Louis XIV

1. Contexte initial

À la mort de son père Louis XIII, le 14 mai 1643, le nouveau roi Louis XIV n’a que 5 ans. Quatre jours après le décès de Louis XIII, le Parlement de Paris annule les dispositions testamentaires du défunt, qui limitaient les pouvoirs de la régente Anne d’Autriche, et lui restitue l’administration complète des affaires du royaume.

En accédant au pouvoir, cette femme inexpérimentée, tenue à l’écart des affaires du royaume par son mari Louis XIII, se métamorphosa subitement, déterminée à défendre, au début, les droits de son fils Louis XIV. Elle choisit, à la surprise générale, comme principal ministre, le cardinal Mazarin, fidèle serviteur du feu cardinal Richelieu.

Mazarin, né Giulio Mazarini, en 1602, celui-ci était, avant son arrivée en France, l’intendant du connétable de Naples. Après des études chez les Jésuites et un doctorat en droit, il avait exercé comme capitaine dans l’armée pontificale avant de rejoindre les services de la diplomatie du Vatican. Fasciné par sa brillante intelligence et l’étendue de ses talents, Richelieu, après l’avoir fait naturaliser, l’attacha à son service. Louis XIII, après le décès de Richelieu, le fit membre du Conseil et le choisit pour être le parrain de son fils aîné, le futur Louis XIV.

La guerre de trente ans avec le Saint Empire, commencée sous le règne de Louis XIII, était en phase finale avec la victoire des troupes françaises et suédoises. Cette guerre se terminera par le traité de Westphalie en 1648.

La reine et régente Anne d’Autriche, assistée du cardinal Mazarin, put se consacrer pleinement à l’éducation du jeune roi Louis XIV et, sur le plan intérieur, poursuivre la rigueur fiscale, à cause des guerres en cours. Les dépenses militaires étaient passées de 80 à 120 millions de livres.

 

1.1 La Fronde parlementaire

Cependant, cette politique fiscale heurtait la bourgeoisie parisienne et les titulaires d’offices (magistrats, avocats, etc…), qui refusaient de partager l’effort de guerre. Ces derniers étaient soutenus par les Parlements, à qui il a fallu imposer l’enregistrement des édits. Ce fut le début de la « Fronde des Parlementaires » (magistrats, avocats).

En janvier 1648, pour trouver des finances absolument indispensables (les troupes n’étaient plus payées), la décision de vendre une douzaine de charges de maître des requêtes supplémentaires mit le feu aux poudres. Les magistrats multiplièrent les mesures dilatoires.

Les juges royaux, tous gens propriétaires de leur office, faisaient un coup d’État au nom d’une légitimité, qu’ils n’avaient reçue de personne et encore moins du roi. Pour la régente Anne d’Autriche, cette sédition était « une espèce de république, dans la monarchie ». Une tentative de gouvernement des juges, qui s’instaurait déjà en ce siècle.

Pendant cet épisode parisien, sur le front, les troupes françaises étaient en train de gagner la guerre, face au Saint Empire. Les négociations en Westphalie, de cette victoire, étaient en cours. Après l’éclatante victoire de Lens, en août 1648, la régente et Mazarin firent arrêter les magistrats instigateurs de la fronde.

Après plusieurs rebondissements, le roi Louis XIV, alors âgé de 10 ans, la famille royale et le cardinal s’enfuirent du Palais-Royal pour le château de Saint-Germain-en-Laye. De retour, après leurs victoires à Lens et à Rocroi, le Grand Condé, à la tête des troupes royales, fit le siège de la capitale.

Alarmés et très inquiets, les modérés du Parlement de Paris négocièrent. La paix de Rueil-Malmaison fut signée en mars 1649.

 

1.2 La Fronde des Princes

Brillant, mais orgueilleux et intraitable, le Grand Condé, prince du sang, s’estimant mal récompensé d’avoir sauvé la monarchie chancelante, se rebella après avoir insulté Mazarin et blessé la reine mère Anne d’Autriche, dans son honneur. Son emprisonnement en janvier 1650, en compagnie de son frère cadet Conti et de sa sœur, Madame de Longueville, ranima la guerre civile en province.

