7 septembre 1914. La Ière armée allemande, assistée de quelques éléments provenant de la IIe armée allemande, lança une contre-offensive mais en vain, les 8 et 9 septembre 1914.

Les deux armées allemandes, lors de cette contre-offensive, avaient créé des poches de faiblesse sur leur flanc, entraînant un repli d’une centaine de kilomètres, ordonné par leur état-major.

Les Français en profitèrent et les armées françaises (VIe, Ve, IXe et IVe), assistées des Anglais, repoussèrent les armées allemandes (Ie, IIe, IIIe, IVe), au-delà de Soissons et de Reims. Ce fut le début de la bataille de l’Aisne.

 

3.2.3 La bataille de l’Aisne

Le 12 septembre 1914, le nouveau front allant de Compiègne à Verdun présentait les armées alliées juste au-dessus des rivières de l’Aisne et de la Vesle.

Du 13 au 16 septembre 1914, les deux armées françaises (VIe et Ve) assistées des Anglais lancèrent une offensive repoussant plus au nord, les armées allemandes. Les Anglais situés entre la VIe et la Ve armée française, finirent par s’établir aux pentes du « Chemin des Dames » entre Soissons et Craonne.

Du 17 au 21 septembre 1914, les Allemands, renforcés d’une armée (la VIIe) rapatriée du front russe, lancèrent plusieurs offensives en vain sur les armées alliées, elles aussi renforcées, de l’armée (IIe) de Lorraine du général Castelnau.

Pour les Allemands, il s’agissait de résister aux offensives des alliés venants du sud et essayer d’enrayer le débarquement de nouvelles troupes anglaises, sur les ports de la Manche et de la mer du Nord.

Les combats sur ce front, intenses et incessants, finirent par donner lieu à la guerre de position avec des tranchées, des assauts et des bombardements permanents.

De part et d’autre, les soldats sous un déluge continuel d’obus, repliés dans de rudimentaires abris, reliés par des kilomètres de tranchées ont subi durant des mois, le manque de commodité, de confort, d’approvisionnement et la rudesse de leurs chefs, souvent incompétents dans ce nouveau type de guerre « totale et industrielle ».

Ces batailles de position, qui malheureusement vont durer quatre ans, confirmèrent l’échec du « plan Schlieffen » des Allemands mais aussi l’échec du « plan XVII » du général Joseph Joffre qui n’avait pas envisagé l’utilisation massive sur tout le front de l’artillerie lourde.

De fait, à partir de cet instant, les armées allemandes, bloquées pendant quatre ans en France et en Belgique, sur un front de plus de 740 kilomètres, de Nieuport à Belfort, ont déjà perdu la guerre, car elles n’ont pas, dans le temps imparti, ni écrasé les armées françaises, ni vaincu les armées russes sur le front Est.

Guillaume II et son état-major vont, à partir de cet instant, subir les désastres humains des divers fronts et les révoltes internes, dues à la famine du peuple allemand, causée par le blocus anglais.

 

3.2.4 La poche de Saint-Mihiel

Sur le front Est, en Lorraine, depuis le départ vers l’Aisne de la IIe armée française, dirigée par le général Castelnau, la Ière armée française défendait seule le secteur de Toul à Belfort.

Le 19 septembre 1914, les Allemands, percevant une légère faiblesse du front, au sud de la place forte de Verdun, tentèrent une poussée qui fut contenue, grâce aux efforts héroïques de la IIe armée française et des renforts provenant, le 24 septembre 1914, de la IIIe armée commandée par le général Ruffey.

Le 29 septembre 1914, l’ennemi, poursuivant son avance, s’empara cependant de Saint-Mihiel, qu’il conserva durant les quatre prochaines années, malgré les nombreuses tentatives de contre-offensive des alliés.

La prise de Saint-Mihiel par les Allemands entraîna de lourdes contraintes pour les Français dans la poursuite de cette guerre. En effet, les voies ferrées de Paris-Metz et de Paris-Nancy furent inutilisables, à cause de leur proximité du front. Il en était de même, pour la voie ferrée de Verdun à Commercy, limitant fortement le ravitaillement de la place forte de Verdun.

Le commandant de la place forte de Verdun, un certain colonel Philippe Pétain, déjà âgé de 58 ans, va se voir confier, après sa nomination comme général de division, le 14 septembre 1914, plusieurs nouveaux commandements au sein des armées françaises, installées sur le front Ouest.

 

3.3 La course à la mer

En septembre 1914, le front tendant à s’immobiliser, les forces en présence fortifiaient progressivement leurs positions. Cependant, les Anglais débarquaient de nouvelles troupes via les ports de la Manche et de la mer du Nord.

 

3.3.1 La bataille des Flandres

Pour essayer de contrer l’arrivée de ces Anglais, les Allemands, dégarnissant légèrement leurs armées, ont créé de nouvelles forces, composées de 600 000 hommes, qui furent envoyées dans les Flandres, vers ces ports de Dunkerque, Boulogne et Calais.

Les Français firent de même et l’état-major confia au général Joseph Foch, dont l’armée, la IXe, fut dissoute, le soin de coordonner les efforts de toutes les forces alliées groupées dans l’Oise et jusqu’à la mer.

D’autre part, l’armée belge, réfugiée dans la place forte d’Anvers, assiégée depuis le 26 septembre 1914, finit par capituler, le 9 octobre 1914. Les Belges avaient évacué la place forte le 7 octobre 1914, en direction d’Ostende et de Dunkerque.

Le 20 octobre 1914, l’état-major français confia au général Victor Louis d’Urbal le commandement du détachement belge, renforcé par diverses divisions françaises, avec l’objectif de libérer la Belgique.

 

3.3.2 La bataille de l’Yser

La bataille de l’Yser s’est déroulée en territoire belge, à proximité du port de Nieuport. Ce fut entre Nieuport et Dixmude, au sud de l’Yser, que le général Victor Louis d’Urbal, mandaté par l’état-major français, déclencha une offensive dans la soirée du 22 octobre 1914.

L’objectif fixé était de repousser les Allemands, le plus loin possible des ports de Nieuport et d’Ostende, pour permettre aux Anglais de poursuivre leur débarquement.

La bataille se déroula du 23 au 27 octobre 1914. Elle fut particulièrement intense et meurtrière de part et d’autre. Alors que les forces belges étaient sur le point d’être débordées aux environs de Pervyse, l’état-major français ordonna l’ouverture des écluses de Nieuport, inondant toute la région jusqu’à Dixmude.

Cette opération freina la contre-offensive allemande jusqu’au 30 octobre 1914. Hélas, sous un déluge de feu créé par l’artillerie lourde allemande en provenance d’Anvers, Dixmude tomba aux mains des Allemands, le 10 novembre 1914.

 

3.3.3 La bataille d’Ypres

Toujours en territoire belge, plus au sud de Dixmude, aux environs d’Ypres, ce furent les Anglais, aux ordres du général French, qui effectuèrent une offensive du 23 au 28 octobre 1914. Aidés de plusieurs soutiens français, les Britanniques avancèrent de plusieurs kilomètres.

Hélas, une contre-offensive générale des Allemands sur tout le front, le 10 novembre 1914, obligea les Anglais à reculer jusqu’au nord d’Ypres. Alors que les Allemands venaient de subir de très lourdes pertes, pour se venger, ils écrasèrent la jolie petite ville d’Ypres d’obus incendiaires.

À partir du 15 novembre 1914, les armées de part et d’autre, totalement épuisées, finirent par s’imposer une guerre, dans des positions retranchées, qui va durer 4 ans.

 

3.4 La guerre sur les mers

 

Les Allemands avaient, depuis l’arrivée au pouvoir de Guillaume II en 1888, commencé la construction d’une véritable flotte de guerre en vue de concurrencer celle des Anglais. Les Britanniques avaient, au niveau mondial en 1914, la plus puissante flotte de guerre.

De plus, les Anglais, conscients de l’agressivité germanique déclarée depuis quelques années par le kaiser Guillaume II, avaient renforcé très sensiblement leur flotte, avec la construction de plusieurs navires puissamment armés, de la classe des « dreadnought ».

