Le Consulat

1. Contexte de début

1.1 Nouvelle Constitution

La Constitution de l’An VIII est proclamée le 13 décembre 1799. Le texte de cette Constitution, préparée au préalable par Emmanuel-Joseph Sieyès, a été modifié, suivant les directives de Bonaparte. Cette Constitution met en place une organisation complexe de gouvernement. Quatre Assemblées sont créées, sous la tutelle du Premier Consul, qui assume seul le pouvoir exécutif. Les deux autres Consuls, Cambacérès et Lebrun, n’ont qu’un pouvoir consultatif.

Au départ, cette Constitution nomme Bonaparte Premier Consul, Cambacérès Second Consul et Lebrun, troisième Consul. Le Premier Consul et le second Consul sont nommés pour dix ans. Le troisième Consul est nommé pour cinq ans.

Comme les Constitutions précédentes, 1793 puis 1795, celle-ci a été plébiscitée par le suffrage, avec trois millions pour et 1 500 contre. Les résultats ont été publiés le 7 février 1800, soit six semaines après son application. Il faut dire que, quatre millions d’électeurs se sont abstenus et que les résultats ont été « un peu » falsifiés, par Lucien Bonaparte, ancien Président du Conseil des cinq-cents et nouveau ministre de l’Intérieur depuis le 25 décembre 1799.

Emmanuel-Joseph Sieyès ne sera pas totalement perdant dans cette opération, puisque Bonaparte le nommera Sénateur, puis président du Sénat, avec une rente très confortable. Il sera aussi ultérieurement nommé, Comte d’Empire, en mai 1808.

Les deux premières Assemblées sont le Sénat et le Conseil d’État. Le Sénat, composé de quatre-vingt membres, directement sélectionnés par le Premier Consul, contrôle la constitutionnalité des lois. Le Conseil d’État, dont les membres sont choisis par le Premier Consul, est chargé de rédiger les projets de lois et les règlements d’administration publique.

Les deux autres Assemblées sont le Tribunat, composé de cent membres, sélectionnés par le Sénat, à partir de la liste nationale des électeurs, et le Corps législatif, composé de trois cents membres, choisis par le Sénat, à partir de la liste nationale des électeurs. Le Tribunat, débat des lois, mais ne les vote pas. Le Corps législatif approuve ou non les lois, mais ne les débat pas.

Dans cette organisation, le véritable pouvoir législatif est entre les mains du Conseil d’État, dont les membres sont nommés par le Premier Consul. Cette organisation, qui donne un semblant de démocratie, est en fait une dictature intelligemment « travestie ». De plus, les ministres ? Eux aussi, ne dépendaient que du Premier Consul.

Tous les membres de ces Assemblées vont prendre leur affectation, le premier janvier 1800. Le 18e siècle s’est terminé par une Révolution. Le 19e siècle, commença par une dictature, qui sera suivie d’un empire.

Le Consulat sera, dans la première République, la seconde période d’une « dictature » après celle de la « Terreur » des Robespierristes. Cette République s’éteindra après douze ans d’existence, avec l’apparition du premier Empire en 1804.

 

1.2 Situation du pays

La situation en France était devenue insupportable. L’administration et les finances étaient totalement désorganisées. L’application, par les gouvernements précédents, de l’élection des responsables, à toutes les fonctions publiques, a conduit à la tyrannie d’une minorité violente et corrompue. Le budget de l’État n’était plus alimenté.

Partout, la misère progressait. L’inflation était vertigineuse. La monnaie-papier n’inspirait plus aucune confiance. Dans tout le pays, l’insécurité était totale. Les villes et villages, privés de police, de maréchaussée ou de gendarmerie, étaient sous l’emprise de brigands, qui œuvraient en toute impunité. Toute l’organisation administrative, judiciaire et pénale de la France était à reconstruire dans l’urgence.

Pour le nouveau Premier Consul, il était aussi urgent de clore la Révolution, qui, après dix ans, n’avait toujours pas réussi à « stabiliser » le pays. Les révoltes, tant aristocratiques que « jacobines » pourrissaient continuellement les différents gouvernements depuis 1789, sans trouver une issue satisfaisante pour tous.