Les familles de la grande noblesse entraînèrent avec elles des centaines de gentilshommes qui leur étaient dévoués. Ce qui obligea Mazarin à mener des expéditions militaires en provinces, pour reconquérir les places mutinées (la Normandie, la Lorraine, le Berry, le Poitou, l’Anjou, la Bourgogne).

Gaston d’Orléans (oncle de Louis XIV et frère cadet de Louis XIII), allié au coadjuteur de Paris, Jean-François Paul de Gondi, futur cardinal de Retz, intervint pour exiger la libération des princes et le départ de Mazarin. Ils firent subir au jeune roi Louis XIV une humiliation que celui-ci n’oubliera jamais.

Prisonniers, lui et sa mère, des frondeurs, ceux-ci firent défiler toute la nuit des gardes suisses devant sa chambre, afin de vérifier qu’ils étaient bien présents et toujours en train de dormir. De son côté, le Parlement de Paris bannit solennellement Mazarin du royaume.

 

1.2.1 Une Fronde dans la Fronde

Une agitation plus pernicieuse encore que celle décrite ci-dessus, se déroulait au même moment à Paris et en province. Derrière les marquis de Sourdis et comte de Montrésor des assemblées houleuses de gentilshommes se revendiquant du mouvement des « bailliages unis », réclamaient la tenue des États généraux. Il s’agissait de revenir sur les acquis de la monarchie capétienne et d’instaurer un système politique décentralisé (soit un retour à un système féodal où chaque seigneur est seul maître chez lui).

 

1.3 Retour du roi à Paris

Le 21 octobre 1652, Louis XIV, majeur depuis plus d’un an, fit son entrée dans Paris, où il fut accueilli en libérateur. Les princes rebelles furent exilés, y compris son oncle Gaston d’Orléans et sa fille. Quant à Condé, il fut déchu de sa qualité de prince du sang et condamné à mort par contumace. Ce dernier avait rejoint les troupes espagnoles en Pays-Bas, pour lutter contre la France.

Le 3 février 1653, Mazarin, après un exil volontaire, fut rappelé par le roi et sa mère Anne d’Autriche. Il revint dans la capitale acclamé en triomphateur, par cette même foule qui, quelques mois plus tôt, l’aurait étripé comme son compatriote Concini.

Le 22 octobre 1653, par un lit de justice (le roi en uniforme militaire et entouré de sa garde), le Parlement de Paris fut épuré de ses magistrats frondeurs et interdit « de prendre à l’avenir aucune connaissance des affaires de l’état et des finances ».

 

1.4 Bilan de cette guerre civile

Le bilan de cette guerre civile était effrayant : plusieurs centaines de milliers de victimes, de blessés, des femmes violées en grand nombre, des régions largement dévastées comme l’Ile-de-France, la Picardie ou la Champagne. Les récoltes brûlées, des villages incendiés, des villes désertées, des épidémies de peste. Plus de soixante mille mendiants et vagabonds erraient rien qu’à Paris.

La Fronde, période d’anarchie, suscite un besoin d’autorité. Louis XIV, arrivé à la majorité, a toutes les raisons d’imposer son autorité, autant à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume.

 

1.5 Affermissement de l’absolutisme

La société de l’Ancien Régime, composée d’ordres et de corps hiérarchisés, était une société étroitement compartimentée dans des structures communautaires, le supérieur toisant son inférieur immédiat et ainsi de suite. Seul l’État royal occupait au-dessus du champ social, l’espace du politique.

Pour contrer le pouvoir des « Grands » féodaux, la monarchie avait, dès le 16e siècle, développé le monde des « offices », d’où était sortie à son sommet la « noblesse de robe » (magistrats, avocats). En 1665, on comptait quarante-cinq mille titulaires de ces « charges », soit cinq fois plus que sous François 1er.

Ces officiers (magistrats, avocats) avaient échappé à l’emprise du pouvoir royal par la vénalité et la transmission héréditaire de leurs charges.

