Napoléon 1er

1. Contexte de début

1.1 Nouvelle Constitution

La Constitution de l’An XII est proclamée le 18 mai 1804. Le texte de cette Constitution annonce que « le gouvernement de la République est confié à un empereur qui prend le nom d’empereur des Français« . Cet empereur sera Napoléon 1er, dont la succession est dévolue à sa descendance, par ordre de primogéniture masculine.

Cette Constitution sera approuvée par plébiscite, le 2 août 1804, avec plus de 3 500 000 voix pour et 2 500 contre.

1.2 Le Sacre

Nommé empereur des Français, en mai 1804, Napoléon, après avoir convié le pape Pie VII à Paris, organisera la cérémonie du sacre. Celle-ci se déroulera à la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 2 décembre 1804. Napoléon se couronnera lui-même, soulignant par ce geste qu’il ne détient pas son pouvoir au nom de Dieu, contrairement aux précédents rois de France.

À l’occasion de cette cérémonie, il couronnera aussi son épouse Joséphine. Contrairement au tableau de Jacques-Louis David, qui présente la scène du couronnement à Notre-Dame, Letizia, la mère de Napoléon, n’a pas assisté à cette cérémonie.

 

2. Les actions de Napoléon 1er

2.1 À l’extérieur du pays

Ne pouvant compter sur les députés des différentes Assemblées de la Révolution, Napoléon, en tant qu’empereur, fera comme Bonaparte en tant que Premier Consul ; il investira sur son « petit état-major » et sur les membres de sa famille. Il nommera, parfois contre leur volonté, ses frères à la tête de certains royaumes. Napoléon n’avait aucune confiance dans tous ces « politiciens » des Assemblées, incompétents et souvent corrompus.

Cependant, conscient qu’il ne pouvait diriger seul cet immense territoire, qu’était la France, agrandie des pays conquis lors de ses batailles, il espérait compter sinon sur la compétence, au moins sur l’obéissance de ses frères, aux postes qu’il leur avait confiés. Hélas, il sera souvent déçu par ceux-ci. C’est aussi pourquoi, à défaut, il sera obligé de se reposer sur les services et les conseils de certains de ses ministres, comme Talleyrand et Fouché, qu’il savait pourtant, pas toujours fiables.

En ce qui concerne les territoires conquis hors de France, Napoléon continuera le travail commencé par la République. Il gérera ces pays, comme d’une part, des « Républiques sœurs » de la France et d’autre part, des « protections » contre les invasions venant des pays à l’Est de l’Europe. Ces « Républiques sœurs » auront la même gestion administrative que la France. Le Code civil français sera imposé à tous ces pays.

D’autre part, ces derniers fourniront un contingent de conscrits, pour renforcer les armées françaises. Ce qui entraînera quelques difficultés de coordination sur les divers champs de bataille, à cause des différentes langues utilisées dans ces pays. Ces contingents, intégrés à la « Grande Armée » française, seront aussi, par manque d’expérience et surtout de motivation, la cause de quelques déboires, lors de certaines batailles.

Après la débâcle anglaise de 1794-1795, le pays qui s’appelle « Hollande » au 21e siècle, a été placé sous le protectorat de la République française. Cette région géographique, rebaptisée « République batave » sera la première des « Républiques sœurs » qui formeront un cordon de protection de la France contre les envahisseurs venant des pays, à l’Est de l’Europe.

Après les défaites autrichiennes de Marengo, le 14 juin 1800, et de Hohenlinden, le 3 décembre 1800, contre la France, l’empereur du Saint-Empire François II a été contraint de signer le traité de paix séparé de Lunéville le 9 février 1801. Dans ce traité, où furent dissous une centaine de petits États, appartenant au Saint-Empire, la Suisse put, grâce au Premier Consul Bonaparte, trouver enfin son indépendance.

La République Cisalpine de 1797 devient en 1802 la République italienne. Cette dernière se transformera, le 17 mars 1805, en Royaume d’Italie. Le 26 mai 1805, Napoléon sera couronné roi d’Italie à Milan. Eugène de Beauharnais, fils de Joséphine, sera nommé vice-roi d’Italie le 7 juillet 1805. Ce royaume d’Italie s’agrandira progressivement au fil des guerres, jusqu’en 1809.

 

2.1.1 Troisième coalition ou Campagne des trois empereurs

Les Anglais, bien qu’ayant signé le traité de paix d’Amiens le 25 mars 1802, continuaient à œuvrer en secret pour se préparer à la prochaine confrontation militaire avec la France. Le Premier ministre anglais William Pitt « le jeune » appelé ainsi, d’une part, parce qu’il fut le plus jeune premier ministre élu au Royaume-Uni, en 1783 à l’âge de 24 ans et d’autre part, parce qu’il était le fils de l’ancien premier ministre portant le même nom, William Pitt « l’ancien ».

Difficile d’imaginer qu’un pays comme le Royaume-Uni, même peuplé seulement de dix millions d’habitants en 1800, puisse nommer à la tête de son gouvernement un jeune homme de 24 ans seulement. William Pitt « le jeune » était revenu aux affaires à partir du 10 mai 1804, à l’âge de 45 ans, dans une situation de tension extrême concernant les finances du royaume. C’est grâce à, ou à cause de William Pitt « le jeune », que les Anglais rejoignirent la troisième coalition anti-France. Celle-ci, regroupera aussi la Russie, l’Autriche, le royaume de Naples et la Suède.

Le gouvernement britannique, le 1er mai 1803, a sommé la France d’évacuer le territoire de la « Hollande » (République batave) que celle-ci occupait depuis 1795. Or, dans le traité de paix d’Amiens, signé le 25 mars 1802, les Anglais devaient se retirer de l’île de Malte, ce qui, en mai 1803, n’était toujours pas fait. La France opposa une fin de non-recevoir au Royaume-Uni. Les Anglais s’emparèrent des mille deux cents navires de commerce français, qui mouillaient à Malte.

La flotte de guerre anglaise, le 21 octobre 1805, commandée par l’amiral Nelson, affronta la flotte franco-espagnole, au large du Cap de Trafalgar, en Espagne. Au cours de cette bataille, 23 navires, dont 13 français, furent capturés ou coulés et l’amiral Nelson fut tué.

Cette nouvelle défaite navale française, après l’affaire d’Aboukir, en août 1798, laissera la France sans capacité d’envahir le Royaume-Uni, comme l’avait envisagé quelques temps, Napoléon 1er. Celui-ci, contraint par l’absence d’une véritable flotte de guerre, se retournera sur les autres coalisés, laissant les Anglais rester maîtres des océans et du commerce maritime.