Le Kaiser Guillaume II, avait dès 1905, affiché clairement les besoins d’une puissante flotte de guerre, dans le cadre de ses ambitions hégémoniques. Il ne craignait pas la flotte de guerre française, largement sous-dimensionnée par rapport à celle de l’Allemagne. Cependant, les Britanniques s’étaient maintes fois positionnés face au kaiser, en cas de tentative d’agression de la France.

Le port principal de construction pour cette flotte allemande, fut Kiel. Le canal allant de cette ville à Brunsbüttel devait permettre notamment aux derniers gros navires de guerre construits, de classe « dreadnought » de rejoindre rapidement la mer du Nord.

En 1914, les Allemands avaient réussi à aligner une flotte de guerre comparable en effectif à celle du Royaume-Uni ; Cependant, celle-ci ne pouvait prétendre au savoir-faire et à l’expérience des Anglais. C’est pourquoi, Guillaume II avait confié à sa nouvelle flotte de guerre des missions essentiellement défensives et loin des côtes britanniques.

Les quelques batailles maritimes durant la Première Guerre mondiale, dans lesquelles des éléments de surface de la flotte allemande étaient impliqués, face aux Britanniques voire aux Russes, tournèrent presque toujours au détriment des Allemands.

Guillaume II confia à ses nombreux sous-marins d’importantes missions de destruction loin des côtes britanniques. Malheureusement, ces sous-marins s’attaquèrent essentiellement à des navires non armés.

Les navires de guerre allemands ont participé à différentes confrontations plus ou moins importantes avec les Anglais dans l’Atlantique, la mer Baltique ou la mer Noire. La bataille navale la plus significative eut lieu le 28 août 1914, dans la mer du Nord au large de l’île allemande Heligoland, située à 25 kilomètres des côtes germaniques.

Cette bataille faisait suite à la mise en place par les Anglais d’un blocus naval des ports maritimes allemands. Les navires allemands, très largement inférieurs en puissance et en nombre à ceux des Anglais présents dans cette partie de la mer du Nord, subirent une défaite majeure avec plusieurs centaines de morts, 3 croiseurs et un torpilleur coulés.

La flotte anglaise, composée lors de cette bataille, de 5 croiseurs de bataille, 8 croiseurs légers, 33 destroyers et 3 sous-marins, ne subirent que des pertes humaines légères avec 35 tués et 55 blessés.

Le blocus maritime des ports allemands, imposé durant quatre années par les Anglais, finit par renforcer le mécontentement général de la population germanique ainsi affamée.

 

3.5 La guerre de position

3.5.1 En 1915

Durant l’année 1915, le front Ouest allant de Nieuport en Belgique à Belfort, ne changea quasiment pas et ce malgré les différentes tentatives de part et d’autre. En juin 1915, une nouvelle armée britannique fraîchement débarquée sur les ports français de la mer du Nord, permit une nouvelle organisation du front et une meilleure répartition des différentes armées alliées.

Du côté français, le front en juillet 1915, était réparti de la façon suivante :

Les forces belges assistées des Français couvraient la défense sur une trentaine de kilomètres du front, allant de Nieuport à Langemark en Belgique.

Les Anglais avec deux armées couvraient une section de 60 kilomètres du front allant de Langemark en Belgique à Vermelles au nord d’Arras. La première armée britannique (W) était commandée par le général Douglas Haig et la seconde (2W) par le général Smith-Dorrien.

Les forces françaises étaient alors composées de 8 armées et couvraient environ 700 kilomètres du front ouest, de Vermelles au nord d’Arras à Belfort.

  • La Ière armée française était sous le commandement du général Pierre Auguste Roques, âgé de 59 ans, (premier organisateur de l’aviation militaire française).
  • La IIe armée française était sous le commandement du général Philippe Pétain, âgé de 59 ans.
  • La IIIe armée française était sous le commandement du général Maurice Sarrail, âgé de 59 ans.
  • La IVe armée française était sous le commandement du général Fernand Langle de Cary, âgé de 66 ans.
  • La Ve armée française était sous le commandement du général Louis Franchet d’Esperey, âgé de 59 ans.
  • La VIe armée française était sous le commandement du général Pierre Joseph Dubois, âgé de 63 ans.
  • La VIIe armée française était sous le commandement du général Louis de Maud’huy, âgé de 58 ans.
  • La Xe armée française était sous le commandement du général Louis Victor d’Urbal, âgé de 57 ans.

Ces 8 armées françaises ainsi que les 2 armées britanniques et les forces belges, pour des raisons d’efficacité dans le commandement général, étaient elles aussi regroupées en trois groupes d’armées.

Un groupe (GAN) au nord-ouest sous le commandement du général Ferdinand Foch, âgé de 64 ans, un groupe (GAC) au centre sous le commandement du général Édouard de Castelnau, âgé de 64 ans, et enfin un groupe (GAE) à l’Est sous le commandement du général Augustin Dubail, âgé de 64 ans.

Dans le groupe GAN, on retrouva les forces belges, les armées britanniques et les IIe et Xe armées françaises. Dans le groupe du centre GAC, on retrouva les armées françaises VIe, Ve et IVe. Dans le groupe de l’Est GAE, on trouva les armées françaises IIIe, Ière et VIIe.

Globalement, en fin d’année 1915, la situation, du front côté français, était nettement meilleure qu’au début de l’année, car les Anglais renforcèrent leurs effectifs d’une troisième armée (3W) et aussi, parce que les Allemands dégarnirent partiellement leurs armées du front Ouest, pour renforcer leurs effectifs mis à mal par les armées russes sur le front Est.

D’autre part, en mai 1915, l’Italie a déclaré la guerre à l’Autriche-Hongrie, l’alliée de l’Allemagne. Ce qui justifia un sensible transfert de certaines troupes allemandes du front Ouest, pour renforcer le front Est, où les armées autrichiennes étaient déjà en prise, avec celles de la Russie.

 

3.5.2 En 1916

L’année 1916 fut une année très difficile pour toutes les armées sur les deux principaux fronts, celui de l’Ouest comme celui situé à l’Est. Plusieurs raisons furent à l’origine des soubresauts, qui causèrent de très importantes hécatombes allemandes et franco-britanniques, notamment en France.

L’année 1916 fut la terrible première année de Verdun. Elle fut aussi, fort heureusement, le ralliement du Portugal, de la Roumanie et du Japon aux forces alliées.

Alors que l’Empire ottoman et la Bulgarie avaient choisi l’alliance avec l’Allemagne et l’AutricheHongrie dès 1915, la Grèce neutre au départ, finira par rejoindre les alliés, en novembre 1916.

Le plan initial d’invasion des Allemands fut un échec, dès l’automne 1914. Aussi, avant de lancer une dernière offensive générale sur le front Ouest, il fallait se débarrasser du front à l’Est. Pour cela, plusieurs opérations avaient été lancées par les Allemands.

 

3.5.2.1 Verdun

Le Kaiser Guillaume II, frustré de n’avoir pu faire son entrée triomphante dans Nancy, laissa cependant en 1916, le commandement de la Ve armée allemande à son fils, le Kronprinz Guillaume de Prusse.

Cette armée était en 1916, positionnée sur le front Ouest, face à la place forte de Verdun. En prévision d’une future offensive sur Verdun, la Ve armée allemande fut discrètement renforcée de 4 divisions.

Derrière Verdun, se situaient les IIIe et IVe armées françaises, mais par manque de moyens d’artillerie ou par incompétence, le haut commandement français avait dégarni la place forte de Verdun de ses canons, pour les répartir dans les différentes positions du front.

Le Kronprinz, lui aussi, par manque de formation et de compétence, avait commis de nombreuses erreurs pendant la bataille de la Marne, qui furent la cause majeure de lourdes pertes humaines, au sein de son armée.

L’offensive allemande sur Verdun commença le 21 février 1916 à 7 heures par un formidable bombardement. Ce déluge d’obus fut suivi de l’offensive à partir de 16 heures. L’attaque allemande dura jusqu’au 25 février 1916. Les forces françaises, sous la pression des troupes ennemies, finirent par céder un peu de terrain sur quelques centaines de mètres.