Les efforts de guerre, nécessitant de plus en plus de finances, les cardinaux Richelieu puis Mazarin firent émerger une nouvelle catégorie de fonctionnaires royaux, « les commissaires » (intendants de justice, de police et de finance). Ceux-ci, nommés par une commission et étaient révocables à volonté, ont poussé dans les hautes fonctions de la cour et au sein des élites régionales, leurs parents, leurs amis, leurs protégés.

En devenant eux-mêmes courtiers du patronage royal, en distribuant des pensions, des gratifications, des bénéfices ecclésiastiques, des lettres d’anoblissement, ils entrèrent directement en concurrence avec les « Grands ».

Le sacre de Louis XIV, le 7 juin 1654, donna au pouvoir royal la dimension transcendantale qui lui permit d’échapper à la concurrence des autres corps.

La guerre avec l’Espagne continuait aux frontières. Celle-ci nécessitait toujours plus d’argent. Fort heureusement, en 1654, le siège d’Arras donna le signe du début du repli de la puissance espagnole en Europe.

En France, les « gens de robe » des Parlements en profitèrent pour s’opposer aux nouvelles mesures fiscales. Le 13 avril 1655, le jeune roi Louis XIV, alors âgé de seize ans, fut informé que le Parlement de Paris, malgré l’interdiction qui lui en avait été clairement faite, allait s’assembler pour discuter des derniers édits bursaux (lois de finance). Il se présenta devant lui en costume de chasse, sans avoir été annoncé. D’un air « sévère et hautain » il interdit aux magistrats toute nouvelle réunion.

Enfin, le 14 juin 1658, Turenne écrasa l’armée espagnole dirigée par Condé et don Juan d’Autriche, gouverneur des Pays-Bas. Cette victoire entraîna le traité des Pyrénées, signé le 7 novembre 1659, qui scella la paix entre la France et l’Espagne.

De cette victoire, la France annexa l’Artois, une partie de la Flandre wallonne, plusieurs places du Luxembourg, de la principauté de Liège, la Lorraine, la Cerdagne et le Roussillon. Ce traité prévoyait aussi le mariage de Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse d’Autriche, fille du roi Philippe IV d’Espagne.

Mazarin est mort le 9 mars 1661 à cinquante-huit ans sans avoir eu le temps d’achever la remise en ordre intérieur du pays. Louis XIV va dorénavant gouverner seul.

 

2. Biographie

Louis XIV, premier fils de Louis XIII, est né le 5 septembre 1638 au château neuf de Saint-Germain-en-Laye et mort le 1er septembre 1715 au château de Versailles. Il est roi de France et de Navarre.

Il a 5 ans à la mort de son père Louis XIII le 14 mai 1643. Son règne s’étend de cette date sous la régence de sa mère Anne d’Autriche jusqu’au 7 septembre 1651, et puisque arrivé à la majorité, jusqu’à sa mort le 1er septembre 1715.

Louis XIV fut sacré roi en la cathédrale de Reims le 7 juin 1654.

Son règne de 72 ans, dont 54 ans seul au pouvoir, est le plus long dans l’histoire de France et l’un des plus longs de l’histoire de l’Europe.

Après la victoire des troupes françaises, les Espagnols signent le traité des Pyrénées le 7 novembre 1659. Ce traité, voulant favoriser le rapprochement entre la France et l’Espagne, prévoyait le mariage du roi Louis XIV avec l’infante d’Espagne, Marie-Thérèse d’Autriche. Ce mariage a lieu à Saint-Jean-de-Luz, le 9 juin 1660. Louis XIV est alors âgé de 22 ans.

De son mariage, avec Marie-Thérèse d’Autriche, le couple a six enfants (3 garçons et 3 filles) dont un seul survécu jusqu’à l’âge de 60 ans (Louis de France, le Dauphin : 1er avril 166114 avril 1711). Celui-ci ne pourra monter sur le trône puisque son père Louis XIV était encore en vie le 14 avril 1711.

Louis XIV eut de nombreux enfants illégitimes et 10 autres légitimés avec ses nombreuses maîtresses.