Notons ici que les Anglais profiteront de cette situation pour continuer et amplifier leur commerce de la traite négrière, qu’ils arrêtèrent cependant, à la fin de 1807. Ne pouvant battre les Anglais sur les mers, faute d’une flotte de guerre, Napoléon va essayer d’imposer, aux pays vaincus lors des coalitions anti-France, un blocus des navires anglais, dans tous les ports de l’Europe.

Regroupant ses armées, fortes de plus de cent quatre-vingt mille hommes, quarante mille cavaliers et plus de trois cent cinquante canons, Napoléon fonça sur la Bavière (actuellement en Allemagne du sud). Là, à Ulm, l’attendait une armée autrichienne de plus de quarante mille hommes. Après une demande de reddition, adressée par Napoléon, au commandant autrichien le feld-maréchal Mack, Ulm capitula le 20 octobre 1805.

Les faibles pertes françaises (500 tués et 1 000 blessés) face à celles des Autrichiens (4 000 tués et plus de 25 000 prisonniers), confortèrent Napoléon de poursuivre sa marche forcée vers Vienne en longeant le Danube. Napoléon entra dans Vienne, le 15 novembre 1805.

Poursuivant les armées de la coalition Austro-Russes, il remporta une importante bataille à Austerlitz, en Moravie, le 2 décembre 1805. L’armée de Napoléon, composée de 73 000 hommes, a vaincu les armées russes et autrichiennes, composées de 86 000 hommes. Cette bataille fut surnommée la « Bataille des trois Empereurs ». En effet, les armées russes étaient sous le commandement du tsar Alexandre 1er et les armées autrichiennes, sous la direction de l’empereur François II du Saint-Empire.

Les conséquences de cette bataille seront très importantes. En premier, en ce qui concerne les pertes, du côté des coalisés, se chiffrent à 4 000 tués, 12 000 blessés et 11 000 prisonniers, alors que selon les différents historiens, les pertes françaises étaient de 1 500 tués et 7 000 blessés.

Ensuite, si Napoléon accepta de signer l’armistice avec le tsar Alexandre 1er, il sera plus exigeant vis-à-vis de l’Autriche vaincue à nouveau. L’Autriche, par le traité de Presbourg, signé le 26 décembre 1805, devra céder le Tyrol à la Bavière, alliée de la France, mais aussi la Vénétie avec Venise, l’Istrie et la Dalmatie qui seront rattachés au royaume d’Italie.

Avec la Prusse, qui allait rejoindre la troisième coalition anti-France, Napoléon conclut un traité d’alliance, qui se traduit par un échange de territoires. La Prusse reçoit le Hanovre et la France, le canton de Neuchâtel en Suisse.

Napoléon, à la suite de cet épisode, va réduire les territoires du Saint-Empire, en créant deux nouveaux royaumes, alliés de la France (au sud de l’actuelle Allemagne), celui de la Bavière et du Wurtemberg, ainsi que les deux grands duchés de Berg et de Hesse-Darmstadt. Il réunira ces territoires, dans une « Confédération du Rhin » le 12 juillet 1806.

La formation de la « Confédération du Rhin » autour des rois de Bavière, de Wurtemberg, du grand-duc de Berg et de Clèves (Murat), de l’archevêché de Mayence et des princes de Bade, de Hesse-Darmstadt et de Nassau, sonna la fin du Saint-Empire. L’empereur François II dut abandonner son titre d’Empereur des Romains, en abdiquant, pour ne conserver que celui d’empereur d’Autriche, sous le nom de François 1er. La Diète d’empire sera, elle, dissoute le 6 août 1806.

Notons ici que Napoléon venait de réaliser ce que les différents rois de Prusse souhaitaient obtenir depuis plus d’un siècle, se débarrasser de la tutelle du Saint-Empire, pour envisager un regroupement des territoires « allemands ». Ce qui entraînera de sérieuses conséquences pour la France, durant le siècle suivant.

D’autre part, Napoléon destitua Ferdinand 1er, roi des Deux-Siciles, parce qu’il avait rompu son engagement de neutralité dans ce conflit. Napoléon confia le royaume de Naples à son frère Joseph. Enfin, il transforma la République batave en royaume de Hollande, auquel il nomma roi, son autre frère Louis, époux d’Hortense de Beauharnais, la fille de Joséphine.

 

2.1.2 Quatrième coalition ou Campagne de Prusse

Pourtant, totalement prévisible, la quatrième coalition anti-France viendra du roi de Prusse, Frédéric-Guillaume III, qui n’acceptait pas la réorganisation des territoires « allemands » imposée par Napoléon. Poussé par les Russes et partiellement financé par les Anglais, Frédéric-Guillaume III, lance un ultimatum à Napoléon en septembre 1806.

Le roi de Prusse a été aussi indigné du fait que Napoléon, souhaitant faire la paix avec le Royaume-Uni, venait de lui proposer le Hanovre, alors qu’il l’avait promis avant, à la Prusse. La France devra dissoudre la « Confédération du Rhin » avant le 1er octobre 1806.

Ultimatum volontairement irréalisable, Napoléon répond en rassemblant la « Grande Armée » à Bamberg, qu’il lance à l’offensive en direction de Berlin. L’objectif de Napoléon était d’écraser les armées prussiennes, avant que celles-ci ne reçoivent des renforts, provenant de la Russie. Après quelques ultimes batailles et écrasantes victoires de la « Grande Armée » à Schleiz le 9 octobre 1806, à Iéna et Auerstaedt le 14 octobre 1806, Napoléon entra dans Berlin le 27 octobre 1806.

Le roi Frédéric-Guillaume III et la reine Louise s’étaient enfuis de la ville, pour rejoindre Königsberg, sur les bords de la Mer Baltique, protégée par les Russes. Frédéric-Guillaume III a refusé de signer l’armistice, proposé par Napoléon, malgré les défaites de toutes les armées prussiennes.

Le 28 octobre 1806, l’armée du général Lannes, aidée de la cavalerie de Murat, capturèrent les troupes du prince Hohenlohe, à Prenzlau. Fin octobre 1806, toutes les armées prussiennes avaient été écrasées, laissant plusieurs dizaines de milliers de tués et plus de 150 000 prisonniers. À ce moment-là, l’armée russe, envoyée en renfort aux prussiens et composée de 60 000 hommes, se trouvait encore sur le territoire de la Pologne.

Comme l’Autriche, la Russie avait fortement irrité Napoléon, lequel avait été pourtant magnanime avec le tsar Alexandre 1er, déjà vaincu lors de la troisième coalition, en décembre 1805.

Informé des cuisantes défaites des armées prussiennes à Iéna et Auerstedt, le maréchal Benningsen, commandant les armées russes, envoyées en renfort aux prussiens, décide de rester sur le territoire polonais, derrière le grand fleuve, la Vistule. Il va faire fortifier ses différentes positions de Varsovie à Königsberg, en attendant le reste des armées russes, en provenance de la région du Niémen.