Le général Philippe Pétain fut appelé d’urgence pour prendre la direction de la bataille, alors que le général Édouard de Castelnau était investi des pleins pouvoirs, pour gérer les moyens et les réserves.

À partir du 26 février 1916, suite à diverses contre-offensives, les Français enrayèrent l’avance ennemie. Celles-ci stoppèrent l’offensive au centre, mais les Allemands prolongèrent leur attaque sur les flancs, dès le début de mars 1916.

Le général Philippe Pétain, contrairement à Joffre et à Nivelle, était prudent en matière d’offensive. Celui-ci réserva ses efforts au profit de la sécurisation, sur plus de 75 kilomètres, de la seule route d’approvisionnement reliant Verdun à Bar-le-Duc.

Cette unique route permit, durant toute l’année 1916, l’approvisionnement en armes, en munitions, en hommes et en nourriture, dans toute la région fortifiée de Verdun. Cette route fut baptisée après la guerre, la « Voie sacrée » par Maurice Barrès.

En avril 1916, ce front était stabilisé. Le chef d’état-major Joffre trouva le général Philippe Pétain trop prudent. Il le transféra au commandement du groupe des armées du centre (GAC) et le remplaça à Verdun, par le général Robert Nivelle, adepte lui aussi, des attaques massives et frontales.

La bataille de Verdun, en 1916, dura jusqu’au 18 décembre 1916, avec une récupération des terrains et du front tel qu’ils étaient en février. Les différents combats à Verdun en 1916 furent très lourds en pertes humaines, avec 337 000 Allemands tués contre 362 000 soldats français.

À Verdun, en moins de 10 mois, de combats et de bombardements acharnés, plus de 70 000 hommes, Allemands ou Français, perdirent la vie chaque mois. Hélas, ce fut aussi le cas dans la Somme, car les gouvernements de la IIIe République n’avaient rien fait pour anticiper cette guerre, en construisant suffisamment de fortifications. Plus de 80 % des pertes humaines furent essentiellement dues à l’artillerie.

Le général Robert Nivelle, sur l’avis du chef d’état-major français, fut nommé le 25 décembre 1916, commandant en chef des armées, à la place du général Joseph Joffre, promu maréchal de France, malgré les remarques négatives le concernant, provenant du gouvernement français.

C’est une pratique couramment utilisée dans le milieu politique depuis la IIIe République française. Elle est encore d’actualité au 21e siècle. Lorsqu’un général ou un ministre a fait preuve de ses trop faibles compétences, le gouvernement le promeut à une autre place au lieu de le sanctionner. À l’inverse du « privé » on accumule ainsi une incompétence qui se généralise au sein de toutes les administrations de l’État français.

 

3.5.2.2 La Somme

Le général Joffre, alors chef d’état-major des armées françaises en février 1916, avait décidé, avant l’offensive allemande sur Verdun, en accord avec les Anglais, une offensive franco-anglaise importante sur le front de la Somme à partir de juillet 1916.

Le front de 45 kilomètres dans la Somme, entre le 1er juillet et le 18 novembre 1916, se situait entre Bapaume, Albert, Péronne et Rosières-Chilly. Cette offensive fut maintenue, malgré les efforts intenses des armées françaises sur Verdun. La seule modification fut que pour cette bataille, les armées anglaises assumèrent la plus importante participation.

Les pertes en vies humaines, dans cette bataille qui ne changea guère l’état du front, furent importantes de part et d’autre. Les Britanniques gagnèrent en efficacité sur ce champ de bataille mais perdirent plus de 206 000 soldats tués et 213 000 blessés.

57 000 d’entre eux furent éliminés du champ de bataille dans la seule journée du 1er juillet 1916. Sur les 203 000 soldats français, 67 000 furent tués. Les Armées allemandes dans la Somme, composées de 437 000 hommes, reconnurent plus de 170 000 morts.

L’aviation militaire fit de remarquables progrès lors de cette bataille. Les alliés avaient la maîtrise du ciel face aux Allemands, avec 185 appareils anglais et 115 avions français contre seulement 129 appareils allemands.

Ce fut lors de cette bataille que l’on vit, pour la première fois, la présence de quelques chars anglais et français. Malheureusement, ces engins, difficilement maniables sur ce type de terrain, n’avaient pas encore permis de créer une véritable différence avec l’artillerie ennemie. Il faudra attendre les centaines de chars Renault avec tourelle orientable, disponibles et véritablement efficaces en 1918.

Le 21 novembre 1916, l’empereur d’AutricheHongrie, François Joseph 1er, allié des Allemands, décéda à Vienne suite d’une congestion pulmonaire. Il était âgé de 86 ans et fut remplacé par l’héritier de la couronne, son petit-neveu, l’archiduc Charles François Joseph de la Maison d’Habsbourg-Lorraine. Celui-ci, âgé de 29 ans, devenait le nouvel empereur d’AutricheHongrie, sous le nom de Charles 1er.

Charles 1er, empereur d’AutricheHongrie, voyant son pays et ses armées dans une situation très défavorable, malgré le soutien militaire allemand, essaya en vain de proposer aux alliés une « paix blanche ». Cette dernière n’aurait pu aboutir compte tenu des trop nombreuses victimes, depuis la déclaration de guerre allemande.

 

3.5.3 En 1917

Au sein du gouvernement français, en décembre 1916, ce fut comme sur le front. Le gouvernement socialiste Briand, mis en place depuis le 29 octobre 1915, n’affichant aucun résultat positif tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, chuta le 12 décembre 1916 pour laisser la place à un autre gouvernement Briand qui dura jusqu’au 17 mars 1917.

Tel le gouvernement Briand, le peu brillant et nouveau chef d’état-major des armées françaises, le général Nivelle, adepte des offensives frontales massives, pourtant complètement inadaptées à ce type de guerre dont l’artillerie est reine, a préparé un nouveau plan d’attaque pour avril 1917, sans s’informer des mouvements en cours des armées allemandes.

En effet, durant mars 1917, les Allemands reculèrent subitement et discrètement le front de 70 kilomètres, pour se positionner derrière un nouveau front très fortifié appelé « ligne Hindenburg ».

En mars 1917, éclata la Révolution russe à Petrograd et entraîna la chute du régime tsariste en Russie. Une évidence glaça les esprits politiques français du moment. L’armée russe, n’assumant plus ses efforts de guerre face aux Allemands sur le front Est, les armées allemandes devenues disponibles allaient rejoindre le front Ouest en France.

Avec l’aide des services secrets allemands, l’instigateur principal de cette Révolution en Russie, Vladimir Ilitch Oulianov, mieux connu sous le nom de Lénine, et ses équipes de bolcheviques, renversèrent le tsar, Nicolas II.

Sans doute très diminué ou apeuré par les mauvais résultats sur le front Ouest, le second gouvernement socialiste Briand démissionna le 17 mars 1917. Il fut remplacé par le gouvernement Alexandre Ribot jusqu’en septembre 1917.

La guerre sous-marine à outrance décrétée en février 1917, par le kaiser Guillaume II et surtout le potentiel rapprochement de la guerre aux frontières des États-Unis, confirmé par le télégramme allemand de Zimmermann, incitèrent le président Woodrow Wilson à demander au Sénat américain, la validation de la déclaration de guerre à l’Allemagne et à l’AutricheHongrie.

Cette déclaration fut officielle le 6 avril 1917. Aussi, les ÉtatsUnis n’ayant pas d’armée, lancèrent une mobilisation validée par la loi du 18 mai 1917, instituant le service militaire obligatoire par sélection. Les États-Unis, finalement contraints d’entrer dans cette guerre, refusèrent d’être des « alliés » des Français et des Britanniques. Ils se considéraient comme « partenaires » et « créanciers » à ces deux pays. D’ailleurs, le Sénat américain refusa aussi de signer le traité de paix validé à Versailles, le 28 juin 1919.

Les ÉtatsUnis envoyèrent en France fin 1917 un corps expéditionnaire non formé et non armé. Ces troupes furent complétées chaque mois par des renforts transférés par bateau. Les forces françaises eurent la responsabilité d’héberger et surtout de former et armer ces soldats américains, durant plusieurs mois, avant que, massivement ceux-ci, à partir de septembre 1918, ne soient enfin confrontés aux dures réalités des combats et des tranchées.