D’autre part, les conflits avec l’Église entraînaient d’autres soucis permanents, avec le Pape. À l’extérieur du pays, les autres monarchies encore coalisées, sur la pression des Anglais, vont menacer les armées de la République, après avoir refusé toutes les offres de paix proposées par Bonaparte.

Le Premier Consul venait de changer de siècle. Pour marquer son profond désir de terminer la Révolution et commencer son nouveau pouvoir, il se coupera immédiatement ses longs cheveux. Ce qui va entraîner son nouveau surnom « petit tondu » au sein des armées, remplaçant le « petit caporal » communément utilisé par les grognards.

La tâche ne sera pas facile pour Bonaparte, qui comptait autant d’ennemis à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Son ascension au poste suprême du gouvernement de la République a engendré de très nombreuses jalousies, au sein des généraux français, comme des anciens députés royalistes et « jacobins ».

Après une période de six mois, au cours de laquelle, il va commencer à transformer l’organisation du pays et faire de nombreux gestes de conciliation envers les ecclésiastiques, les aristocrates et les « jacobins » il se lancera à la tête de son armée, dans la seconde Campagne d’Italie.

 

2. Les actions du Premier Consul

2.1 À l’extérieur du pays

Le Premier Consul organise dès le printemps 1800, une double offensive face aux armées des coalisés. La première, menée par le général Moreau à la tête de la plus importante force militaire française à cette époque, aura la tâche de vaincre les coalisés au Nord et à l’Est du Rhin.

Le Premier Consul Bonaparte prendra la tête d’une armée plus petite et mal équipée (environ 50 000 hommes) pour porter secours à Masséna, enfermé à Gênes avec son armée. L’objectif caché de cette armée est de faire diversion, car le gros des forces se trouve être en Allemagne, avec l’armée de Moreau.

Ceci ayant pour résultat la dispersion des forces austro-anglaises sur deux fronts, l’un en Allemagne et l’autre en Italie. Ce que nous appelons ici Allemagne, Belgique, Luxembourg et Italie (du Nord) sont encore, à cette date, des territoires dépendants du Saint-Empire, dont l’empereur était François II. Celui-ci vivait à Vienne en Autriche.

Avant d’aller plus loin sur les actions extérieures de Bonaparte et pour mieux comprendre les différents événements internationaux de l’époque, il me semble indispensable de donner ici une courte explication sur la situation géographique de l’Europe en 1800.

Ceci devrait permettre de mieux comprendre les incidences en Europe, causées par la Révolution française, mais surtout par Bonaparte, en tant que Premier Consul, puis en tant qu’empereur. La première utilité sera d’analyser les différentes batailles de 1795 à 1815 et les conséquences.

En 1800, en Europe, les grandes nations, les plus riches, les plus peuplées et les plus puissantes sur le plan militaire, se résument à six royaumes ou empires, en plus de la République française. La plus puissante, riche et peuplée est la France avec vingt-neuf millions d’habitants.

Elle est suivie du Saint Empire avec vingt-deux millions d’habitants, répartis sur une zone géographique plus importante que la France. Suivent ensuite, l’Espagne, le Royaume-Uni, la Russie et la Prusse avec chacun environ dix millions d’habitants.

Le Royaume de Prusse est né en 1740, avec Frédéric II, devenu roi de Prusse, après l’alliance avec Louis XV contre l’Autriche. Ce qui permit à Frédéric II d’annexer la Silesie et de s’imposer comme roi, vis-à-vis des « princes-électeurs » de Brandebourg. La Prusse occupait une zone géographique à l’Est de l’ancienne Allemagne de l’Est et incluant une partie importante de l’actuelle Pologne.

La zone géographique connue au 21e siècle, qui couvre la Belgique, le Luxembourg, une grande partie de l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et le Nord de l’Italie, dépendait du Saint-Empire.

Le Royaume-Uni représentait en 1800 une véritable puissance maritime, commerciale et militaire. Par contre, les Anglais étaient quasi inexistants en tant que force militaire sur le sol européen. Grâce à l’économie de ses colonies et ses liens familiaux avec la Prusse et la Russie, le Royaume-Uni poussera très longtemps ces pays à faire la guerre à la France.