Napoléon, de novembre à fin décembre 1806, déploie ses armées sur trois axes. Un corps d’armée fera le siège de Dantzig, alors que le gros des forces franchira la Vistule à trois endroits, Thorn, Plock et Varsovie, l’ancienne capitale du royaume de Pologne. D’autre part, Napoléon a confié la prise de Breslau à son frère Jérôme, à la tête d’un corps d’armée.

Murat entrera, le 26 novembre 1806, dans Varsovie, évacuée par les armées russes, commandées par Benningsen. L’ensemble des corps d’armées français traversera la Vistule, début décembre 1806. Fin décembre 1806, les armées françaises ont vaincu les principales positions fortifiées russes, derrière la Vistule et Varsovie. Avec l’arrivée de l’hiver, les armées de Napoléon sont sur le chemin, en direction des dernières places fortes russes, avant Königsberg.

Napoléon attendra le printemps 1807 pour lancer ses offensives sur les armées russes en territoire polonais. Chaque armée aura pris « ses quartiers d’hiver » en attendant les beaux jours. Enfin, façon de parler, car en Pologne, en 1807, les routes restent longtemps impraticables. La pluie fréquente et la neige transforment les chemins en marécages très boueux. Les soldats s’enfoncent dans la boue, jusqu’à mi-cuisse. Le déplacement des canons et de la cavalerie, fortement ralenti par la boue, oblige Napoléon à une adaptation permanente, de chaque offensive, face aux armées russes, solidement barricadées.

Pourtant, ce sont les Russes qui prendront l’initiative en attaquant, dès le 18 janvier 1807, l’aile gauche des armées de Napoléon, dans l’espoir de libérer Dantzig, assiégée par le corps d’armée du général Lefebvre. Ce mouvement des armées russes contraint Napoléon à engager le gros de ses forces, sur les dernières places fortifiées d’Eylau et Heilsberg. Pendant ce temps, Dantzig est tombée aux mains des Français.

Le résultat de la bataille de Eylau reste indécis jusqu’au printemps 1807. Le 26 mai 1807, la « Grande armée » s’avance sur Königsberg et affronte les armées russes, qui subiront, le 14 juin 1807, une cuisante défaite à Friedland, dernier poste fortifié russe, avant Königsberg.

Le reste des armées russes se replie sur les bords du Niémen, en territoire russe. Le résultat sera transformé par l’armistice pour la Suède, membre de la quatrième coalition, signé le 18 avril 1807 et les traités de Tilsit avec la Russie, signé le 7 juillet 1807, et avec la Prusse signé le 9 juillet 1807.

La Suède perdra la Poméranie suédoise. Les territoires de la Prusse seront démembrés. Napoléon va créer le duché de Varsovie, attribué au roi de Saxe, en retirant de la Prusse les territoires de la Posnanie et de la Mazovie. Dantzig devient une République indépendante.

Les territoires de l’Altmark, Magdebourg, Halberstadt, Hildesheim, Wernigerode, Eischsfeld, Erfurt, Minden, Ravensberg et Paderborn sont intégrés au nouveau royaume de Westphalie, créé pour la circonstance. Celui-ci sera attribué à Jérôme Bonaparte qui avait épousé Catherine de Wurtemberg.

La Prusse perdra aussi le territoire de la Frise orientale qui sera intégré au royaume de Hollande. Elle perdra aussi, Clèves, la Marck, Münster et Lingen qui seront intégrés au Grand-duché de Berg.

Dans le traité secret de Tilsit, signé le 7 juillet 1807, avec le tsar Alexandre 1er, celui-ci s’engage à interdire l’accès aux navires anglais dans tous les ports russes.

Les Polonais fourniront une conscription de 40 000 hommes, qui renforceront la « Grande armée ».

Encore une fois, les Anglais restèrent seuls, dans cette quatrième coalition anti-France. Il faut dire aussi que ce n’était pas compliqué pour eux, puisqu’ils n’alignaient aucune troupe sur le continent et ce, depuis le début des coalitions. Les rares victoires des Anglais, depuis le début des hostilités en 1795, étaient sur les océans, là où la France avait très peu de navires de guerre.

Napoléon va, après cet épisode, essayer d’imposer un blocus des navires anglais, dans tous les ports, de la France à la Russie. L’objectif qu’il s’était fixé avec cette démarche était d’asphyxier l’économie du Royaume-Uni, pour le faire plier et signer un traité de paix.

 

2.1.3 Cinquième coalition ou Campagne d’Autriche

Vainqueur sur les armées prussiennes puis russes en 1807, Napoléon s’est rapproché de la famille royale espagnole, alors malmenée dans son pays, par quelques « révolutionnaires » locaux. Ces derniers, influencés par la Révolution française de 1789, souhaitaient aussi se débarrasser de leur monarchie, pourtant en place depuis plusieurs siècles.

L’Espagne est dirigée en 1807 par Charles IV, roi de la Maison de Bourbon, qui règne sur l’Espagne depuis un siècle. Sans entrer plus en détail sur l’histoire propre à l’Espagne, ce pays, comme la France, le Royaume-Uni et le Saint-Empire, a connu de nombreuses guerres de religion et de territoires mais aussi de succession, y compris au XVIIIe siècle.

Souvenez-vous de Charles Quint, roi d’Espagne et Empereur du Saint-Empire de la Maison de Habsbourg, face au roi de France, François 1er. À cette époque, la France était cernée par « les Habsbourg » avec au sud, l’Espagne, au nord, les « Pays-Bas espagnols » (au 21e siècle, la Belgique et le Luxembourg) et à l’Est, tous les territoires dépendants du Saint-Empire.

En 1800, l’Espagne détenait aussi de nombreux territoires à l’extérieur du pays (les îles Saint-Domingue, Cuba, Porto Rico, la Louisiane, la Floride, le Mexique, la Californie).

Le blocus des navires anglais n’était pas respecté par le Portugal. Napoléon n’ayant plus sa flotte de guerre, pour intervenir et forcer les Portugais à respecter le blocus, sera obligé de traverser l’Espagne avec ses armées. Un traité avec l’Espagne, signé à Fontainebleau le 27 octobre 1807, prévoit le partage du Portugal entre la France et l’Espagne.

Junot, à la tête d’un contingent français de 20 000 hommes, assisté de troupes espagnoles, traverse la frontière portugaise, en novembre 1807. Il entre dans Lisbonne, d’où la famille royale portugaise a fui vers le Brésil. Sous prétexte d’assister Junot et de renforcer le pouvoir du roi Charles IV, malmené par son peuple et surtout son fils, le futur Ferdinand VII, Murat, à la tête d’une armée française, pénètre à son tour en Espagne et prend ses quartiers, à Madrid, en mars 1808.