La malchance n’arrivant pas seule, une partie de ces soldats américains ont apporté en France, à leur insu, la « grippe espagnole » apparue dans les environs de Boston en septembre 1918. Cette pandémie fit quelques millions de morts supplémentaires en Europe.

Les méthodes de guerre du général Nivelle, impliquant des assauts par vagues incessantes, face aux mitrailleuses allemandes, avaient engendré plusieurs révoltes et mutineries, face aux trop nombreux tués en vain, sur tout le front Ouest. Le général Nivelle fut enfin limogé le 15 mai 1917. Il fut remplacé par le général Pétain à la tête du Grand quartier général de Beauvais.

Le général Nivelle, comme d’autres politiciens, malgré ses incompétences reconnues, fut nommé au Conseil de guerre le 30 janvier 1920 et élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur, le 28 décembre 1920.

Suite aux nombreuses affaires de mutinerie dans les armées françaises, le gouvernement d’Alexandre Ribot tomba le 7 septembre 1917. Ce gouvernement fut remplacé par celui du socialiste Paul Painlevé jusqu’au 13 novembre 1917.

Durant cette fin d’année 1917, ce fut Georges Clemenceau, alors député, qui fit tomber les ministres germanophiles Caillaux et Malvy. Ces derniers furent traduits pour « intelligence avec l’ennemi » devant le Sénat, transformé pour la circonstance en haute Cour. Ils auraient été en relation avec un espion allemand, Bolo Pacha et Almereyda, directeur du journal « Bonnet Rouge » subventionné par les Allemands.

Georges Clemenceau, âgé de 76 ans, devint chef du gouvernement français, le 16 novembre 1917. Il le resta jusqu’au 18 janvier 1920.

À partir de la fin 1917, le général Pétain attendit la disponibilité des centaines de chars Renault et des premières forces armées américaines, enfin prêtes au combat à partir de juillet 1918. La dernière offensive pour cette année par le général Philippe Pétain se déroula le 24 octobre 1917, sur le fort de Malmaison, pour libérer le chemin des Dames, et ce fut un succès.

 

3.5.4 En 1918

L’année 1918 fut décisive. Les Allemands, débarrassés du front Est, profitèrent du transfert de leurs armées sur le front Ouest pour préparer une offensive générale qui se devait être très performante.

En France, la défection répétée et le désastre de l’automne 1917 de l’Italie, mettaient les alliés dans l’impossibilité de reprendre l’offensive. Heureusement, ceux-ci, renforcés progressivement par les soldats américains, attendaient avec impatience la disponibilité des nouveaux et très prometteurs chars français, du constructeur Renault.

Avec 190 divisions, contre 172 pour les alliés, les Allemands lancèrent une offensive principale le 21 mars 1918, dans le secteur entre Arras et La Fère, soit à la jonction des armées anglaises et françaises. Un commandement unique, des forces alliées, n’existant toujours pas à cette époque, les Allemands avaient décelé ce point faible dans la défense du front.

Des deux armées anglaises concernées, la IIIe W résista plutôt bien à l’offensive alors que la Ve W fut rapidement submergée. Le haut commandement français envoya des renforts à l’armée anglaise qui reculait dans le plus grand désordre. Affaiblie par la défection sur sa droite, ce fut le tour de la deuxième armée anglaise de battre en retraite jusqu’à Amiens.

Devant la gravité des circonstances, l’inquiétude fut grande au sein des gouvernements français et anglais. Au cours d’une réunion réalisée en urgence à Doullens, entre Amiens et Arras, le 26 mars 1918, Clemenceau persuada les Anglais de confier le commandement général des alliés sur le front Ouest au général Foch. Les ordres de Foch permirent d’enrayer l’offensive allemande dès le 31 mars 1918.

Hélas, de cette offensive allemande du printemps 1918, les armées anglaises en ressortirent très affaiblies. Si les Allemands avaient près de 700 000 tués, les Anglais avaient perdu 420 000 hommes, les Français 430 000 soldats et les Portugais plus de 7 000 hommes. Le général Foch réorganisa tout le front en plaçant le reste des armées anglaises fatiguées et démoralisées en Champagne, dans un secteur plus calme.

Pour les Allemands, il fallait faire vite et essayer d’enfoncer le front Ouest tout en effrayant la population parisienne, par un bombardement régulier à partir de leur grosse artillerie montée sur le rail. Ils savaient que l’arrivée massive des Américains allait, à moyen terme, changer le rapport de forces. Ils n’avaient plus d’autre choix car le front à l’Est donnait des signes importants de défections de leurs alliés autrichiens, bulgares et turques.

Le 18 juillet 1918, le général Foch lança une importante offensive, sur tout le secteur de la Marne. Les armées française et britannique, appuyées par 450 chars Renault, firent une percée fulgurante vers Amiens. L’efficacité flagrante des nouveaux chars français du constructeur Renault amplifia sensiblement les mouvements de démoralisation des armées allemandes. Ces armées commencèrent leur retraite sur tout le front.

En juillet 1918, sur les 211 divisions dont disposait le général Foch, 15 seulement étaient composées de soldats américains. Aussi, ces derniers, dirigés par le général Pershing, équipés de 144 chars Renault, de 3 000 canons et de 500 avions, furent envoyés sur le front du côté de Saint-Mihiel, le 12 septembre 1918, soit deux mois seulement avant la fin de la guerre.

Plusieurs petites unités de soldats américains ont participé dès janvier 1918, à quelques combats dans la région de Montdidier, Saint-Mihiel et Château-Thierry, en vue de les tester dans l’épreuve du feu, face aux Allemands aguerris, depuis quatre années. Comme l’état-major français le supposait, ces tentatives ne furent pas vraiment performantes et il fut décidé de reculer la date d’implication des forces américaines.

Cependant, au prix souvent de lourdes pertes, quelques régiments de soldats américains participèrent à partir de mai 1918 à des offensives plus importantes. Il faudra attendre la mi-août 1918 pour voir la première armée américaine, enfin disponible, et deux autres armées, en octobre 1918, soit un mois seulement, avant l’armistice.

Dans les faits, sans pour autant minimiser les efforts et pertes des soldats américains, il faut ici rétablir une vérité peu connue des contemporains du 21e siècle.

Non seulement, les Américains sont intervenus très tardivement dans cette guerre, en grande partie déjà gagnée par les armées franco-britanniques, mais le gouvernement des États-Unis réclama à la France, en juillet 1922, le paiement à brève échéance et intégral de leurs efforts, soit 16 milliards de francs.

Voilà comment les États-Unis remercièrent la France qui ne fut jamais payée, lorsque Louis XVI envoya une aide aux insurgents américains en guerre avec l’occupant anglais, soit une flotte de 30 navires de guerre et 17 000 soldats français.

Ce fut de fait, la très nette supériorité de l’aviation franco-anglaise et surtout l’utilisation des nouveaux chars Renault, avec tourelle orientable, qui étaient à l’origine de nombreuses défections des troupes allemandes à partir de juillet 1918.

De plus, l’artillerie renforcée des alliés accéléra les déboires des armées allemandes fatiguées et démoralisées. Ce fut le début de la fin pour Guillaume II.

Le 7 août 1918, le général Foch fut élevé à la dignité de maréchal de France. Il fut aussi élevé à la dignité de maréchal du Royaume-Uni en 1919 et maréchal de Pologne en 1923.

À partir de septembre 1918, le recul continu des armées allemandes fut généralisé sur tout le front en France. Pour les Allemands, sur le front Ouest, la fin était proche et tous leurs efforts ne consistèrent plus qu’à retarder cette fin.

En octobre 1918, le général Pétain, chef des armées françaises, préparait une grande offensive en Lorraine (alors territoire allemand depuis 1870) qui devait amener les armées franco-américaines jusqu’en Allemagne.

Hélas, le maréchal Foch et Clemenceau, sur l’insistance des États-Unis, forcèrent Pétain à renoncer à son offensive. Pour lui forcer la main, le maréchal Foch et Clemenceau acceptèrent de signer l’armistice demandé par les Allemands, le 11 novembre 1918.