Sa jeunesse, très mouvementée par les Frondes et la guerre civile. Le décès de Louis XIII et les différentes humiliations et fuites face aux émeutiers et aux conspirateurs, qu’ils soient nobles ou parlementaires (magistrats), vont avoir des incidences profondes sur le caractère de Louis XIV.

Durablement marqué par ces épisodes, durant la régence de sa mère, assistée du cardinal Mazarin, Louis XIV fera payer chèrement les conspirateurs nobles ou parlementaires (magistrats, avocats), même ceux de sa proche famille, les princes.

À la mort du cardinal Mazarin, Louis XIV a vingt-deux ans. Il est vu comme un bel athlète à la complexion vigoureuse et à la vitalité campagnarde. De grande taille, même sans perruque ni talons, il mesurait environ 1m84. Suivant les traces laissées par certains de ses contemporains (Mademoiselle de Montpensier), il avait l’air « haut », relevé, hardi, fier et agréable, majestueux dans le visage, de très beaux cheveux frisés.

Certes, certains diront aussi qu’il avait le nez un peu long, des joues grêlées par la petite vérole, des dents gâtées, une moustache à peine marquée et une lèvre inférieure charnue. Quelle allure, quelle aisance lorsque Louis XIV se déplaçait à pied, sûr de lui et un rien dédaigneux. On est loin de la prestance retenue de son père Louis XIII.

Louis XIV aimait la musique, la danse et le théâtre. Aux études livresques, il préférait les exercices physiques, l’équitation, la chasse, le tir ou le jeu de paume.

Malgré cela, comme presque tous les rois « Bourbons » sauf Henri IV, Louis XIV était timide et soufrait dans sa jeunesse d’un complexe d’infériorité (l’inverse de son père Louis XIII). Il se sentait méprisé par ses camarades de jeu, tous nobles (les Brienne, Coislin, Vivonne, Lesdiguières), ce qui justifiera sans doute plus tard aussi quelques rancœurs supplémentaires, vis-à-vis de la haute noblesse en général.

Du courage, assurément, il en avait à revendre, autant durant les guerres, que dans les épreuves de la vie et dans les maladies. Cette fermeté de caractère tenait à son implacable volonté de se dompter en toutes circonstances. Il tenait vraiment à donner de lui une image d’un monarque sérieux, juste, attaché à ses devoirs de roi et toujours maître de ses réactions.

Le rituel de l’étiquette qu’il perfectionna à plaisir lui servait de rempart pour bien marquer ses distances avec les courtisans, quel que soit leur rang. Au fil des ans et des épreuves, il devint d’un égoïsme monumental, même avec les femmes avec lesquelles, sa politesse légendaire finit par s’estomper.

Son régime alimentaire était déplorable et sans retenue. À la trentaine, son appareil digestif était déjà en très mauvais état. Sa dentition fortement dégradée va engendrer des complications diverses qui nécessiteront certaines interventions chirurgicales.

« Tout lui était bon pourvu que ce fussent des femmes, notait sa belle-sœur, des paysannes, des filles de jardiniers, des femmes de chambre, des dames de qualité : elles n’avaient qu’à faire semblant d’être amoureuses de lui ».

Toutefois, pas plus les grandes que les petites maîtresses n’eurent d’influence politique, ni la douce La Vallière, ni l’impérieuse Montespan, ni l’éphémère Marie Angélique de Scorailles de Fontanges.

Seule Françoise d’Aubigné, marquise de Maintenon, que Louis XIV épousa secrètement en octobre 1683, trois mois après le décès de la reine Marie-Thérèse d’Autriche, fut écoutée. Essentiellement durant la guerre de succession d’Espagne, mais jamais en ce qui concerne la politique.

 

3. La Cour à Versailles

Longtemps itinérante, la Cour transportait ses meubles et sa vaisselle d’un château à l’autre : Saint-Germain-en-Laye, le Louvre, Les Tuileries, le Palais-Royal, Compiègne, Fontainebleau, Chambord, avant de se fixer au château de Versailles à partir de mai 1662.

Louis XIII, père de Louis XIV, avait déjà fait construire par Philibert Le Roy, à partir de 1631, « l’ossature de base » ou première phase du château de Versailles.