Jaloux de la puissance et de l’influence de la France, les Anglais seront encore à l’origine de nombreux conflits, y compris lors de la Première, puis de la Seconde guerre mondiale. Il faut aussi dire que, les Anglais n’avaient toujours pas digéré l’aide militaire française décisive aux « insurgents » américains, pour les chasser des États-Unis en 1783.

En 1800, l’Espagne est devenue une alliée de la France. L’Espagne, dirigée par un roi descendant de la Maison de Bourbon, Charles IV, avait déclaré la guerre à la France révolutionnaire, après la décapitation de Louis XVI en 1793. Les Français sont vainqueurs et vont récupérer la partie orientale de l’île de Saint-Domingue et la Louisiane.

La Louisiane de l’époque représentait un immense territoire (1/3 des États-Unis du 21ème siècle) qui allait des Grands Lacs du Canada au golfe du Mexique. Avec l’arrivée de Bonaparte Premier Consul, la France va aider l’Espagne à envahir le Portugal et agrandir ses propriétés sur le duché de Parme.

En 1800, l’exploitation d’esclaves dans toutes les colonies françaises, anglaises, espagnoles, portugaises, brésiliennes, turques et américaines était courante depuis plus de deux siècles. Dans toutes les colonies de ces pays, l’utilisation d’esclaves était liée au commerce réalisé dans chaque colonie.

En général, chaque activité commerciale était le fait de familles, de clans ou de groupes de personnes, motivés par le gain financier principalement à leur profit. C’est pourquoi, la plus grande partie de ces personnes étaient des bourgeois ou des aventuriers, le plus souvent des opportunistes, en relations parfois avec quelques « fonctionnaires » corrompus.

En France, certains ports comme Nantes, La Rochelle ou Bordeaux assuraient un commerce très actif d’esclaves, en direction des différentes îles ou vers les États-Unis. La Révolution française n’a pas véritablement freiné ce commerce, même si certaines personnes l’ont dénoncé, après que des révoltes importantes ont eu lieu en 1791 à Saint-Domingue (Haïti), ou sur l’Île Maurice, devenue Île-de-France.

En 1794, la Convention Nationale décrète l’abolition de l’esclavage dans toutes les colonies françaises, mais ne réussit pas à faire respecter ce décret. Dans l’île de la Réunion, en 1796, les commissaires de la République sont pourchassés et renvoyés par les colons français.

Pour Bonaparte, d’une façon générale, le commerce maritime français, quelle que soit l’activité, était un point de faiblesse évident de la France, par rapport aux Anglais, aux Espagnols ou aux Hollandais. La France n’avait pas, dans les siècles précédents, fait les efforts nécessaires en développement dans une marine marchande et surtout dans une marine de guerre, pour rattraper ses concurrents.

Aussi, il est clair que Bonaparte, alors Premier Consul, avait déjà fort à faire en France et en Europe pour donner aux peuples concernés un peu de paix et d’espoir, après les dix années de misère sous la Révolution.

Comme l’Allemagne, l’Italie, connue sous ce nom au 21ème siècle, n’existait en tant que pays ou nation en 1800. Les régions du Nord de l’Italie (le Royaume de Lombardie et de Vénétie) étaient dépendantes du Saint-Empire. Toujours dans le nord de l’Italie, se trouvaient des territoires, alliés au Saint-Empire comme le Royaume de Sardaigne (Savoie, Piémont), les duchés de Parme, de Modène et de Toscane. Le reste de l’Italie, était principalement composé, des États Pontificaux, du Royaume de Naples et du Royaume des Deux-Siciles.

Si le Saint-Empire peut paraître plus grand que la France en surface géographique, sa composition et ses frontières très floues vont se révéler être ses principales faiblesses. En effet, le Saint-Empire, bien que dépendant d’un empereur, était composé d’une multitude de duchés, de royaumes ou de petites républiques, souvent autonomes et faibles militairement.

La puissance financière et militaire du Saint-Empire des premiers siècles, après la mort de Charlemagne, avait entraîné de nombreux conflits armés avec la France. Encore très fort, avec l’empereur Charles Quint, face au roi de France, François 1er, le Saint-Empire a perdu progressivement son influence militaire, au fil des siècles.

