Charles X
1. Règne de Charles X
1.1 Biographie
Charles-Philippe de France, titré comte d’Artois, né le 9 octobre 1757 à Versailles, frère puîné de Louis XVIII, deviendra roi de France et de Navarre à l’âge de 67 ans, le 16 septembre 1824, sous le nom de Charles X. Il sera, jusqu’au 21e siècle, le dernier roi de France.
Louis-Philippe 1er, qui lui succédera en 1830, sera roi des Français et non roi de France. La différence est importante, comme nous le verrons dans les textes suivants.
À sa naissance, le comte d’Artois est au cinquième rang dans la succession au trône de France, après son père le dauphin Louis. Ce dernier ne sera jamais roi car décédé le 20 décembre 1765, soit avant Louis XV et ses frères, le duc de Bourgogne (décédé le 22 mars 1761), le duc de Berry (futur Louis XVI) et le comte de Provence (futur Louis XVIII).
Petit-fils de Louis XV, le comte d’Artois deviendra le dernier roi officiel de la Maison de Bourbon (branche aînée descendante de Saint-Louis) et le 68e roi de France.
Il sera marié à l’âge de 16 ans, pour convenance d’État, le 16 novembre 1773, à la princesse Marie-Thérèse de Savoie, fille du duc de Savoie et roi de Sardaigne Victor-Amédée III.
Le couple aura quatre enfants, deux filles et deux garçons. Louis-Antoine d’Artois, le fils aîné, dauphin de France, sera officieusement le futur Louis XIX pour les légitimistes, après l’abdication de son père Charles X, en 1830. Son frère cadet, Charles-Ferdinand d’Artois, titré duc de Berry, sera assassiné en 1820, à l’âge de 42 ans.
Le comte d’Artois est un coureur de jupons réputé à la cour de Versailles. Il aura plusieurs maîtresses, au sein de la noblesse mais aussi parmi les personnels d’assistance. Il aura, semble-t-il plusieurs enfants, issus de courtisanes comme Marie-Madeleine Guimard ou Louise Contat.
Il serait aussi le père de Jules de Polignac avec la comtesse Yolande Martine Gabrielle de Polastron, pourtant mariée au comte Jules de Polignac. Cette dernière était la favorite de la reine Marie-Antoinette.
Quant à ce fils illégitime, Jules de Polignac, sera le dernier président du Conseil, y compris au moment des trois glorieuses (27, 28 et 29 juillet 1830), du roi Charles X, son vrai père supposé à l’époque.
Pendant toute sa vie à Versailles, le comte d’Artois vivait très richement, n’hésitant pas à dépenser des fortunes pour de simples caprices. Souvent rappelé à la retenue par le roi et certains ministres, il deviendra l’un des plus farouches adversaires du Tiers état avant la Révolution de 1789.
Selon Jean-Christian Petitfils, Charles X n’avait ni l’intelligence politique ni la pondération de son frère et prédécesseur Louis XVIII. Depuis son enfance à Versailles, le comte d’Artois, devenu Charles X, restera profondément marqué par les nombreux décès (6 en moins de 15 ans) des membres de sa famille.
Plus tard, c’est la mort précoce à Londres, le 27 mars 1804, de son dernier grand amour et sa maîtresse, la vicomtesse Louise de Polastron, qui le rendra taciturne et dévot. Cette dernière est décédée de la tuberculose à l’âge de 39 ans.
1.2 Implication politique
Sur le plan politique, le comte d’Artois n’hésitait pas à critiquer ouvertement certaines actions du gouvernement de son frère aîné, Louis XVI. En 1788 et 1789, il œuvrait dans les coulisses, avec sa maîtresse la comtesse de Polignac, ou le baron de Breteuil, pour déstabiliser ou évincer les ministres, comme Calonne ou Necker, favorables à une réduction des dépenses par la noblesse. Le comte d’Artois prendra la tête de ce que Jean-Christian Petitfils appelle la « révolution royale » face à Louis XVI.
Le comte d’Artois sera le premier prince de la famille royale à émigrer dès le 16 juillet 1789. Il parcourt diverses cours de l’Europe en commençant par Turin, puis Bruxelles, Coblence et enfin Londres à partir de 1791. Il sera de retour d’exil en 1814 après 25 ans, aux côtés des coalisés, et fera son entrée à Nancy le 19 mars.
Sous la Restauration, favorable à un retour intégral à l’ancien Régime, il agira de même en critiquant les actions et décisions de son frère, le roi Louis XVIII.
Cependant, sous le règne de Louis XVIII, les élections partielles de la Chambre, en 1817 et 1818, virent les « ultras » soutenus par le comte d’Artois se réduire fortement au profit des royalistes « modérés » et d’une opposition de « gauche » appelée « tiers parti« .
Dans cette dernière, on y retrouvait des libéraux, comme Benjamin Constant et La Fayette, ou l’avocat Jacques Antoine Manuel, et les banquiers Lafitte et Casimir Perier.
Le climat politique changea rapidement, immédiatement après l’assassinat devant l’Opéra de Paris, du duc de Berry, le second fils du comte d’Artois, le 13 février 1820, par Louis Pierre Louvel, un ouvrier bonapartiste.