Napoléon, face à ce conflit entre le père, le roi Charles IV et le fils, le futur roi Ferdinand VII, va se débarrasser d’eux, lors d’un traité de cession à l’empereur des droits au trône d’Espagne, signé à Bayonne le 5 mai 1808. Napoléon attribua le trône d’Espagne à son frère Joseph le 4 juin 1808. Joseph Bonaparte, qui était roi de Naples, va devoir céder ce trône à Murat, l’époux de Caroline, la sœur de Napoléon.

Joseph Bonaparte n’est pas encore installé à Madrid, qu’une grande partie du peuple espagnol se soulève contre les Français. Attisé par le clergé espagnol et financé par les Anglais, partout dans le pays, c’est la guerre civile qui vient de se déclarer.

Les troupes espagnoles, qui accompagnaient Junot, au Portugal, se retournent contre les troupes françaises. Junot, au Portugal, se retrouve alors dans une situation délicate, avec des forces inférieures en nombre aux révoltés portugais et espagnols auxquels vont s’ajouter les armées anglaises du général Wellesley.

Le 22 juillet 1808, le général Dupont de l’Étang, à la tête de 17 000 soldats français, encerclés à Baylen en Andalousie, par des armées espagnoles, supérieures en nombre, sera contraint de capituler après trois jours de combat. De nombreux prisonniers français seront envoyés sur l’île de Cadix ou aux Baléares. Cette défaite française va renforcer la motivation des révoltés portugais et espagnols.

Le 1er août 1808, c’est le moment que choisit le général Wellesley, futur duc de Wellington, à la tête d’un corps expéditionnaire anglais de 15 000 hommes, pour débarquer au Portugal, afin d’aider les Portugais et Espagnols insoumis, face aux Français.

C’est dans la baie de Lavos, lieu du débarquement choisi par les Anglais, que le Royaume-Uni enregistrera ses premiers morts sur le continent. Ces victimes sont mortes noyées au cours du chavirage, de quelques barges de débarquement. Les Anglais recevront un renfort supplémentaire, quelques jours plus tard, de 4 000 hommes.

Ce corps expéditionnaire anglais, renforcé des troupes portugaises et espagnoles, va se diriger vers Lisbonne, où l’attend Junot. Sur sa route, il sera contraint, le 17 août 1808, de mener bataille à Roliça, contre les 4 000 soldats français du général Delaborde, envoyés par Junot, pour ralentir les Anglais. Ce que Delaborde réussit en dépit de sa retraite en finale face à des forces quatre fois plus importantes.

Napoléon, informé de la situation au Portugal et en Espagne, souhaite rencontrer le tsar Alexandre 1er, avant de s’impliquer personnellement en Espagne. Il sait que les Anglais continuent les intrigues de guerre contre la France, en finançant et en « influençant » les Autrichiens et les Russes, à s’impliquer à nouveau dans cette cinquième coalition.

Napoléon aura commis l’erreur de se faire accompagner par Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, pour son entrevue avec le tsar Alexandre 1er. Talleyrand, qui n’est plus ministre, va trahir une nouvelle fois Napoléon. Il va secrètement rencontrer Alexandre 1er, et lui déconseiller de soutenir Napoléon. Il va même jusqu’à conseiller le tsar de se rapprocher de l’Autriche. Napoléon ne connaîtra cette trahison que quelques mois plus tard.

Napoléon, à la tête de sa « Grande Armée » interviendra en Espagne en décembre 1808. Il s’empara de Burgos et Somosierra et obtient la capitulation de Madrid, le 4 décembre 1808, et rappelle son frère Joseph, pour occuper le trône d’Espagne. Les Français feront le siège de Saragosse, la capitale de l’Aragon, pendant deux mois. A l’issue de cette bataille, la ville capitula mais au prix de 50 000 tués, dans chaque camp.

Les guerres en Espagne vont continuer jusqu’en 1813 et la France perdra inutilement jusqu’à 400 000 hommes, dont beaucoup étaient très expérimentés. Napoléon sera obligé, pour les campagnes suivantes, de se reposer sur de nouveaux contingents inexpérimentés et provenant d’autres pays « alliés ». La « Grande Armée » des débuts a fondu dans les guérillas espagnoles ou portugaises, assistées par les Anglais.

Napoléon, dans cette campagne d’Espagne et du Portugal, a commis trois erreurs importantes, qui vont avoir des conséquences sur les années suivantes. La première est d’avoir choisi de sanctionner le Portugal, pour son trafic maritime avec les Anglais, pourtant minime à l’échelle de l’Europe.

En effet, ce trafic maritime ne justifiait nullement l’immobilisation sur plusieurs années de plusieurs armées françaises, soit près de 500 000 hommes, sur les territoires espagnols et portugais. Plus de 400 000 d’entre eux seront tués ou prisonniers. Ces armées auraient été bien plus utiles sur le front Est de l’Europe.

La seconde erreur a été de s’initier dans le conflit, à la tête du royaume d’Espagne, entre le père Charles IV et son fils Ferdinand VII. De plus, imposer son choix de supplanter l’un et l’autre, par son frère Joseph, ne pouvait qu’attiser un profond mépris par le peuple espagnol. Enfin, la troisième erreur, liée à la seconde, est d’avoir fait fi des réactions potentielles du clergé espagnol, face à cette invasion française.

En effet, si en France, la Révolution et la République avaient supprimé tous les pouvoirs du clergé français, en Espagne et même au Portugal, ce n’était pas le cas. D’autre part, la Révolution française avait obligé de très nombreux ecclésiastiques français à émigrer depuis 1789 vers les pays voisins, y compris en Espagne. Donc il y avait un risque, évident de révolte, face aux Français, en Espagne et au Portugal.

Napoléon rentre à Paris en janvier 1809, car se prépare une nouvelle campagne, face à l’Autriche, alliée à nouveau des Anglais. Mais hélas aussi à Paris, sa présence est devenue urgemment nécessaire, car Talleyrand, encore lui, a échafaudé un complot, en vue de prendre le pouvoir en France, sur la base de fausses rumeurs, relatives au décès « probable » de Napoléon en Espagne.

Le 8 avril 1809, l’armée autrichienne pénètre en territoire Saxe, en Bavière et dans le Grand-duché de Varsovie. Ces royaumes sont alliés de la France. Les Autrichiens investissent le Tyrol, ancienne province des Habsbourg, annexée par les Bavarois en 1805. Dans ce pays de montagne, une insurrection populaire se déclenche contre les Franco-Bavarois. À la tête de cette insurrection, un certain Andreas Hofer se déclare régent du Tyrol, au nom de l’empereur d’Autriche.