L’œuvre d’agrandissement de ce château par Louis XIV était le fruit de plusieurs réflexions. L’une d’entre elles est que Louis XIV voulait imprimer sa marque dans l’Histoire et être perçu comme un fondateur, plutôt qu’un continuateur. Une autre de ces réflexions trouve ses origines dans les Frondes et la guerre civile qu’avait vécue Louis XIV, dans l’humiliation et la douleur.

L’objectif qu’il s’était fixé était d’avoir près de lui toute la haute noblesse, à portée de mains et sous surveillance constante. Que celle-ci soit aussi éloignée des Parlements (magistrats), sources d’intrigues et de rebellions.

La Cour en 1664, ne dépassait pas 600 personnes. Grâce aux extensions, y compris les jardins, du château de Versailles (220 appartements, 400 chambres), 8 000 personnes transitaient chaque jour au château, dont plus de 3 000 en permanence.

 

4. Le Royaume

Ramenée aux frontières que nous connaissons au 21e siècle, la France comptait environ 22 millions d’habitants. C’était le pays le plus peuplé d’Europe, après la Russie. Le royaume de France était relativement riche, comparé à ses voisins, excepté l’Angleterre (moins d’habitants que la France) et les Provinces-Unies (7 provinces issues de la partie septentrionale des anciens Pays-Bas espagnols). 90% de la population française appartenait à la paysannerie.

Le règne de Louis XIV se situe dans une période de fortes perturbations climatiques (Petit âge glaciaire de 1550 à 1850). Les récoltes étaient souvent mauvaises, conséquences à des hivers rigoureux, des printemps et des étés très pluvieux donnant de maigres moissons. Les années de calamités climatiques se succédaient, 1643, 1648, 1649, 1652, 1675, 1684.

Selon Marcel Lachiver, les années 1693 et 1694 représentaient la plus gigantesque catastrophe météorologique connue de l’histoire de France. Elle fit plus de 1,3 millions de morts supplémentaires, aux décès habituels et seulement en deux ans. Pendant le « grand hiver » de 1709-1710, on vit la mer Méditerranée gelée, jusque dans le Vieux-Port de Marseille, et coûta la vie à plus de 630 000 personnes.

Le roi, soucieux du bien commun, ordonna des réquisitions et des distributions de blés, tout en sanctionnant les accapareurs et spéculateurs. En 1662, 1693 et 1694, il ordonna de faire cuire dans la cour du Louvre des milliers de rations de pain destinées aux miséreux.

Les dépenses liées aux campagnes militaires devenaient si insupportables, que le roi était contraint de faire cesser les combats et parfois négocier au rabais la paix.

Dans ce contexte délicat, il y eut persistance des résistances, autant du peuple que de la monarchie. De nombreuses « émotions populaires » furent réprimées : guerre dite de Lustucru en Boulonnais (1662), insurrection du Vivarais (1670), révolte du papier timbré et des bonnets rouges en Bretagne (1675), grandes traînées de « croquanderies » en Guyenne, en Languedoc, en Quercy, etc…

À la fin du règne, l’opposition nobiliaire s’installa enfin à Versailles avec le chimérique « petit troupeau des saints » proche des ducs de Bourgogne, de Beauvillier, de Chevreuse et de Saint-Simon.

 

5. La lente construction de l’État

Immédiatement après la mort de Mazarin, Louis XIV annonça le 10 mars 1661 qu’il ne prendrait plus de ministre principal pour s’occuper et diriger les affaires du royaume. Il a décidé de prendre en charge seul toutes les décisions à partir de cette date. Pour clarifier ce choix à l’ensemble de la noblesse, il fait emprisonner, en septembre 1661, le surintendant des Finances Nicolas Fouquet, à la suite de la présentation de l’état des finances du pays par Jean-Baptiste Colbert.

Le roi, fort mécontent de la gestion financière désastreuse, avait constaté l’immense enrichissement du surintendant Fouquet, alors que le pays souffrait terriblement des impôts et taxes en tous genres.