L’empereur du Saint-Empire, depuis sa création après la mort de Charlemagne, était élu par une assemblée de « Princes électeurs » appelée Diète d’Empire. Au départ, ces princes souhaitaient reprendre la continuité de l’ancien empire romain d’Occident. Ils avaient installé la capitale de cet empire, à Aix-la-Chapelle. Mais au fil des siècles et des élections, l’empereur élu, venant de différentes contrées, son lieu de résidence a évolué plusieurs fois.

Donc, la capitale du Saint-Empire est devenue successivement Rome, Palerme, Prague, Vienne ou finalement Ratisbonne en Bavière. De plus, s’est progressivement imposé un clan ou une dynastie, comme la Maison des Habsbourg. L’origine de cette « branche aristocratique » vient d’une région (Habsbourg) à la frontière entre la Suisse et l’Autriche.

Finalement, cette « branche aristocratique » après l’élection du Duc de Lorraine François 1er, en tant qu’empereur des Romains, deviendra la Maison des Habsbourg-Lorraine, à partir de 1745. Il était déjà lui-même, Duc de Lorraine et de Bar, Grand duc de Toscane et Vice-roi de Hongrie.

Comme nous l’avons vu, dans les articles sur Louis XVI, la reine Marie-Antoinette, sœur de l’empereur François II, venait de cette branche. La future impératrice Marie-Louise, seconde épouse de l’empereur Napoléon 1er et fille de l’empereur François II du Saint-Empire, sera elle aussi de cette Maison Habsbourg-Lorraine.

C’est encore une fois, sur la pression des Anglais, que s’est fondée, au début 1799, la seconde coalition de pays européens contre la France. Cette coalition réunissait le Royaume-Uni, la Russie, le Royaume de Naples, le Portugal, l’Autriche, pays principal du Saint-Empire et la Turquie.

Nommé Premier Consul, Bonaparte adresse des offres de paix à l’Autriche, l’Angleterre et à la Russie. Le premier ministre anglais Pitt et l’empereur François II rejettent les propositions françaises. Seul le tsar Paul 1er décide de se tenir à l’écart du conflit.

Contraint de faire la guerre, le Premier Consul va donc préparer la seconde Campagne d’Italie qui commencera fin avril 1800, avec une armée très modeste et mal équipée. Contrairement à la première Campagne d’Italie, il va être obligé de faire traverser les Alpes par son armée, pour fondre de l’autre côté, sur les armées autrichiennes.

En parallèle à cette invasion de l‘Italie, le général Moreau, à la tête d’une armée de cent trente mille hommes, parti de Strasbourg, va foncer sur l’armée autrichienne, de cent cinquante mille hommes, en passant par Bâle puis la Bavière, en direction de Munich.

Bonaparte va diviser ses forces avant les Alpes pour utiliser trois axes d’attaques. Une armée, commandée par le général Thureau, passera par le Col du Mont-Cenis et aura pour cible Turin.

Une seconde armée commandée par le général Moncey passera par le Col du Mont-Gothard, en Suisse, pour fondre sur Milan et le fort de Bar. Là, cette armée aura rejoint celle de Bonaparte, qui aura passé les Alpes au Col du Grand-Saint-Bernard. Ensuite, le gros des forces devra foncer sur Gênes pour libérer Masséna, en passant par Montebello et Marengo.

L’armée de Moreau, ayant réussi à forcer le passage du Jura, bat les Autrichiens à Hochstedt le 19 juin 1800, puis à Neuburg et Oberhausen. Il entre à Munich, le 3 juillet 1800. Le commandant en chef des armées autrichiennes en Bavière signe un armistice à Parsdorf le 15 juillet 1800.

Pendant ce temps-là, Bonaparte et ses armées, ayant franchi les Alpes, écrasent les armées autrichiennes à Bar et à Chuisella. Bonaparte entra à Milan le 2 juin 1800. À Montebello, le 11 juin 1800, le général Lannes à la tête de huit mille hommes repousse une armée autrichienne de vingt mille hommes.

Cependant, la bataille décisive se déroulera à Marengo, le 14 juin 1800. C’est grâce à l’arrivée opportune du général Desaix et de son armée de six mille hommes que Bonaparte remportera la victoire. Malheureusement, Desaix, touché par une balle en plein cœur, perdra la vie ce jour-là. Les Autrichiens seront contraints de quitter la Lombardie, le Piémont et la Ligurie, incluant Gênes.

