Etats Généraux
1. Justification
Le 8 août 1788, le marasme financier et la dégradation de la situation, dans tout le pays, amènent Louis XVI à convoquer les États généraux du royaume, prévus à partir du 5 mai 1789. Le 27 décembre 1788, le Conseil d’État décide que le bailliage serait l’unité électorale de base et qu’il y aurait au moins 1 000 députés. En fonction de la population et du montant des contributions dans chaque bailliage, il y aurait doublement de la représentation du Tiers état. La convocation des États généraux se déroula sur un mois et 21 jours.
L’élection des représentants a lieu en janvier 1789 et suscite une participation très variable. Les représentants du Tiers état sont désignés de façon indirecte à deux degrés. Seuls les habitants de plus de 25 ans et inscrits sur le rôle des impositions (il s’agissait d’être inscrit au rôle et pas nécessairement de payer des impôts) ont le droit de voter.
On était très loin d’un vote au suffrage universel, que nous connaissons depuis 1945, puisqu’il fallait déjà être fortuné, pour pouvoir voter pour d’autres personnes, encore plus fortunées. Ce dispositif de vote « censitaire » sera repris par les « révolutionnaires » de juin 1789.
2. Lettre de convocation du roi
«De par le Roi, Notre aimé et féal. Nous avons besoin du concours de nos fidèles sujets pour Nous aider à surmonter toutes les difficultés où Nous Nous trouvons relativement à l’état de Nos finances, et pour établir, suivant nos vœux, un ordre constant et invariable dans toutes les parties du gouvernement qui intéressent le bonheur de nos sujets et la prospérité de Notre royaume. Ces grands motifs Nous ont déterminé à convoquer l’Assemblée des États de toutes les provinces de notre obéissance, tant pour Nous conseiller et Nous assister dans toutes les choses qui seront mises sous nos yeux, que pour Nous faire connaître les souhaits et doléances de nos peuples, de manière que par une mutuelle confiance et par un amour réciproque entre le souverain et ses sujets, il soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l’État, que les abus de tous genre soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens qui assurent la félicité publique et qui nous rendent à Nous particulièrement, le calme et la tranquillité dont Nous sommes privés depuis si longtemps. Donné à Versailles, le 24 janvier 1789. »
3. Ouverture des États Généraux
3.1 La veille
Les États généraux s’ouvrent le 4 mai 1789, par une procession dite du Saint-Sacrement, dans les rues de Versailles, de l’église Notre-Dame à l’église Saint-Louis. Une messe du Saint-Esprit fut donnée, au cours de laquelle, Anne-Louis-Henri de La Fare prononce le sermon d’usage, honneur que briguait Charles Maurice de Talleyrand-Périgord (Haut clergé).
Sous les applaudissements du clergé et de la majorité du Tiers état, Monseigneur de La Fare, évêque de Nancy, prononça le sermon de la messe d’ouverture des États généraux. Celui-ci, ne se priva pas toutefois, de critiquer le luxe de la cour et les prétentions des réformes.
3.2 Premier jour
Le lendemain, le 5 mai 1789, à Versailles, a lieu l’ouverture de la séance royale organisée par le Grand Maître des Cérémonies de France. Dans une salle provisoire, à colonnes, aménagée à l’hôtel des Menus Plaisirs et dénommée pour la circonstance Salle des « Trois Ordres », qu’elle fut érigée, dans l’urgence, derrière l’hôtel des Menus Plaisirs de l’avenue de Paris.
Sur 1 145 députés, 290 appartiennent au clergé (et haut clergé), 270 à la noblesse et 585 au Tiers état. La première séance est présidée par le roi Louis XVI en personne, le clergé siège à la droite du trône, la noblesse à gauche, le Tiers état face à lui. Les orateurs sont le roi, le garde des sceaux et Necker, le ministre des Finances.
Suivant Armand Brette, qui a fait la liste des députés ayant siégé les premiers jours des États généraux, on constate que ceux du Tiers état étaient en fait 650 (soit 10 % de plus que prévu), incluant les titulaires et les remplaçants.
Après un discours concis et généralement bien accueilli du roi, Barentin, le garde des Sceaux, fait ensuite l’éloge du roi. Necker prononce enfin un discours, qui fait prendre conscience aux députés de la situation financière désastreuse du royaume. Il fait apparaître que la situation générale en France est beaucoup plus confuse qu’on ne le pensait, le gouvernement est totalement désorienté.
Seul le contrôleur des finances aborde les raisons pour lesquelles les États généraux sont réunis : le déficit du budget. Mais, il affirme qu’il sera aisé d’y remédier. Il ne parle pas du problème, qui préoccupe le plus les députés : le vote par ordre, ou par tête, à l’issue de la séance solennelle, qui conditionne toute réforme.
Des mécontentements ont éclaté dès ce jour, à propos du placement des différents ordres et de la méthode de vote retenue. Chaque ordre, comptant pour une voix, la noblesse, comme le clergé (surtout du haut clergé), va protéger ses privilèges contre le Tiers état, qui n’en possède pas. De toute évidence, il y a là un déséquilibre des forces représentatives. Une grande partie du Tiers état, rejointe par quelques nobles et certains membres du clergé, réclame que le vote se fasse par tête et non par ordre.
3.3 Les jours suivants
Du 6 mai au 27 juin 1789, les États généraux siégèrent, par ordre : les députés du clergé dans la chambre du clergé, ceux de la noblesse dans la chambre de la noblesse et ceux du Tiers état, dans une troisième chambre qui prit le nom de « Communes ».