Le duc de Berry devait être le futur successeur au trône, après son père le comte d’Artois devenu le roi Charles X. En effet, ni Louis XVI, ni Louis XVIII, n’avait laissé de descendance mâle. Le premier fils de Charles X, Louis-Antoine, renoncera à ses droits, peu après l’abdication de son père, en juillet 1830.
La providence mettra cependant une autre alternative, sur ce chemin de la succession au trône. En effet, Marie-Thérèse de Savoie, l’épouse du duc de Berry, assassiné en février 1820, mettra au monde au Palais des Tuileries un fils, le 20 septembre 1820.
Celui-ci, prénommé Henri-Dieudonné d’Artois, sera titré duc de Bordeaux puis comte de Chambord. Ce dernier sera le potentiel héritier de la couronne sous le nom de Henri V.
L’assassinat du duc de Berry aura pour conséquence un recentrage « ultras » des membres de la Chambre. Les « modérés » rejoignirent les « ultras » obligeant Louis XVIII à renvoyer son ministre et favori Decazes, qui sera remplacé par le duc de Richelieu.
Les élections partielles de la Chambre, de novembre 1820 et celles d’octobre 1821 donnèrent la majorité absolue aux « ultras ». Ce fut pire encore, en mars 1824, où les « ultras » disposaient d’une majorité écrasante à la Chambre avec 410 députés « ultras » sur un total de 430 députés.
1.3 Règne de Charles X
Après le décès du roi Louis XVIII, le 16 septembre 1824, le comte Charles-Philippe d’Artois devient roi de France, sous le nom de Charles X.
Charles X, de tempérament « absolutiste » estimait que les concessions formulées par divers ministres avaient perdu son frère aîné Louis XVI. Dès le début de son règne, bien qu’il conservât la Charte de Louis XVIII comme base de sa politique, il décréta une amnistie pour les prisonniers et rétablit la liberté totale de la presse.
Cette dernière décision sera sa principale erreur, comme la suite des événements va le démontrer. Il se rallia dès septembre 1824 à la politique des députés « ultras » soutenus par le clergé et les anciens émigrés de la Révolution de 1789.
Charles X, souhaitant maintenir les traditions de l’ancien Régime et conformément à l’article 74 de la Charte de 1814, sera sacré roi à la cathédrale de Reims, le 29 mai 1825. Cette cérémonie, bien que « exaltée » par Victor Hugo, Alphonse de Lamartine ou Alfred Victor de Vigny (comte de Vigny), semblait totalement anachronique, après les trente années de la Révolution et du premier Empire.
Le côté mystique de ce sacre, conforme à la tradition capétienne, semblait complètement décalé pour la plus grande partie du peuple et même les bourgeois, proches de l’aristocratie gouvernementale.
Les mœurs de l’ancienne aristocratie étaient à bout de souffle et tout simplement « passées de mode » mais Charles X ne l’avait pas encore compris. Pour sa défense, il faut rappeler ici qu’il avait vécu 25 ans au Royaume-Uni où il fut « imbibé » de la culture anglaise et de sa monarchie parlementaire.
Poursuivant sa politique « ultra-royaliste » Charles X, sous l’influence permanente de la Chambre des Pairs et de la Chambre des députés, composée d’une très large majorité de députés royalistes « ultras » va valider deux lois qui choquèrent profondément l’opposition et les bourgeois.
La première dite « le milliard des émigrés » avait pour but de clarifier la situation complexe d’indemnisation des nombreux nobles émigrés, au moment de la Révolution. Cette loi concernait les biens qui avaient été confisqués par les Assemblées Constituante et Législative. La seconde loi sanctionnait de façon rigoureuse les sacrilèges, les profanations d’églises et les vols d’objets sacrés.
L’opposition dite de « gauche », composée essentiellement de bourgeois et devenue très minoritaire, ne pouvant plus s’exprimer au sein de la Chambre, va exploiter et utiliser la presse, librement et légalement, pour faire connaître leurs griefs et leur mécontentement.
La réaction maladroite du gouvernement, par l’intermédiaire du ministre et président du Conseil, le comte Joseph de Villèle, membre des « ultras » ne va pas permettre d’étouffer la contestation.
Le vicomte François-René de Chateaubriand, après avoir été plusieurs fois ambassadeur de France et nommé ministre des Affaires étrangères, par Louis XVIII, le 28 décembre 1822, sera disgracié le 6 juin 1824 (« congédié comme un laquais » selon sa propre expression), pour avoir pris position contre le ministre Villèle.
Villèle, maladroit dans sa défense, renvoya en vain les députés devant leurs électeurs. Le résultat de ces nouvelles élections confirma la situation précédente, au détriment de Villèle. Charles X fut contraint de remplacer Villèle par un « modéré de centre droit » : le vicomte Jean-Baptiste de Martignac. Ce qui ouvrit un nouveau conflit avec la Chambre.
Charles X, maladroit en politique, renvoya la Chambre et une nouvelle campagne électorale s’ouvrit. Cette fois, l’opposition « libérale » récupéra la majorité des sièges avec 274 députés, obligeant Charles X à user de l’article 14 de la Charte de 1814 et ainsi gouverner par l’utilisation d’ordonnances.
Au cours du dimanche 25 juillet 1824, Charles X va signer les 3 premières ordonnances. Celles-ci seront le déclencheur d’une situation explosive qui s’est développée depuis quelques mois.
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Pour lire la suite, voir le chapitre « Révolution de 1830« …