Le 4 novembre 1918, toute la ligne de défense allemande « Hindenburg » fut enfoncée et déplacée hors des frontières françaises de l’époque.

Il semblerait que le général Pétain, contraint, renonça à son plan d’offensive en Lorraine et fut élevé à la dignité de maréchal de France par décret du 21 novembre 1918. Le nouveau maréchal Philippe Pétain reçut à Metz, enfin libéré des Allemands, son bâton de maréchal, le 8 décembre 1918, remis en mains propres par Raymond Poincaré, alors président de la République française.

Cette cérémonie de la remise du bâton de maréchal à Philippe Pétain, précisément à Metz, capitale de la Lorraine libérée de la présence allemande depuis 1870, fut un symbole historique fort, avant la signature du traité de paix de juin 1919.

 

3.6 La débâcle allemande

Le début de la débâcle allemande suivait la rupture de la ligne de défense « Hindenburg » sur le front Ouest, mais elle fut amplifiée par ce qui se passait aussi sur les fronts à l’Est, dans les Balkans et enfin au Moyen-Orient.

Les armées alliées italiennes entrèrent victorieuses à Trente et à Trieste le 3 novembre 1918, forçant les Autrichiens déjà très affaiblis à capituler.

La Hongrie, suite à de nombreuses révoltes internes, faisait sécession et se détacha de l’Empire d’Autriche. La Pologne se déclara aussi indépendante de l’Allemagne, de la Russie et de l’Autriche.

En 1918, les armées serbes, appuyées par les 75 bataillons français commandés par le général Louis Franchet d’Esperey, reprirent le pays en écrasant les armées de la coalition germano-austro-bulgare. Cette dernière perdit plus de 120 000 hommes, contribuant à la capitulation de la Bulgarie et de l’Autriche.

L’Empire austro-hongrois fut contraint de signer l’armistice le 4 novembre 1918. L’empereur Charles 1er abandonna son trône. L’Empire austro-hongrois laissa sa place à deux nouvelles Républiques, autrichienne et hongroise.

L’Allemagne, se sentant de plus en plus acculée à la capitulation, a fini par réclamer un armistice aux Français, avant que ceux-ci ne décident d’avancer jusqu’en Allemagne. Les plénipotentiaires allemands se présentèrent le 7 novembre 1918, sur le front Ouest à proximité de La Capelle, entre Cambrai et Charleville-Mézières.

L’histoire retiendra simplement que ce fut le commandant et comte Louis de Bourbon Busset, chef du deuxième bureau du général Debeney, qui fut mandaté pour vérifier l’identité et les « pouvoirs » des plénipotentiaires, afin de les escorter jusqu’à la forêt de Rethondes.

Finalement reçus par le maréchal Foch, le 8 novembre 1918, en gare de Rethondes près de Compiègne, les plénipotentiaires allemands prirent connaissance des termes de la capitulation. Les Allemands, qui avaient 72 heures pour les faire valider par leur état-major, étaient aussi informés que la guerre continuait, jusqu’à leur acceptation de la capitulation. En attendant donc, les alliés continuaient leur progression au-delà des frontières françaises de l’époque.

Après les armistices des ennemis face aux alliés, le bilan humain fut effroyable et devrait engager notamment les « élites » françaises du 21e siècle à méditer, non seulement sur les conséquences, mais aussi et surtout sur les causes de ce tragique épisode.

En France, la IIIe République a failli par l’incompétence, la naïveté et l’idéologie de ses politiciens. Une France militairement très forte, incluant des fortifications tout le long de ses frontières, aurait sans aucun doute évité l’agression allemande de 1914 et, par voie de conséquence, la Deuxième Guerre mondiale.

Si les Français, pendant cette guerre de quatre ans, ont comptabilisé 1,4 million de militaires tués, soit une moyenne de 1 000 morts par jour et 3,2 millions de blessés, ce fut un total de 5,7 millions de tués chez les alliés et 4 millions chez les ennemis. Près de 10 millions de soldats ont perdu la vie lors de cette Première Guerre mondiale. D’après l’historien Antoine Prost, il faut ajouter 5 à 6 millions de civils tués dans les territoires concernés par cette effroyable guerre.

La paix s’est progressivement installée dans une France meurtrie et ruinée à la fin de l’année 1918. Dans le reste de l’Europe, les émeutes, les rebellions et même les guerres reprirent de plus belle.

Les départements de la Moselle et d’Alsace réintégrèrent tout naturellement et progressivement la France. Ceci fut confirmé dans le traité de paix du 28 juin 1919, signé à Versailles, et ce, contre l’avis initial du président américain et du Premier ministre britannique.

 

3.7 Les mouvements sociaux en France et en Allemagne

Cette effroyable guerre a profondément modifié les cadres sociaux en France et en Allemagne, durant ces quatre années mais aussi, durant celles qui suivirent. Si la souffrance de la faim, pour la population civile, fut extrêmement dure en France, elle le fut plus encore durement en Allemagne, du fait du blocus maritime imposé par les Anglais depuis 1914.

Dans ces deux pays, toutes les activités courantes et familiales furent entièrement bouleversées du fait que les « hommes » étaient soit morts, soit au front et que les femmes, voire certains enfants, durent subvenir à toutes les tâches de préparation des armements et des munitions. Les femmes avaient la lourde responsabilité de gérer les besoins de la famille et ceux pour le front, dans un contexte économique catastrophique.

Hélas, les nombreuses et rapides hécatombes sur le front Ouest engendrèrent chez les civils, de part et d’autre des frontières, des pleurs, des colères, des incompréhensions et parfois des rebellions. De nombreuses grèves se déroulèrent partout en France comme en Allemagne.

À ces mouvements de foules, les gouvernements de part et d’autre durent faire face aussi aux mutineries de plus en plus fréquentes, de soldats sur le front, contraints de subir des conditions de vie extrêmement précaires et soumis à de nombreux chefs trop souvent incompétents.

Dans cette guerre, la tactique des offensives massives et frontales, souvent employée par des généraux incompétents, engendra souvent l’incompréhension et parfois la rébellion voire la mutinerie de certains soldats ou officiers. Officiellement, plusieurs milliers d’entre eux furent condamnés et fort heureusement, peu furent sanctionnés à la peine capitale.

En octobre 1918, au bord du désastre militaire, l’état-major allemand essaya de contraindre sa flotte de guerre, basée en haute mer et à Kiev, à livrer un ultime combat à mort face aux navires britanniques, plus nombreux et mieux armés. Les marins allemands se révoltèrent et l’insurrection générale se répandit dans tout le pays.

La population allemande affamée, bien avant le désastre de la capitulation signée le 11 novembre 1918, avait souvent manifesté son désaccord et son mécontentement avec les dirigeants de la monarchie prussienne. D’autre part, les effets de la révolution bolchevique d’octobre 1917 en Russie avaient fait de très nombreux émules en Allemagne, en Hongrie et en France.

Les Français et plus précisément les Parisiens en 1870, après la capitulation de Napoléon III, eurent beaucoup de difficultés à reconnaître la défaite des militaires à Sedan. Il en fut de même en Allemagne, en 1918. En 1870, la conséquence en France fut la Commune suivie de la IIIe République. En Allemagne, ce sera la fin de l’Empire, remplacé par la République de Weimar.

L’offensive générale des armées franco-américaines, prévue le 13 novembre 1918, par le général Pétain, n’ayant pas eu lieu, du fait de Clemenceau et du maréchal Foch, le territoire de l’Allemagne n’a donc pas été foulé par les armées des alliés durant cette Première Guerre mondiale.

Aussi, le peuple allemand, ignorant toutes les étapes du front Ouest, vit leurs soldats « rentrer à la maison » en fin d’année 1918, sans avoir été « vaincus » et surtout sans que le territoire allemand n’ait subi les affres de la guerre.

Du moins, c’est ce que les civils allemands pensaient en retrouvant leurs soldats après la signature de la capitulation. Les civils allemands ne pouvaient ou ne voulaient pas comprendre ce qui s’était vraiment passé, et surtout que l’Allemagne avait « réellement » perdu cette guerre qu’elle avait pourtant officiellement déclenchée.