Des négociations entre les Français, représentés par Joseph Bonaparte, et les Autrichiens, représentés par le chancelier Cobenzl, vont se dérouler à Lunéville. Celles-ci n’aboutiront à aucun résultat. Les Français reprennent l’offensive militaire, en novembre 1800, en Allemagne. Le général Moreau écrasera à nouveau les Autrichiens le 3 décembre 1800, à Hohenlinden.

Au traité de Lunéville, du 9 février 1801, les Autrichiens perdent presque tous les territoires, autres que l’Autriche et la Vénétie. Tous les territoires perdus deviennent la propriété de la République française.

Le tsar Paul 1er, qui aura abandonné la seconde coalition et qui souhaitait se rapprocher des Français, sera assassiné le 24 mars 1801, probablement « victime d’une conspiration de palais où se trouvèrent l’or et la main du gouvernement britannique » selon Louis XVIII. À nouveau, de la seconde coalition, les Anglais restent seuls, face aux Français.

Seul en lice, épuisé financièrement, le Royaume-Uni se résigna à conclure le traité d’Amiens, le 25 mars 1802, par lequel, il restituait à la France ses colonies des Antilles, Saint-Pierre-et-Miquelon, ainsi que cinq comptoirs des Indes. Les Anglais reconnaissaient aussi les conquêtes françaises en Belgique (les bouches de l’Escaut). L’Égypte était évacuée par les Français et rendue aux autorités turques.

Malheureusement, comme souvent, avec les Anglais, cette paix ne dura que treize mois. Les hostilités allaient renaître pour se terminer à Waterloo, en 1815.

 

2.2 À l’intérieur du pays

Bonaparte, aidé de son petit « état-major » et de quelques conseillés ou ministres fidèles, comme Talleyrand, voulait mettre en place en urgence tout un panel de mesures et d’organisations, que la Révolution et la République n’avaient pas su mettre en place, après dix années de misère, pour le peuple français. Ce que Bonaparte, en tant que Premier Consul, construira pour le pays, durera plus de deux siècles après sa disparition.

Bonaparte souhaite faire la paix avec les royalistes français. Bien qu’il fera fusiller Louis de Frotté, l’un des derniers chefs de la « chouannerie » normande, en février 1800, il signera la paix de Montfaucon, le 18 janvier 1800.

Bonaparte supprimera aussi la fête du 21 janvier (instaurée par les révolutionnaires parisiens pour l’anniversaire de la décapitation de Louis XVI). Il permettra, aux députés royalistes proscrits, lors du coup d’État du 18 Fructidor, de revenir en France. Il validera aussi, en 1802, l’amnistie octroyée à tous les émigrés français.

La loi du 17 février 1800 fixa pour longtemps l’organisation administrative du pays. Celui-ci a été divisé en départements, arrondissements, cantons et communes. Les maires des communes de plus de cinq mille habitants étaient nommés par Bonaparte ; les autres étaient nommés par les préfets.

En mars 1800, la loi sur la réorganisation de la Justice institua une nouvelle hiérarchie des magistrats. Les juges ne sont plus élus, mais nommés. De plus, une nouvelle administration fiscale fit son apparition, avec une pyramide de percepteurs et de receveurs. Bonaparte créa enfin, en février 1800, la Préfecture de police de Paris.

Le 28 mars 1801, Bonaparte lance le projet de réalisation d’un Code criminel, de la création et de l’organisation de la gendarmerie nationale. De même, le 3 août 1801, il lance le projet de faire réaliser, par une commission, un code commercial, qui deviendra le Code du commerce.

Il crée le 6 septembre 1801, l’Institution des inspecteurs généraux du Trésor public. Le 16 septembre 1801, il crée les douanes et son organisation nationale. Enfin, il crée un ministère du Trésor public le 27 septembre 1801.

De même, Bonaparte souhaite établir un rapport de paix avec l’Église, pour mieux asseoir son pouvoir. Il ouvrira des négociations avec le pape. Après plusieurs mois d’âpres échanges, un Concordat est signé, le 15 juillet 1801, entre le représentant officiel du pape et la République française. Ce « Concordat » sera ratifié par le pape Pie VII, le 15 août 1801.