Arrivé à Paris début avril 1809, Napoléon prend la direction des opérations. Le maréchal Davout, à la tête d’une armée de 35 000 hommes, a été envoyé à la rencontre des Autrichiens, en Bavière. Napoléon le rejoindra le 22 avril 1809, avec 70 000 hommes supplémentaires. Là, à Eckmühl, il vaincra l’archiduc Charles, le frère de l’empereur d’Autriche, François 1er, et son armée de 80 000 hommes. À cette bataille, les Autrichiens sont défaits, mais non anéantis, ce qui n’enchante guère Napoléon.

Arrivé à nouveau à Vienne en Autriche le 13 mai 1809, après deux jours de bombardement intensif, Napoléon entra dans la ville. L’empereur d’Autriche, avec ses armées, avait évacué la ville, pour se retrancher un peu plus loin, entre les villages d’Essling et d’Aspern. Là, la bataille des Français contre les Autrichiens fit plus de 10 000 morts et laissa encore un résultat indécis.

Masséna, au cours de cette bataille, sauva la situation française dans une position délicate et le général Lannes, touché par un boulet de canon, perdit la vie. La rencontre décisive eut lieu à Wagram les 5 et 6 juillet 1809. Les armées autrichiennes de l’archiduc sont vaincues. Elles ont perdu plus de 50 000 hommes sur les 150 000 engagés et les Français 34 000.

Ces dernières victoires laissent pour Napoléon un goût amer. Le temps des victoires rapides a laissé place aux victoires avec hécatombes. Ce résultat est la conséquence, entre autres, de la constitution hétéroclite de ses nouvelles armées. Différentes langues sont utilisées, une absence d’expérience des conflits, un manque de motivation et d’imagination, font de ces hommes une armée nettement moins performante. On est loin de la première « Grande Armée » de 1805.

Après avoir signé l’armistice le 12 juillet 1809, les Autrichiens concluent la paix à Vienne, le 14 octobre 1809. Napoléon, bien que vainqueur, conscient de l’évolution incertaine de ses armées, va appliquer des conditions très dures à l’Autriche, dans l’espoir de ne plus être obligé de lui faire la guerre à nouveau. Comme à son habitude, Talleyrand critiquera les conditions imposées par Napoléon. Ce dernier va disloquer un peu plus ce qui reste de l’empire d’Autriche.

Le territoire de la Pologne autrichienne sera partagé entre le Grand-duché de Varsovie et la Russie, qui a respecté le traité secret de Tilsit, négocié avec Napoléon le 7 juillet 1807. Trieste, le Frioul, la Croatie et la Carniole seront intégrés à l’empire de Napoléon. La Bavière récupèrera Salzbourg et conservera le Tyrol. Andreas Hofer sera fusillé par les Français, en février 1810.

C’est pourtant à Talleyrand, le traître, que Napoléon confie la responsabilité d’organiser son divorce, avec Joséphine, qui ne pouvait avoir d’enfant. Or, Napoléon, pour assurer la pérennité de son empire, devait avoir un fils, conformément à la Constitution de l’An XII. Organiser le divorce voulait aussi dire préparer un remariage.

À cette époque, Napoléon souhaitait se rapprocher de l’ancienne aristocratie européenne, pour essayer d’obtenir une certaine « légitimité aristocratique » par les représentants des différentes cours européennes.

C’est pourquoi, il avait été envisagé en 1809 de se porter sur deux choix potentiels. Le premier était la grande-duchesse Anna Pavlovna, de la Maison Romanov, âgée de 14 ans seulement et sœur du tsar de Russie, Alexandre 1er. Le second choix concernait l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche, de la Maison Habsbourg-Lorraine, âgée de 18 ans et fille aînée de l’empereur d’Autriche, François 1er.

Pour Anna Pavlovna, trois obstacles se présentaient. La famille, plus particulièrement l’impératrice douairière et mère d’Anna, était hostile à ce mariage. D’autre part, en plus de son très jeune âge, qui n’était pas en sa faveur, pour espérer avoir rapidement un héritier, Anna était de religion orthodoxe.

En 1809, toute la noblesse européenne parle couramment le français. Dans les relations internationales de Talleyrand, un personnage haut en couleur, va marquer la suite des événements de l’Empire français. Comme Talleyrand, ce personnage est issu de la haute noblesse, mais du Saint-Empire, dissout depuis, en 1806.

Ce personnage est le chancelier d’Autriche, Klemens Wenzel von Metternich, ex-amant de la duchesse d’Abrantès, épouse du général Junot, mais aussi de Caroline Bonaparte, la sœur de Napoléon. Metternich, qui a fait ses études à l’université de Strasbourg, est comme Talleyrand, très attaché à l’Ancien Régime, qu’il essayera de maintenir en Europe, face à la Révolution française.

C’est lui qui sera chargé par l’empereur d’Autriche de signer l’humiliant traité de paix de Schönbrunn, le 14 octobre 1809, suite à la défaite des armées autrichiennes à Wagram. Metternich et Talleyrand conseilleront Napoléon pour son second mariage, afin que celui-ci se décide pour l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche de la Maison Habsbourg-Lorraine.

 

2.1.4 Sixième coalition et Campagne de Russie

En 1810, la Russie rompt l’accord secret de Tilsit, signé le 7 juillet 1807, n’ayant plus d’intérêt à poursuivre l’alliance avec la France. À partir de 1811, la Russie, inquiète du blocus continental, qui a des conséquences désastreuses sur son économie et d’autre part de l’élection de Bernadotte à la tête de la Suède, va négocier avec l’Autriche et la Prusse.

Ces deux pays sont aussi en négociation avec la France. En décembre 1811, Napoléon propose à l’Autriche et à la Prusse de s’allier contre la Russie. Ceux-ci acceptent la proposition de Napoléon.

En février 1812, la « Grande Armée » se met en route vers l’Est. La Prusse fournira 20 000 soldats et l’Autriche signe un traité d’alliance. Arrivée en mai 1812, à la frontière russe, la « Grande Armée » composée de 700 000 hommes, dont moins de 300 000 Français, sera sous le commandement unique de Napoléon.

Le 21 juin 1812, Napoléon déclare la guerre à la Russie. Le 24 juin 1812, la « Grande Armée » traverse le Niémen. Le 28 juin 1812, cette armée s’empare de Vilnius, puis s’enfonce dans le pays, sans rencontrer d’opposition de la part des armées russes.

Le tsar Alexandre 1er a choisi une stratégie défensive, en pratiquant la tactique de la « terre brûlée » et de tout détruire, avant le passage des armées françaises. Le 18 août 1812, la « Grande Armée » entre dans Smolensk, incendiée par ses habitants. C’est contre l’avis de ses maréchaux que Napoléon décide de poursuivre sa marche vers Moscou. Dans ces immenses régions de l’Est de l’Europe, à cette époque, les routes et chemins n’existaient quasiment pas.