Le fait que toute la Première Guerre mondiale se soit déroulée en dehors du territoire allemand et principalement sur le front Ouest, en France et en Belgique, fit la différence essentielle dans l’interprétation du traité de paix, signé à Versailles. Les civils et territoires allemands, à l’inverse des Français et des Belges, n’ont pas connu les nombreux dommages et exactions de cette guerre.

Il en sera aussi de même pour les civils et territoires, Britanniques ou Américains. Les civils allemands n’acceptèrent donc pas les conditions du traité de paix signé à Versailles, le 28 juin 1919, que réclamaient pourtant à juste titre, la France et la Belgique.

 

4. L’abdication de Guillaume II et l’armistice

Depuis août 1918, l’état-major allemand était conscient du désastre militaire et de la fin imminente. Cependant, ses dirigeants vont tout faire pour que la responsabilité de cet échec ne retombe pas sur l’armée, quitte à dénoncer différents « boucs émissaires » civils ou politiques.

Après l’armistice, les chefs d’état-major allemands, les généraux Ludendorff et Hindenburg, attribuèrent officiellement la défaite militaire aux politiciens et bourgeois cosmopolites allemands. Ils utilisèrent l’expression de « coup de poignard dans le dos ». Cette expression fut reprise ultérieurement par les civils pour refuser les conditions du traité de Versailles, signé le 28 juin 1919.

Le 9 novembre 1918, ce fut le prince Max de Bade, dernier chancelier de l’Empire allemand, assisté d’Hindenburg, qui contraignit l’empereur Guillaume II à abdiquer. Ce dernier n’était pas résolu à s’effacer, malgré la déroute évidente de toutes ses armées et la menace imminente d’une guerre civile en Allemagne. Guillaume II finira cependant par abandonner son trône et se réfugia aux Pays-Bas, l’un des rares pays restés neutres dans ce conflit.

Les militaires allemands de l’état-major, ayant été relevés de leurs fonctions par le nouveau et dernier chancelier, Max de Bade, ce fut un haut fonctionnaire civil, Matthias Erzberger, qui signa l’armistice au nom de l’Allemagne. Cet armistice, validé pour 36 jours, à compter du 11 novembre 1918, fut reconduit jusqu’à la signature du traité de paix, le 28 juin 1919.

La République allemande de Weimar fut proclamée au balcon du Reichstag le 9 novembre 1918, par Philipp Scheidemann du parti SPD.

Les trois Empires « centraux » ont disparu en 1918. En plus de l’Empire russe, les Empires d’Allemagne, d’AutricheHongrie et Ottoman disparaissaient, pour laisser place à une reconfiguration de l’Europe, définie dans les traités de paix de Versailles (28 juin 1919), de Saint-Germain (10 septembre 1919), du Trianon (4 juin 1920) et de Sèvres (10 août 1920).

 

5. En Russie

Avant de voir les mouvements et incidences dus à la Première Guerre mondiale, spécifiquement en Russie, il faut jeter un rapide coup d’œil de la situation dans cet immense pays, avant la guerre.

Le tsar Nicolas II, comme son père Alexandre III, était confronté à de nombreux problèmes internes et aux frontières du pays, à l’Ouest comme à l’Est. La démographie russe avait « explosé » en passant de 98 millions d’habitants en 1880 à 175 millions en 1914.

Toujours en interne, après l’émancipation des serfs en 1861, la société russe était en pleine mutation. La classe moyenne, dont les effectifs avaient fortement augmenté, dus à l’accroissement du nombre de fonctionnaires, souffrait du manque d’évolution dans sa participation aux décisions locales.

D’autre part, l’augmentation sensible du nombre de prolétaires dans les agglomérations, due à l’industrialisation naissante, principalement à l’Ouest du pays, fut le début de diverses révoltes avec une misère grandissante et de plus en plus visible.

Contrairement à ce qui s’est passé en France, la majorité des entreprises et des capitalistes investisseurs en Russie étaient étrangers. Au XIXe siècle, dans ce pays, la bourgeoisie russe quasiment inexistante, ne supplanta pas l’aristocratie en place et bien ancrée.

Aux frontières, le tsar Nicolas II fut souvent confronté aux tentatives d’invasion par des armées japonaises à l’Est et à l’Ouest, par diverses émeutes de Polonais, en recherche d’indépendance.

Les conflits, entre le pouvoir en place et les différents protagonistes révolutionnaires, se firent de plus en plus violents, entraînant des réactions, tout aussi terribles. Plusieurs attentats firent leur apparition dès le début du XXe siècle.

Cette situation explosive, depuis les premières grèves de janvier 1905 à Saint-Pétersbourg, grandissait jusqu’à la première révolution en octobre 1905, réprimée violemment par le pouvoir en place.

Parmi les intervenants lors de cette révolution d’octobre 1905, se trouvaient des socialistes révolutionnaires ou démocrates, comme Vladimir Ilitch Oulianov, mieux connu sous le nom de Lénine. Ce dernier, avec un groupe de comparses bolchéviques, se réfugia en Suisse après sa tentative avortée d’une révolution.

En 1917, ce groupe de « bolcheviques » financé et protégé par les services secrets allemands, fut transféré via un « train plombé » jusqu’à Saint-Pétersbourg en Russie.  Comme beaucoup d’autres révolutionnaires, les membres de ce groupe participèrent à la seconde révolution de février 1917, qui renversa le tsar Nicolas II. Ils participèrent aussi à la prise du pouvoir en octobre 1917.

Cette révolution de 1917 fut le début de la guerre civile en Russie, qui se prolongea jusqu’en 1921. Les révolutionnaires « rouges » bolcheviques, pilotés par Trotski et Lénine, affrontèrent les « blancs » représentant les armées russes restées fidèles au tsar ou opposées à l’avancée bolchevique, dans le pays.

La Russie, alliée de la France et du RoyaumeUni depuis 1914, était très affaiblie par cette guerre face à la coalition germano-austro-hongroise, mais aussi par les mouvements sociaux internes. Les capacités militaires des Russes ne permirent pas de résister efficacement aux agressions externes et internes.

Le tsar Nicolas II avait de nombreux ennemis sur ses frontières, mais aussi dans ses rangs, comme son épouse la tsarine Alexandra Feodorovna Romanova d’origine germanique ou Boris Stürmer, germanophile et ministre russe des affaires étrangères.

De plus, la tsarine était totalement sous l’influence de Raspoutine, un moine charlatan, qui prétendait pouvoir soigner de son hémophilie le jeune Alexis, l’héritier de la couronne. Raspoutine intervenait fréquemment et à tort dans les décisions d’État, entraînant des situations catastrophiques pour le tsar et la Russie.

En 1917, le tsar Nicolas II, sur la pression de son état-major et surtout de son entourage familial, renonça au trône le 16 mars 1917, au profit de son frère, le grand-duc Michel. Ce dernier, conscient de la situation dégradée tant au sein de l’armée qu’au sein du peuple, préféra lui-aussi immédiatement abdiquer.

Après l’abdication du tsar et de son frère, deux institutions rivales se disputèrent le pouvoir. La première, la douma d’État de l’Empire russe, issue des anciens services du tsar, et la seconde, le soviet de Petrograd. Ce dernier était essentiellement composé de révolutionnaires ouvriers et de syndicats de militaires.

Issu de la douma d’État, le gouvernement provisoire russe prit le pouvoir à Petrograd et le garda jusqu’à la « révolution » d’octobre 1917. Ce gouvernement fut dirigé par le prince Gueorgui Lvov, du 23 mars au 7 juillet 1917, puis par le socialiste révolutionnaire Alexandre Kerenski.

Après la révolution d’octobre 1917, le pouvoir passa entre les mains des bolcheviques. Ces derniers avaient promis que leur mouvement de liberté gagnerait toute l’Europe, mais en vain. Déçus par les réactions des principaux pays, où le Parti « bolchevique » avait fait de nombreux émules, notamment en Allemagne, les nouveaux dirigeants négocièrent un armistice, le 15 décembre 1917, avec les Allemands.