Aux termes de cet accord, qui restera en vigueur jusqu’en 1905, l’État français reconnaît le catholicisme comme religion « de la grande majorité des Français ». Garantissant la liberté du culte, l’État français assurera un traitement aux membres du clergé. En échange, l’Église tira un trait sur les biens vendus, sous la Révolution.

Le Concordat sera proclamé en 1802, comme loi de la République française. C’est le Premier Consul qui, comme le roi avant la Révolution, nomme les évêques. Le protestantisme et le judaïsme seront organisés en 1802 et en 1807, selon le même principe, devenant des cultes reconnus par l’État.

La loi du 1er mai 1802, sur l’Instruction publique, mit en place un enseignement secondaire uniformisé, dans toute la France. L’enseignement primaire, étant laissé sous la responsabilité des communes. Dans les nouveaux établissements du secondaire, les lycées seront destinés à former la future élite française.

Cette nouvelle instruction du secondaire permettra enfin la mise en place d’un « ascenseur social » totalement absent jusqu’à cette époque. Les programmes seront identiques partout en France et la discipline sera basée sur celle de l’armée. Il faudra malheureusement attendre 1933, pour obtenir la gratuité de l’enseignement dans le secondaire.

S’inspirant de la croix de Saint-Louis, avec son ruban rouge, utilisée dans l’Ancien régime, Bonaparte institua le 19 mai 1802, l’Ordre National de la Légion d’honneur. L’insigne de la médaille ne sera réalisé qu’en 1804. Cet ordre, placé sous l’égide d’un grand chancelier, avait pour but de récompenser les mérites militaires et civils.

Bonaparte mit en place dès le début de l’année 1800 un ministère de la Police, dirigé par l’ancien conventionnel, Fouché.

Dès le mois d’août 1800, Bonaparte chargera une commission de juristes d’élaborer un code général du droit. Ce Code deviendra le Code Civil et sera promulgué le 2 mars 1804. Ce code, dans sa phase initiale, était une synthèse de préceptes, tirés du droit romain, de l’ancien droit coutumier et de certains principes de 1789. La liberté et l’égalité civiles y étaient consacrées.

L’accent est mis sur la non-confessionnalité de l’État, la propriété déclarée « inviolable et sacrée » ; la puissance paternelle et maritale est renforcée. Les filles ne pouvaient se marier avant vingt et un ans, sans l’accord du chef de famille. L’union civile était un contrat, toujours susceptible d’être dissous, mais sous certaines conditions.

Le Code Civil bouscula toutes les anciennes pratiques, comme le droit d’aînesse, avec un partage équitable des héritages.

Bonaparte avait longuement médité, à la fois sur les défauts de l’Ancien Régime et les erreurs de la Révolution. De sa formation militaire, il gardera ce besoin « d’ordre » dans ses réalisations. Il était résolu à stabiliser au plus vite la société en utilisant ce qu’il appelait « les masses de granit » dont le Code Civil était le premier élément.

Le second élément sera la Banque de France, qui sera dotée, le 17 février 1800, du monopole d’émission de la monnaie. La Banque de France sera dirigée par des régents, élus par les « deux cents familles » les plus gros actionnaires de l’établissement.

Pour compléter cette opération, par une loi élaborée par le ministre des Finances Gaudin et datée du 7 Germinal an XI (28 mars 1803), Bonaparte créa le « franc germinal ».

Le 24 décembre 1800, Bonaparte échappa de peu à un violent attentat, rue Saint-Nicaise à Paris. Alors, qu’il se rendait à l’opéra, avec Joséphine, cet odieux attentat tua vingt-deux personnes, dont une fillette de douze ans, et fit plus d’une centaine de blessés.

Malgré l’avis de Joseph Fouché, le ministre de la Police, Bonaparte voulait se convaincre que les auteurs étaient « jacobins » alors que tous les indices indiquaient les irréductibles royalistes. Cent trente-trois anciens « conventionnels » ou membres de la « Commune » de Paris furent bannis.