Aussi, à partir du 1er septembre 1812, les pluies nombreuses et torrentielles succèdent aux chaleurs de l’été. Les terres remplies de boue ou de marécages deviennent des obstacles naturels, pour la cavalerie et les canons, mais aussi pour l’infanterie. De plus, les distances importantes séparant les villes augmentaient sensiblement les contraintes de déplacement. Entre le Niémen et Moscou, il y a 2. 000 km à parcourir, dans des conditions extrêmement difficiles.

Le 7 septembre 1812, Koutouzov, le général en chef de l’armée du tsar Alexandre 1er, âgé de 67 ans, décide d’affronter les Français à la bataille de la Moskova ou de Borodino (125 km à l’Ouest de Moscou). Les Russes perdront plus de 50 000 hommes contre 25 000 pour la « Grande Armée ». L’armée russe se retire au-delà de Moscou, laissant libre la route pour la « Grande Armée ».

Le 14 septembre 1812, elle arrive à Moscou, vidée de ses habitants. Le lendemain, toute la ville n’est qu’un immense brasier. Les Russes ont allumé cet incendie, pour ne laisser aucun ravitaillement possible, pour la « Grande Armée ».

L’automne laisse place à l’hiver qui s’installe rapidement sur la Russie, avec toutes les conséquences néfastes pour les armées de Napoléon, mal équipées et mal nourries. Le tsar Alexandre 1er ne répond pas aux offres de négociation de l’empereur. Aussi, alors que la situation est déjà trop tard, Napoléon ordonne finalement la retraite, le 19 octobre 1812.

Mais, il faut revenir plus de 2 000 km en sens inverse, dans des conditions qui se sont encore fortement dégradées. Le 9 novembre 1812, la « Grande Armée » arrive à Smolensk et dix jours plus tard, elle atteint le Dniepr. Dans la neige et sous un vent violent et glacial, par des températures de -36 ° C, c’est l’hécatombe.

De plus, les soldats de la « Grande Armée » continuellement sous le harcèlement des cosaques, sont obligés de construire, dans des conditions inhumaines, des ponts de fortune, pour traverser les fleuves et rivières entièrement gelés.

Arrivé à Vilnius le 8 décembre 1812, ce qui reste de la « Grande Armée » pille la ville, pour se nourrir et s’habiller contre le froid, y abandonnant plus de 20 000 blessés. Ce sont moins de 30 000 hommes, sur les 700 000 du début de cette Campagne de Russie, qui réussissent à repasser le Niémen. La cavalerie sera entièrement détruite par le froid et l’hiver russe.

Malgré ce désastre et cette tragédie humaine, la guerre n’est pas terminée. Napoléon arrive à Paris, au château des Tuileries, le 18 décembre 1812. Il sollicite la médiation de l’Autriche et parvient avec une rapidité étonnante à mobiliser 350 000 jeunes conscrits. Ceux-ci, malheureusement, n’auront pas le temps de se préparer aux futures batailles.

Toujours dans les « coulisses » le Royaume-Uni, conspire encore contre la France. Les Anglais, au fait de la situation de la « Grande Armée » après la Campagne de Russie, veulent en profiter et sollicitent la construction d’une nouvelle coalition anti-France. Les premiers à rejoindre des Anglais sont les Russes. Ils réussissent aussi à convaincre la Suède, dirigée depuis 1810 par Bernadotte, à rejoindre, le 1er mars 1813, cette sixième coalition.

La Prusse, qui avait secrètement reconstitué son armée, s’empressa de rejoindre les Russes, face à Napoléon. Le désastre de la « Grande Armée » fut connu dans toute l’Europe et de nombreux pays, ou territoires occupés, par les troupes françaises, virent là une opportunité de retrouver leur indépendance ou leur liberté.

Napoléon, qui fit mobiliser 250 000 autres nouveaux conscrits, rejoignit Erfurt avec une partie des 350 000 conscrits de décembre 1812. C’est à Erfurt que s’étaient regroupés les restes de la « Grande Armée » de la Campagne de Russie. Malheureusement pour Napoléon, aucun des derniers 250 000 conscrits ne le rejoindra, soit par insoumission, soit par désertion.

En mai 1813, Napoléon battit les Prussiens et les Russes à Lützen et à Bautzen. Là, il accepta un armistice de sept semaines, demandé par les Russes et les Prussiens. Ce qui permit à ces derniers de reconstituer leurs forces, mais aussi, à l‘Autriche et à la Suède, de rejoindre la coalition anti-France. Les coalisés mirent en place trois armées, une sous la direction du Prussien Blücher, une autre sous la direction de l’Autrichien Schwarzenberg et la troisième sous la direction du nouveau « Suédois » Bernadotte.

Après une courte victoire de Napoléon, à Dresde le 27 août 1813, la rencontre décisive a lieu à Leipzig, du 16 au 19 octobre 1813. Cette bataille appelée « bataille des Nations » dans laquelle l’armée de Napoléon, composée de 160 000 hommes (Français, Polonais, Italiens et quelques contingents allemands), affrontait les armées des coalisés, composées de 480 000 hommes (Russes, Prussiens, Autrichiens et Suédois).

Plusieurs contingents « allemands » firent volte-face et se retournèrent contre les Français. Malgré des pertes, nettement plus importantes du côté des coalisés (60 000 morts contre 38 000 dans le camp français), Napoléon fut vaincu. Napoléon et le reste de son armée repassèrent le Rhin pour la défense de la France, face aux coalisés.

La catastrophe aurait pu s’arrêter là, car une proposition de paix, de la part des coalisés et présentée par Metternich, prévoyait pour la France de conserver son territoire, en plus de la rive gauche du Rhin. Napoléon, trop confiant en sa bonne étoile, refusa cette proposition de paix.

En janvier 1814, l’armée de Blücher (Russes et Prussiens) avait franchi le Rhin, à Coblence. Bernadotte et son armée avaient libéré la Hollande. Schwarzenberg et son armée étaient entrés dans Montbéliard. Haguenau puis Dijon tombèrent. Devant l’entêtement de Napoléon, les coalisés s’engagèrent le 1er mars 1814 à ne signer aucune paix séparée, durant vingt ans.

Napoléon négocia pour revenir aux frontières de l’ancienne France, augmentée de Nice, de la Savoie, avec en plus que la couronne de l’Italie soit attribuée à Eugène, son beau-fils. Les coalisés, pour bien faire remarquer que Napoléon était seul responsable de la situation, refusèrent cette demande.