Les dirigeants bolcheviques composés de Lénine, Trotski ou Boukharine, bien qu’en désaccord sur les conditions de paix exigées par les Allemands, finirent par signer le traité de paix de Brest-Litovsk, le 3 mars 1918. La Russie perdait les territoires de la Pologne, la Lituanie, l’Estonie, la Létonie, la Biélorussie et l’Ukraine. Ces territoires furent occupés par les Allemands et les armées austro-hongroises.

Ce traité de paix, signé par les Russes, libéra les armées allemandes sur le front à l’Est et permit à Guillaume II de rapatrier ses forces militaires vers le front Ouest en France et en Belgique.

La guerre civile continua et s’amplifia en Russie, mais aussi en Finlande et en Ukraine, jusqu’à la fin de l’année 1921. L’armée « rouge » fondée par Trotski fut combattue par les armées « blanches » aidées des armées des alliés franco-britanniques, mais aussi par celles des Japonais et des Américains.

Le tsar Nicolas II et sa famille, prisonniers des bolcheviques depuis l’abdication, furent exécutés dans la nuit du 16 au 17 juillet 1918, probablement sur ordre de Lénine.

Les violences en Russie, à l’instar de la période de la « terreur » mise en place en France par Robespierre, furent par la suite, de part et d’autre, sans aucune limite.

Entre 1914 et 1921, il y aurait, selon l’historien français Nicolas Werth, plus de 13 millions de morts dans la population russe, dont moins de 3 millions sur le front, face aux Allemands et aux austro-hongrois.

Lénine, qui s’était inspiré de la Révolution française, particulièrement de la IIIe République, pour aménager son programme marxiste, confirma dans son paragraphe 9, dès 1903, son « droit aux nations à disposer d’elles-mêmes » soit, quinze ans avant le président américain, Woodrow Wilson.

 

6. En Europe

6.1 En Italie

L’Italie, avant le début de la guerre, était en cours de négociation sur des accords d’assistance militaire d’un côté avec les germano-autrichiens et de l’autre, avec les Français. Le but de l’Italie, consciente de sa position stratégique d’ouvrir ou de protéger un autre front, était d’obtenir des compensations territoriales en cas de victoire.

En 1914, n’ayant pas obtenu satisfaction d’un côté comme de l’autre, l’Italie s’était déclarée neutre au début de la Première Guerre mondiale.

En effet, le fait de prendre son temps pour choisir son camp alors que le conflit avait commencé début août 1914, l’Italie était persuadée que les protagonistes seraient contraints de proposer des compensations territoriales, de plus en plus favorables pour elle.

En faveur finalement de la proposition française, plus avantageuse, elle finira par déclarer la guerre à l’Empire austro-hongrois, le 23 mai 1915.

Cette attitude, qui avait entraîné de sérieuses complications aux Français sur les fronts à l’Est comme à l’Ouest en 1914 puis en 1915, coûta cher à l’Italie au moment de la signature du traité de paix de Versailles, le 28 juin 1919.

De plus, l’Italie, dans les négociations au cours de la rédaction du traité de paix, avait perdu sa crédibilité de véritable partenaire dans cette guerre par sa trop faible efficacité militaire, face aux armées autrichiennes.

En effet, les fréquentes hésitations du général Armando Diaz et les faibles performances des armées italiennes avaient imposé au chef d’état-major des armées alliées de leur envoyer, en octobre 1917, sept divisions franco-britanniques en renfort.

Les armées italiennes, commandées par le général Armando Diaz, malgré quelques interventions héroïques en 1915 et en 1916, furent finalement contraintes de se replier progressivement jusqu’au printemps 1917.

Les forces militaires des Empires centraux, libérées du front à l’Est, face à la Russie, après le traité de paix de Brest-Litovsk, signé le 3 mars 1918, entamèrent le 15 juin 1918 une offensive générale dans le Nord de l’Italie.

L’offensive germano-austro-hongroise fut stoppée le 22 juin 1918, à cause de pluies diluviennes qui provoquèrent une importante crue du fleuve Piave. La situation se dégradant, les Autrichiens ordonnèrent une retraite, qui se déroula dans le plus grand désordre. Les armées italiennes en profitèrent pour déclencher, le 6 juillet 1918, l’offensive qu’attendait le chef d’état-major Foch.

Ce fut finalement le 29 octobre 1918 que se déroula l’offensive finale des armées alliées et qui amplifia la déroute des armées autrichiennes. En même temps que sur le front italien, les militaires autrichiens subissaient une défaite, l’Empire d’AutricheHongrie assista à sa dislocation intérieure. Toutes les nationalités de cet Empire se déclarèrent indépendantes le 29 octobre 1918.

Le 3 novembre 1918, les armées italiennes s’emparèrent des villes de Trieste et Trente. Avec de très nombreuses désertions, abandonnant 400 000 prisonniers et 6 500 canons, l’état-major austro-hongrois signa un armistice le 4 novembre 1918, entraînant l’abdication de l’empereur autrichien, Charles 1er, le 12 novembre 1918.

 

6.2 Dans la région des Balkans

Les pays de l’Europe centrale étaient en ébullition depuis le déclin de l’Empire ottoman. Pour ces pays, à l’approche de la Première Guerre mondiale et suite aux deux guerres balkaniques de 1912 et 1913, il devenait urgent que chacun d’eux prenne position pour le camp de la « triplice » ou celui de la « Triple Entente » en fonction de ses intérêts ou de ses affinités.

Les pays de cette région, qui furent concernés, par leur implication volontaire ou contrainte, étaient la Serbie, la Roumanie, la Bulgarie, l’Albanie, le Monténégro, la Grèce, la Macédoine et la Turquie.

 

6.2.1 En Serbie

Pour la Serbie, le choix ne se posa pas, car elle était la cible initiale des Empires allemand et austro-hongrois. L’attentat de Sarajevo en Bosnie, territoire sous domination des Autrichiens, avait pour objectif de désigner la Serbie comme l’ennemi à vaincre dans les plus brefs délais. L’Autriche déclara la guerre à la Serbie, le 28 juillet 1914.

Or, la Serbie avait signé des accords de protection militaire avec la Russie, qui elle-même était liée à la France pour les mêmes raisons. Ce fut l’une des bases essentielles de l’intervention de diverses armées françaises, aux côtés des Serbes dans ce conflit.

La Serbie, en 1914, était enserrée au nord et à l’ouest par des territoires ennemis. Bien que Belgrade fut bombardée dès le 29 juillet 1914, les Autrichiens ne lancèrent leur première offensive que le 12 août 1914, sur un front de 160 km.

Les armées serbes, équipées de canons de 75 d’origine française, purent contrer les Autrichiens en les empêchant de faire leur jonction et ainsi les obligeant à rebrousser chemin, tout en abandonnant sur place de nombreuses armes.

Les armées austro-hongroises, déjà fort occupées sur le front russe, lancèrent, en vain, une nouvelle offensive les 8 et 9 septembre 1914. Les Serbes bénéficiaient du relief très montagneux pour assurer une défense efficace, malgré le surnombre des ennemis.

Plusieurs offensives et contre-offensives se déroulèrent encore en novembre puis en décembre 1914, figeant ainsi le front en Serbie, jusqu’à l’automne 1915, précisément jusqu’à l’entrée en guerre de la Bulgarie, aux côtés des Allemands, des austro-hongrois et des Turcs.

La Serbie, entièrement enserrée par des pays ennemis, ne put résister à l’invasion. Les armées serbes se réfugièrent en Macédoine.

L’état-major français, conscient de la situation en Serbie, expédia en urgence en territoire Salonique, au sud de la Serbie et dépendant de la Grèce, un corps expéditionnaire composé de trois divisions françaises et une division anglaise. Ces forces armées alliées étaient sous le commandement du général Sarrail.

Ce corps expéditionnaire avait le double objectif, d’une part, d’empêcher la jonction des armées bulgares et celles de l’Empire ottoman, d’autre part de renforcer les armées serbes ayant quitté la Serbie suite à l’invasion ennemie.

La Grèce, contrainte, rejoindra finalement les alliés en 1918 en fournissant trois corps d’armée qui rejoignirent, en territoire Salonique, le corps expéditionnaire franco-britannique, sous le commandement du général Franchet d’Esperey. L’Italie y détacha aussi une division d’infanterie au printemps 1918, ce qui porta l’effectif au total de 180 000 hommes, qui avaient pour mission de libérer la Serbie.