Les vrais responsables, trois officiers royalistes proches de Cadoudal, seront poursuivis. Deux d’entre eux, Saint-Réjant et Carbon, seront exécutés. Le troisième, Limoëlan réussit à gagner les États-Unis.

Néanmoins, cet attentat mit en évidence le problème potentiel de la disparition possible et soudaine du Premier Consul. Depuis deux ans, la France revivait avec confiance et une économie plutôt florissante se faisait chaque jour plus flagrante.

Cependant, le risque était devenu perceptible et inquiétant, pour tous ceux qui trouvaient la situation en France et à l’international, plutôt « constructive ». Il fallait envisager quelque chose, qui repousse au loin le danger.

Paris, en 1800, est la deuxième ville d’Europe avec 580 000 habitants, derrière Londres 900 000 habitants. Paris, connu sous le Consulat, un vaste mouvement de modernisation et d’embellissement.

Les architectes Percier et Fontaine transformèrent la capitale à partir de 1806 (arc de triomphe de Carrousel, église de la Madeleine, colonne Vendôme, etc…). Jean-François Chalgrin aménagea la place de l’Étoile, en attendant le nouvel arc de triomphe qui, lui, ne sera terminé qu’en 1836. Le musée du Louvre fut installé, avec faste, par le baron et franc-maçon Dominique Vivant Denon, ancien de la campagne d’Égypte, graveur et diplomate.

 

3. Le chemin vers l’empire

Suite à l’attentat de la rue Saint-Nicaise, le peuple français et les institutions se sont rendu compte du risque potentiel de perdre soudainement le Premier Consul. La situation en France étant devenue encourageante, il fallait proposer officiellement une possibilité de rendre héréditaire le pouvoir du Premier Consul.

Aussi, sur proposition de François de Chateaubriand et de Louis de Fontanes, le Tribunat demanda la transformation de la durée du mandat, de 10 ans à vie, pour le Premier Consul. Cette proposition sera rejetée par le Sénat, fortement influencé par Sieyès, qui se contentait d’une prolongation de dix années supplémentaires.

De nombreuses discussions, de plus en plus houleuses, des parlementaires des assemblées, qui partageaient ou non l’avis du Sénat, entraînèrent le Conseil d’État à consulter le peuple par plébiscite. Une grande majorité de citoyens se prononcèrent en faveur du Consulat à vie, avec plus de 3 653 000 pour et 8 374 contre (dont Lafayette et quelques républicains).

La Constitution fut modifiée par le « sénatus-consulte » du 16 Thermidor An X (4 août 1802). La nouvelle Constitution de l’An X fait de Bonaparte un Premier Consul à vie, avec le droit de désigner son éventuel successeur.

Les royalistes voyant de plus en plus s’éloigner la possibilité d’un retour à la monarchie, organisèrent une nouvelle conjuration autour du général Pichegru, à laquelle s’étaient ralliés Cadoudal et le général Moreau. Ce dernier, s’estimant mal récompensé de ses efforts pour sauver la République, avait rejoint sans véritable motivation ce groupe. Alors que Pichegru sera retrouvé pendu dans sa cellule, Cadoudal sera décapité le 25 juin 1804 et Moreau, condamné à deux ans de prison, sera exilé aux États-Unis.

C’était sans compter sur la Police et la Justice, devenues extrêmement efficaces. Les « conjurés » seront arrêtés et l’un d’entre eux, au cours des interrogatoires, aurait avoué attendre un « prince », avant de passer à l’action. Sur les conseils, ultérieurement, désavoués, de Talleyrand, Bonaparte organisa l’extraction du Duc d’Enghien, émigré en territoire étranger (à Ettenheim en pays de Bade). Ce dernier sera emprisonné au fort de Vincennes, puis fusillé après un procès expéditif, à 3 heures du matin, dans la nuit du 21 mars 1804.

À la suite de cette action, Bonaparte perdit une grande partie de ses soutiens royalistes, comme Talleyrand et Chateaubriand. Cela coupa définitivement les liens avec Louis XVIII. Cependant, cela conforta les institutions en place, comme le Tribunat qui proposa de conférer la « dignité impériale » à Napoléon et à sa famille. Une nouvelle Constitution fut rédigée en un temps record, jetant les bases de l’Empire.

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