Grâce aux « Mémoires » de Jean-Sylvain Bailly, futur député du Tiers état de Paris, premier président de l’Assemblée Constituante et futur premier Maire de Paris, on sait que les députés élus des trois ordres de Paris (104 députés au total élus à Paris et Paris hors les murs), ne rejoindront progressivement les États généraux à Versailles, qu’à partir du 14 mai 1789.
La majorité d’entre eux n’arriveront que le lundi 25 mai 1789. Les délibérations et les votes des députés des trois ordres représentant Paris avaient pris beaucoup de retard, tout comme la rédaction des cahiers de doléances.
Le 4 juin 1789, Louis XVI fut terrassé par la triste nouvelle du décès, à sept ans, de son fils aîné, le Dauphin Louis Joseph. Cet épisode s’ajouta à la forte dépression du roi, installée depuis décembre 1788. Aux États généraux, ses ministres, comme Necker, étaient incapables de proposer de véritables solutions. Ceux-ci se laissaient influencer par l’aile dure de la noblesse, hostile à tout changement et menée par le comte d’Artois (frère puîné de Louis XVI), le prince de Condé et le clan Polignac.
Le 10 juin 1789, le Tiers état, à l’initiative de l’abbé Emmanuel Joseph Sieyès (l’un des personnages clés de la Révolution 1789 jusqu’au coup d’État du 18 Brumaire, 9 novembre 1799), invite les députés des deux autres ordres (noblesse et clergé) à les rejoindre. Certains d’entre eux, des nobles libéraux comme Gilbert du Motier, marquis de Lafayette et quelques clercs proches du peuple, s’unissent au Tiers état. On assista ainsi à une révolution à caractère juridique : la suppression des ordres, face au roi, auxquels se substitue une représentation nationale en une seule assemblée.
Le groupe ainsi constitué se proclame Assemblée Nationale, sur la motion de l’abbé Emmanuel Joseph Sieyès, le 17 juin 1789 car « il représente 96 pour cent de la nation », se donnant ainsi le pouvoir de consentir les impôts. Ce calcul était faussé par le fait que les députés du Tiers étaient en surnombre. En effet, ils étaient 648 au lieu de 585. L’effectif des députés réunis autour du Tiers état représentait une différence importante par rapport au total des députés présents ce jour-là.
Dans l’esprit de ces députés, ce « pouvoir » sur les impôts devait concerner aussi les nobles et le clergé qui en sont toujours exemptés. Devant ce premier acte de révolte, le roi fit fermer le 20 juin 1789, la salle des États que préside Necker, sous prétexte de travaux.
La nouvelle Assemblée Nationale trouve, sur proposition du Docteur Guillotin (inventeur de la guillotine), un autre lieu de réunion à Versailles, la salle du jeu de paume, située au cœur du quartier du Vieux-Versailles. Le 20 juin 1789, lors de la séance dite du « serment du jeu de paume », les députés présents promettent de ne pas se séparer avant d’avoir rédigé une Constitution pour le pays (en référence à celle réalisée aux États-Unis en septembre 1787).
Les députés du Tiers état ont été rejoints, le 22 juin 1789, par 149 députés du clergé. Le surlendemain, deux autres députés du clergé les rejoignirent, le 25 juin 1789, suivis de neuf autres, puis par 49 députés de la noblesse, et enfin, le lendemain, par trois autres députés du clergé.
Le 23 juin 1789, le roi ordonna la dispersion de l’Assemblée, qu’il déclara anticonstitutionnelle. Le Grand Maître des Cérémonies, le marquis de Dreux-Brézé, alla porter l’ordre du roi aux députés du Tiers état (les deux autres ordres ayant obéi au roi). Il le remit à Jean Sylvain Bailly, Astronome, mathématicien, membre de l’Académie française, franc-maçon et doyen des députés du Tiers état à 53 ans, lequel répondit :« La Nation assemblée ne peut pas recevoir d’ordre ».
4. La suite…
Nous manquons d’informations précises (traces écrites), de ce qui a pu se dire et se préparer dans les « coulisses » depuis mai 1788. C’est semble-t-il depuis cette date que s’est déroulée une forte pression sur le roi pour convoquer en urgence les États généraux.
Comment a été préparée, dans les « coulisses » tant au sein des futurs députés du Tiers état que des conspirateurs aristocrates, la future proposition d’une Constitution à partir de juin 1789 (elle-même fortement inspirée de celle des États-Unis en 1787).
De même, comment s’est réellement préparée la « conspiration » dans les « coulisses » pour inciter le roi à doubler l’effectif initial des députés du Tiers état, avant leur convocation. On peut dire qu’il reste encore beaucoup à découvrir, sujets de questionnement.
Ce qui est certain, c’est que cette Révolution a été préparée et mise en place, sans l’accord du peuple (le bas peuple n’a pas été consulté, de par le mode d’élection de ces députés du Tiers état) et souvent contre le peuple, comme on va le découvrir au fil des mois, qui suivent les États généraux.
Les députés du Tiers état, dont un grand nombre était composé de parlementaires (magistrats, avocats), de bourgeois et de francs-maçons, n’ont pas été élus par le bas peuple et ne sont en rien représentatifs de ce bas peuple.
En effet, sur 650 députés, plus de 150 d’entre eux sont avocats, 320 ont une charge de magistrat ou d’officier d’État et 90 sont bourgeois négociants, banquiers, industriels, armateurs, marchands, 40 sont bourgeois cultivateurs, laboureurs, fermiers, 50 sont médecins, bourgeois propriétaires, professeurs, militaires.
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Pour lire la suite des évènements voir le chapitre « 1789-1800 »