 

2.2 À l’intérieur du pays

Napoléon, comme Charlemagne, se veut être un bâtisseur et pour cela, il a besoin que la paix règne en Europe et en France. Sans elle, comme Charlemagne, il sera obligé de l’imposer aux peuples, par la force si nécessaire. C’est pour leur bien. Comme Charlemagne, la vie lui a démontré qu’il avait souvent raison dans ses choix, ses décisions, ses convictions. Aussi, il supporta, de moins en moins, qu’on les refuse, qu’on les contredise, voire qu’on lui désobéisse.

N’a-t-il pas, en 1806, fait imprimer « Honorer et servir l’Empereur est honorer et servir Dieu lui-même » ? Désobéir à l’Empereur est un péché mortel. On lui doit  « amour, obéissance, fidélité, le service militaire, les tributs ordonnés pour la conservation et la défense de l’Empire et de son trône ». Depuis son aventure en Corse, avec les indépendantistes dirigés par Pascal Paoli, en 1793, Bonaparte se « sentait investi » d’une mission.

Vous avez sans doute entendu l’expression suivante sur les chats : « Les chats ont sept vies ». On constate parfois, en effet, qu’un chat qui tombe, par mégarde, du deuxième étage d’un immeuble, arrive au sol sans dommage et sans se blesser.

Pour ma part, en replongeant sur la vie intense et extraordinaire du jeune Bonaparte, devenu officier du roi à seize ans, puis général à vingt-deux ans et Premier Consul à trente ans, avant d’être empereur à trente-cinq ans, conquérant de toute l’Europe, je pourrais affirmer que lui aussi, avait sept vies.

D’ailleurs, n’est-ce pas, sept coalitions anti-France qu’il a affrontées, en étant très souvent vainqueur ? Napoléon avait une capacité de travail extraordinaire. Il dormait peu et travaillait intensément, à la construction de l’Europe, mais aussi pour le bien-être des peuples et de l’organisation administrative de la France.

Son acharnement au travail tenait au fait qu’il souhaitait transformer la France et l’Europe le plus rapidement possible, en mettant en place une organisation administrative, hiérarchisée mais centralisée. Il s’impliqua à respecter cette forme d’organisation, dans tous les domaines de la société. Ce fut le cas, pour les finances du pays, la justice, la police, l’instruction du secondaire et les universités.

Contrairement aux années de la Révolution, le pouvoir personnel et dictatorial de Napoléon sera longtemps très populaire en France. Grâce à ces transformations de la société, Napoléon mettra en place un système efficace pour récompenser ses fidèles et les plus innovants. Il créera une nouvelle « noblesse d’empire » dès 1808. Les notables soutiendront ses efforts et l’industrie retrouvera vite une embellie.

Certains historiens du 21e siècle trouveront dans les actions de Napoléon un excès de centralisme et une absence de corps intermédiaire. C’est oublier deux choses fondamentales, la première, c’est le contexte dans lequel Bonaparte, futur Napoléon, a commencé sa fulgurante ascension vers le pouvoir ultime.

Bien que jeune officier du roi, devenu général par ses compétences dans l’usage de l’artillerie sur le champ de bataille, il avait pourtant très vite cerné et confirmé, lors du coup d’État du 18 Brumaire, qu’il ne pouvait envisager, en aucune manière, de se reposer sur quelques « politiciens » ou généraux de 1789.

Ceux-ci avaient démontré leur incompétence, leur cupidité et souvent leur corruption, durant les dix années de la première Révolution. Il sera d’ailleurs, plusieurs fois trahi par certains ministres ou généraux.

La seconde, c’est la rapidité du travail accompli, certes au prix d’efforts intenses et continus par lui-même, dans un temps extrêmement restreint, pour le volume de transformations réalisées et dans de nombreux domaines.

Aucun roi, empereur ou gouvernement avant lui (ni même après), n’avait réalisé autant, pour la France, en si peu de temps.

Napoléon fut à l’origine de nouveaux codes régissant les grands axes de la vie. Il fera mettre en place le Code de procédure civile en 1806, le Code de Commerce en 1807, le Code d’instruction criminelle en 1808, le Code pénal en 1810. Ces codes de la vie sociale sont encore utilisés en France, au 21e siècle, et personne n’envisage de les supprimer.

On notera aussi que, Bonaparte puis Napoléon n’oublieront pas les compagnons d’arme blessés ou malades. Il va réactiver et financer l’hôtel impérial des Invalides (dont la construction avait commencé sous Louis XIV) qui accueillait en permanence plus de trois mille pensionnaires. Il n’oubliera pas non plus les fonctionnaires des différents ministères, pour lesquels il fera mettre en place les premières « caisses de retraite«  par répartition avec une retenue de 3 % sur les salaires.

Cette implication quasi permanente, à essayer de bâtir le fonctionnement de la société du 19ème siècle, eut des conséquences sur ses relations « amoureuses » avec sa première épouse, Joséphine, mais aussi ses nombreuses maîtresses. En amour, pour Napoléon, c’est comme à la guerre, toujours « au pas de charge » et pas de perte de temps « inutile ».

En 1804, Joséphine a quarante et un ans. Leur relation sentimentale ressemblait plutôt à une bonne camaraderie. Il la savait infidèle et légère. Lui, ne cachait plus ses relations extraconjugales.

Il faut dire que sa sœur Caroline et même sa mère Letizia, qui n’aimaient guère Joséphine, avaient organisé la présence permanente d’une compagnie féminine, toujours à disposition à Paris, pour satisfaire l’empereur. En voyage avec Napoléon, Joséphine elle-même s’entourait de charmantes jeunes dames, pour le « repos du guerrier ».

Le mariage de Napoléon avec Joséphine fut dissous le 15 décembre 1809. L’empereur Napoléon 1er, à quarante ans, épousera le 1er avril 1810, l’archiduchesse Marie-Louise d’Autriche de la Maison Habsbourg-Lorraine, âgée de dix-huit ans et fille de François 1er, empereur d’Autriche. Le mariage civil eut lieu au château de Saint-Cloud et le mariage religieux a lieu, le 2 avril 1810, dans le Salon carré du Louvre, transformé pour l’occasion, en chapelle.

En 1810, la France subit une crise économique importante, qui commence à créer des failles dans son commerce interne. Le blocus des navires anglais a aussi des répercussions dans les différents pays de l’Europe. La France n’échappa pas à ces conséquences. Des faillites se succèdent et le chômage refait surface dans la société. L’occupation de l’Espagne et du Portugal engendre des difficultés économiques et sociales. De nombreux réfractaires et déserteurs hantent les campagnes françaises. Les ministres comme Talleyrand, encore lui, ou Fouché, intriguent contre Napoléon.

Le 20 mars 1811, l’impératrice Marie-Louise donne un héritier à Napoléon. Napoléon François Joseph Charles Bonaparte, dit Napoléon II, est né à Paris au palais des Tuileries. Prince impérial, il sera titré roi de Rome à sa naissance.

