Le gouvernement de Vichy
1. Pétain piégé
Sans chercher ici à dédouaner Philippe Pétain de ses responsabilités, en tant que chef de l’État, dans certains événements de la Seconde Guerre mondiale, il me semble très utile, pour mieux comprendre les faits historiques de cette époque, de replacer l’arrivée du maréchal dans le dernier gouvernement de la IIIe République par rapport à sa vie antérieure et notamment ce qui s’était passé depuis novembre 1918.
En effet, comme on peut le comprendre en analysant le contenu biographique relatif à Pétain, dans le livre de Bénédicte Vergez-Chaignon, le maréchal arrive de Madrid en juin 1940, et il est mis devant le fait accompli. Alors qu’il était convoqué à Bordeaux, la guerre de France était perdue depuis deux semaines.
Devant le désistement honteux des responsables politiques de mars (Édouard Daladier) puis de juin 1940 (Paul Reynaud), le président de la République Albert Lebrun lui « imposa » de prendre la responsabilité du gouvernement français, ce qu’il avait toujours refusé. Hélas pour le maréchal, dans sa philosophie de vie, un militaire ne peut désobéir, même à 84 ans.
Dans le livre de Bénédicte Vergez-Chaignon, on trouve plusieurs traces écrites dans lesquelles, Philippe Pétain précise ne pas être compétent ni intéressé par un poste de politicien dans un gouvernement.
Pétain avait intimement conservé, depuis 1920, une certaine rancœur vis-à-vis de son ancien chef, le maréchal Foch, mais aussi de Clemenceau. En effet, revisitons un instant les événements de novembre 1918. Pétain, alors commandant en chef des armées alliées, avait, à la demande du chef d’état-major, longuement préparé l’invasion de l’Allemagne prévue le 14 novembre 1918. Or, suite à l’intervention de Foch et de Clemenceau, ce dernier fut influencé par le président américain Wilson ; Pétain fut sommé de stopper l’invasion de l’Allemagne.
Foch et Clemenceau avaient volontairement signé l’armistice demandé par les Allemands avant le début prévu de l’invasion planifiée par Pétain. En « échange » de son obéissance, on imagine aisément que Pétain fut rapidement récompensé par l’attribution du bâton de maréchal. Cette récompense n’effaça pas son regret de ne pas avoir porté la guerre en Allemagne en 1918. Confronté alors à la réalité des événements, les Allemands auraient été moins enclins à rechercher une revanche et ainsi, d’après Pétain, la Seconde Guerre mondiale n’aurait probablement pas eu lieu.
Pétain, déjà en novembre 1918, était persuadé qu’il était indispensable de porter la Première Guerre mondiale sur le territoire allemand. Ceci, d’une part, pour faire prendre conscience à la population allemande des affres de la guerre commencée par leur empereur Guillaume II et d’autre part que celle-ci était réellement perdue par leurs armées. Sans cette opération, l’Allemagne, de son point de vue, n’accepterait jamais la défaite, ni les conséquences du traité de Versailles, et chercherait toujours une revanche longuement préparée.
Ces informations permettent de mieux comprendre pourquoi Pétain en 1940, fustigeait « l’esprit de jouissance » de la période du Front populaire, alors que de son point de vue, il aurait mieux valu que les gouvernements dépensent plus d’efforts pour préparer les armées et la population à cette nouvelle guerre qui arrivait.
2. Naissance
Contrairement à ce qui est souvent prétendu au 21e siècle dans la bouche de certains « historiens », le gouvernement de Vichy ne fut pas issu d’un coup d’État mais bien d’une construction démocratique dont la base était un vote des représentants de la nation conformément à la Constitution de 1875.
En effet, ce fut le 9 juillet 1940, à la demande d’Albert Lebrun, président de la République, que l’ensemble des membres des deux assemblées (Sénat et Chambre des députés) était convié au casino-opéra de Vichy en vue de définir le contenu du texte qui devra être ou non approuvé démocratiquement le 10 juillet 1940.
Le texte, très court, approuvé le 9 juillet 1940, par 624 voix contre 4, avait fait l’objet de nombreuses discussions préalables. Ce texte repris ci-dessous, approuvé par 395 députés et 229 sénateurs, devait accorder au maréchal Pétain, alors président du Conseil, la possibilité de proposer et mettre en application une révision de la Constitution de 1875.
Contenu du texte, approuvé le 9 juillet 1940, qui sera mis au vote le 10 juillet 1940 par les membres des deux assemblées :
« Article unique — L’Assemblée nationale donne tous pouvoirs au Gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer par un ou plusieurs actes une nouvelle constitution de l’État français. Cette constitution devra garantir les droits du travail, de la famille et de la patrie. Elle sera ratifiée par la Nation et appliquée par les Assemblées qu’elle aura créées. La présente loi constitutionnelle, délibérée et adoptée par l’Assemblée nationale, sera exécutée comme loi de l’État »
Le vote du 10 juillet 1940 au casino-opéra de Vichy donna le résultat suivant :
Inscrits | Votants | Exprimés | Pour | Contre | Abstenus | Absents |
846 | 669 | 649 | 569 | 80 | 20 | 176 |
Ce vote approuva donc démocratiquement l’attribution au maréchal Philippe Pétain de tous les pouvoirs pour modifier la Constitution de 1875, mettant ainsi de fait fin à la IIIe République.
Détails par parti politique des députés (356) ou sénateurs (213) ayant approuvé :
Total | ont voté pour | Total | ont voté pour | Total | ont voté pour |
Partis de gauche | 403 | Partis de droite | 120 | Non inscrits ou autre | 46 |
3. Au début
4. Évolution
5. Disparition