Le corps expéditionnaire, commandé par le général Franchet d’Esperey, assisté des armées serbes reconstituées et d’une armée italienne, entreprit la libération de l’Albanie en octobre 1918. Il poursuivit son entreprise, de libération de la Serbie et enfin d’invasion de la Hongrie.

Ces troupes furent assistées dans cette mission par une autre armée franco-britannique commandée par le général Berthelot, envoyée par le chef d’état-major Foch, sur le Danube, et une armée roumaine, enfin débarrassée de l’occupation allemande, le 10 novembre 1918.

 

6.2.2 En Bulgarie

Au début du conflit, la Bulgarie, comme l’Italie, chercha à négocier sa participation en faisant monter les enchères du côté de la Triplice et, dans de moindres mesures, du côté de la Triple Entente. La Bulgarie finira par choisir une alliance avec les Allemands et les Turcs, en déclenchant une offensive avec trois armées sur le territoire serbe, le 11 octobre 1915.

Vaincus, en plusieurs endroits, par le corps expéditionnaire des alliés et les armées serbes reconstituées, les Bulgares se replièrent dans leur pays, dès le 15 septembre 1918. La Bulgarie s’empressa de demander au général Franchet d’Esperey un armistice, le 28 septembre 1918. Le roi de Bulgarie, Ferdinand, abdiqua, le 3 octobre 1918.

 

 

7. Transition vers le traité de paix « maudit »

Les différents résultats catastrophiques des armées germano-autrichiennes, durant le mois d’août 1918, confirmèrent à l’état-major allemand que la guerre était perdue. En Allemagne et en Hongrie, le mouvement « bolchevique » avait généré de très nombreux émules, accentuant la dislocation politique et sociale généralisée, dans ces pays.

Le désastre sur les fronts extérieurs était amplifié par une révolte générale en interne, en passe de basculer en une révolution. Les dirigeants de ces pays étaient tous en train de lancer des tentatives pour négocier séparément une paix, pour éviter la catastrophe « bolchevique » comme l’a connue la Russie.

 

7.1 Le « coup de poignard dans le dos » du président Wilson

Dans le plus grand secret, le 28 septembre 1918, le général Erich Ludendorff demanda à son chef d’état-major allemand, le maréchal Paul von Hindenburg, de contacter les Américains, en vue de négocier la paix. De leurs points de vue, les dirigeants américains seraient sans doute les moins perméables aux exigences potentielles des Français ou des Britanniques.

L’esprit germanophile des Américains, connu de l’état-major allemand, devait contribuer à obtenir une paix raisonnable. Il était donc préférable et urgent, pour les dirigeants allemands, d’obtenir un engagement du président des ÉtatsUnis, avant de subir les conditions de paix franco-britanniques.

Une note confidentielle fut envoyée au président Woodrow Wilson, le 4 octobre 1918. Hélas, sans consulter ses « partenaires » et « créanciers » franco-britanniques, le président Wilson répondit directement aux Allemands, le 8 octobre 1918, via un questionnaire sur les intentions allemandes.

L’échange de ces courriers fut découvert par les franco-britanniques, quelques jours après. Furieux, fortement contrariés et très inquiets par l’initiative malheureuse de Wilson, le président de la République française, Raymond Poincaré, ne pouvait croire cette situation possible, alors que le front à l’Ouest n’était pas encore stabilisé. L’état-major français avait préparé la poursuite du conflit sur le territoire allemand.

Pendant ce temps, le nouveau chancelier de l’Empire allemand, Max de Bade, répondit favorablement au questionnaire de Wilson, le 12 octobre 1918. Ce dernier, toujours sans informer les Français ou les Britanniques, encouragé par ce contact personnel, proposa le 14 octobre 1918, des conditions, fort heureusement très floues et ne tenant pas compte du contexte, qu’il ne connaissait d’ailleurs pas.

Enfin informés de ces échanges, les alliés sont consternés. Cependant, encouragé par les courriers de Wilson, le chef d’état-major allemand, Paul von Hindenburg, reprit confiance dans l’espoir de sauver l’Allemagne par une paix honorable, avant le désastre bolchevique et la prochaine offensive des alliés vers l’Allemagne. Celui-ci répondit à Wilson, le 20 octobre 1918. Il recevra en retour, le 23 octobre 1918, une réponse très ferme et inattendue.

Le maréchal Paul von Hindenburg, comprit alors que tout était perdu, il démissionna quelques jours plus tard. Les Allemands ne lui tiendront aucune rigueur puisqu’il fut élu président du Reich, en avril 1925.

 

7.2 Les conséquences à cours et long terme

L’attitude des États-Unis, avant et pendant ce conflit, avait remis en cause la confiance accordée par défaut entre les alliés. L’intervention très tardive et contrainte des États-Unis dans cette guerre avait déjà « refroidi » les dirigeants français et britanniques.

L’intérêt clairement exprimé par les États-Unis de n’intervenir qu’en tant que « partenaire » et « créancier » avait fortement déçu ceux qui, comme la France et le Royaume-Uni, étaient officiellement tenus par un traité d’assistance mutuelle.

Contrairement aux messages dilués pendant le 20e puis le 21e siècle, la Première Guerre mondiale fut, durant quatre années, un combat acharné entre « Européens » et gagnée principalement par les armées franco-britanniques.

La confiance étant rompue entre les dirigeants franco-britanniques et les États-Unis, la préparation et la rédaction du traité de paix se déroulèrent avec beaucoup de difficultés, de méfiance, voire parfois de défiance. Le résultat final de ce traité de paix décevra hélas toutes les parties impliquées.

La principale cause à ce désastre fut surtout le programme du président démocrate (socialiste) américain Wilson, sur le « droit aux nations de disposer d’elles-mêmes » et ses idées saugrenues de créer une SDN (Société des Nations), l’ancêtre de l’ONU.

Le président Wilson fut ridiculisé aux yeux du monde, car la SDN et le traité de Versailles ne furent pas ratifiés par le Congrès américain à majorité républicaine.

Le président américain Woodrow Wilson, par ses actions irresponsables avant et pendant ce traité de paix, confirma déjà, en 1918, le fait que les États-Unis étaient pour la France, de vrais « faux amis ». Ils le restèrent depuis et jusqu’au 21e siècle inclus.

 

8. Bilan en pertes humaines

Le bilan partiel en pertes humaines ci-après nous apporte un meilleur « éclairage » sur l’implication des différentes nations, durant cette guerre de quatre ans. Par exemple, on constate que, du côté des alliés, les États-Unis ont participé activement sur le front Ouest, moins de 5 mois contre 50 mois pour la France, le Royaume-Uni, la Belgique, la Serbie.

Les Américains, malgré une formation de plus de six mois par les forces militaires françaises, subirent des pertes en nombre, proportionnellement à la durée d’engagement sur le front Ouest. En effet, les militaires américains, avant leur arrivée en France, n’avaient aucune compétence et expérience de la guerre.

Les États-Unis avaient envoyé progressivement en France, au total, de novembre 1917 à novembre 1918, plus de 1 700 000 militaires. Sur cet effectif important, dont moins de 500 000 connurent l’épreuve du feu, les États-Unis enregistrèrent autant de morts que la Belgique.

Dans les tués américains, furent inclus les nombreux morts issus de la grippe « espagnole » importée en Europe, par des soldats en provenance de la région de Boston, à partir de septembre 1918. Cette pandémie, dont l’origine affirmée avait débuté en 1918, aux États-Unis et plus précisément au Kansas, aurait engendré plus de 100 millions de morts dans le monde.

 

PaysNombre de militaires et civils tuésNombre de blessés
France1.697.8004.266.000
Belgique104.98744.686
Royaume-Uni994.1381.663.435
Russie3.311.0004.950.000
Italie1.240.010953.886
Serbie1.250.000133.148
États-Unis117.465205.690
Allemagne2.462.8974.247.143
Autriche-Hongrie1.567.0003.620.000

 

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Pour lire la suite, voir le chapitre « Traité de Versailles » …