En 1811, la France de Napoléon 1er compte 130 départements. En plus des 93 départements français, il y a ceux ajoutés au fil des dernières campagnes de Napoléon. On y trouve ceux constitués par (noms au 21ème siècle) la Belgique, la Hollande, Hambourg, les villes de Hanse, Luxembourg, la rive gauche du Rhin, Genève, le Piémont, Gênes, la Toscane et Rome. À ceux-ci, il faut ajouter quatre départements catalans. L’Empire de Napoléon était plus grand que celui de Charlemagne.

Napoléon est aussi protecteur des territoires et royaumes de la Confédération du Rhin et médiateur de la Confédération helvétique. Il est aussi roi d’Italie, et ses vassaux sont tous de sa famille. Son frère Joseph est roi d’Espagne, Jérôme est roi de Westphalie et son beau-frère Joachim Murat est roi de Naples et grand-duc de Berg.

En 1810, le Parlement de la Suède élit le maréchal d’empire Jean-Baptiste Bernadotte comme héritier du roi Charles XIII, très âgé, malade et sans enfant. Bernadotte, concurrent de Bonaparte au moment du coup d’État du 18 Brumaire, avait participé aux différentes campagnes de Napoléon. Il s’était attiré les critiques de Napoléon pour son mauvais comportement, au cours des batailles d’Auerstaedt et de Wagram. Bernadotte trahira Napoléon et la France en participant à la sixième coalition anti-France, en tant que responsable des troupes suédoises.

En 1810, la famille impériale se fissure elle aussi. Louis, roi de Hollande et frère cadet de Napoléon, abdique en protestant contre le blocus des navires anglais, imposé par Napoléon. Ce blocus a eu des conséquences néfastes pour le commerce hollandais, entraînant de nombreuses révoltes. D’autre part, son autre frère puiné Lucien, souvent en mésentente avec Napoléon, s’est retiré par obligation à Rome, depuis 1804. Celui-ci quitte Rome pour les États-Unis, pour manifester son opposition à la décision de l’empereur d’annexer la ville. Lucien sera capturé en mer par les Anglais, il sera leur prisonnier jusqu’en 1814.

En octobre 1812, le général d’Empire Claude-François de Malet conspira en vue de réaliser un coup d’État à partir de Paris. Comme l’avait déjà réalisé Talleyrand, quelques années avant, de Malet utilisa une fausse information, relative au décès probable de Napoléon, pendant la Campagne de Russie. Il envisageait d’utiliser le Sénat, pour justifier ses actions et avec la collaboration, de nombreux déçus et jaloux de l’Empire. Les généraux et maréchaux, comme Moreau et Augereau, auraient soi-disant consenti à participer à cette opération.

Depuis le début de la Campagne d’Espagne, Napoléon a fait grossir les rangs des mécontents au sein des armées. Le complot en cours d’action fut éventé par le Colonel Pierre Doucet. Celui-ci avait une preuve écrite de la bonne santé de Napoléon. En effet, ce dernier avait écrit, à Henri-Jacques-Guillaume Clarke, son ministre de la Guerre, après le 7 octobre 1812, date supposée de la mort de l’empereur. Le Colonel Pierre Doucet fit arrêter les conspirateurs qui passeront devant le tribunal militaire le 28 octobre 1812. Treize d’entre eux, dont trois généraux, seront condamnés à mort.

 

 

3. Conséquences après la 6ème coalition

Napoléon et ses quelques derniers compagnons se retirèrent à Fontainebleau, alors que les armées des coalisés arrivaient aux portes de Paris. C’est l’instant que Talleyrand attendait, pour faire signer l’armistice et intervenir auprès du Sénat, pour faire publier la déchéance de l’empereur.

Avec le tsar Alexandre 1er et le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, Talleyrand négociera la constitution d’un gouvernement provisoire et le retour des Bourbons sur le trône de France.

Les traîtres « sortent du bois ». Talleyrand, que Bonaparte Premier Consul puis Napoléon 1er a continuellement soutenu, y compris financièrement, Ney qui viendra à Fontainebleau, pour lui soutirer l’abdication, et même Marmont, général en chef des armées parisiennes, qui sous l’influence de Talleyrand, s’empressera de signer l’armistice, avec les coalisés.

Napoléon, essayera un instant d’abdiquer, au profit de son fils Napoléon II, mais ceci ne sera pas pris en compte par le Sénat et il sera exilé sur l’île d’Elbe en Méditerranée, le 20 avril 1814. L’île d’Elbe est une petite île de 29 km de long et 18,5 km de large, située entre la Corse et l’Italie. Cette île, selon le traité de Fontainebleau, devient la propriété et résidence principale de Napoléon. Il y débarquera le 4 mai 1814.

Nommé roi de cette île, il sera épaulé à partir du 28 mai 1814, de 600 soldats de sa garde personnelle et quelques généraux, restés fidèles jusqu’à la fin (Drouot, Bertrand, Caulaincourt, Cambronne). N’ayant plus aucune confiance en Talleyrand, alors président du gouvernement provisoire, Napoléon exigera d’être transporté sur l’île d’Elbe par un navire anglais.

Son épouse Marie-Louise d’Autriche de la  Maison Habsbourg-Lorraine, accompagnée de son fils Napoléon II, rejoindra ses parents et la cour de l’empereur d’Autriche à Vienne. Napoléon II sera ultérieurement nommé Prince de Parme conformément au traité de Fontainebleau du 11 avril 1814, puis duc de Reichstadt, par son grand-père François 1er, l’empereur d’Autriche.

Napoléon II s’éteindra à Vienne, le 22 juillet 1832, à l’âge de 21 ans, suite à une infection de tuberculose « mal soignée » par ses médecins qui le traitaient pour « une infection au foie ».

Avoir l’héritier de l’empereur Napoléon à Vienne était très mal perçu à la cour impériale, surtout qu’il était le petit-fils naturel de François 1er, empereur d’Autriche. Il était évident qu’il représentait, pour les Autrichiens, un problème grandissant au fil des années.

Dans une de ses dernières lettres, adressées à Joséphine, avant de rejoindre l’île d’Elbe, Napoléon écrira : « Ils m’ont tous trahi, oui, tous« .

 

 

4. Vers la Restauration

Le 3 avril 1814, le Sénat proclama la déchéance de Napoléon 1er. Napoléon, qui aura essayé, le 4 avril 1814, d’abdiquer au profit de son fils Napoléon II, sera obligé d’abdiquer sans condition, le 6 avril 1814. Le Sénat appellera officiellement le comte de Provence « à devenir roi des Français » par le « vœu de la Nation ». Le 3 mai 1814, Louis XVIII arriva à Paris.

 

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Pour lire la suite, voir le chapitre « première Restauration » …