Le roi réorganisa ensuite le Conseil, organe suprême des décisions, appelé désormais Conseil d’en haut (parce que celui-ci se réunissait au premier étage du château de Saint-Germain-en-Laye puis du château de Versailles). Il y exclut les membres de droit comme la reine mère, les princes du sang et le chancelier.

Le Contrôleur général des Finances devint, sous son autorité directe, le personnage-clé. L’État des Finances remplaça l’État de justice. Cependant, Louis XIV n’avait pas de prise directe sur le pays, sur les quarante-six mille titulaires d’offices de judicature, de police ou de finance, tous propriétaires de leur charge transmissible. Ceux-ci étaient de ce fait indépendants et indociles.

Louis XIV, conscient du fait que le système mis en place par Richelieu et poursuivi par Mazarin, basé sur un ministre principal, ne lui permettait pas d’avoir une grande liberté de manœuvre. En effet, ce ministre gérait tous les rouages du pays à l’aide d’une « clientèle » savamment choisie et récompensée. Aussi choisit-il de faire jouer la concurrence entre deux clans, les Colbert et les Le Tellier-Louvois. Par ce jeu de bascule dans ses décisions, il élargit son espace politique, même s’il était contraint de composer avec eux.

À la mort de l’un des deux personnages, Louvois, en juillet 1691, Louis XIV, alors âgé de cinquante-deux ans, préféra s’impliquer directement dans le travail ministériel à la place de celui-ci. Les ministres, les commis, les conseillers lui rendaient compte directement.

Cette implication directe du roi avait, dans la faible organisation administrative du royaume de l’époque, eut pour désagréable conséquence qu’il fut fort sollicité. Celui-ci n’était plus accessible et renforça l’isolement du pouvoir royal vis-à-vis de la société. Le seul point positif est que, de ce fait, le roi avait réussi à domestiquer la haute noblesse et à discipliner la haute aristocratie trop souvent turbulente et frondeuse.

Parler économie et finance sous Louis XIV implique d’aborder l’œuvre multi-domaines de Jean-Baptiste Colbert. Celui-ci était un ancien intentant de Mazarin, issu d’un lignage rémois puissant, enrichi par la banque et le négoce international, fut ministre d’État. Il fut aussi contrôleur général des Finances, secrétaire d’État à la Maison du roi et de la Marine, surintendant des Bâtiments et Manufactures. Son domaine de compétence couvrait aussi la justice, le commerce, les arts, les lettres et enfin une partie de l’administration du royaume.

Jean-Baptiste Colbert, bourreau de travail, froid, bourru et brutal, avait aussi un esprit machiavélique qui se fit jour particulièrement lors du procès de Nicolas Fouquet. Il fut aussi, côté sombre du personnage, l’homme des galères et de la traite négrière (Code noir). Pour sa défense, au contact direct du roi à partir de 1661, il devint un inlassable serviteur, fidèle et dévoué.

Jean-Baptiste Colbert mit de l’ordre dans la comptabilité publique. À l’égard des particuliers, il chercha à rééquilibrer l’impôt. Il pourchassa les exemptés, les titulaires de certains offices, les bourgeois des villes et les usurpateurs de noblesse qui cherchaient à échapper à certains impôts comme la taille par l’usage frauduleux de la particule (de).

Louis XIV pouvait le féliciter car en dix ans, les revenus nets du royaume avaient plus que doublé. Jean-Baptiste Colbert veilla à l’amélioration du réseau routier et à la réalisation de certains canaux améliorant les voies navigables (canal du Midi, canal reliant la Méditerranée à l’océan Atlantique).

De plus, il pilota l’aménagement des ports et arsenaux permettant la construction d’une flotte de guerre et de commerce permettant de structurer un commerce international avec les colonies (compagnie des Indes, des Indes orientales, du Nord, du Levant, du Sénégal), poursuivant le travail déjà amorcé par le Cardinal Richelieu. Il encouragea la fondation de manufactures royales (les Gobelins, Saint-Gobain, la tapisserie de Louis Hinard à Beauvais, les draperies de Van Robais à Abbeville etc…).

L’une des plus grandes réalisations de Jean-Baptiste Colbert et de son fils Seignelay fut incontestablement la constitution d’une puissante marine de guerre. De 9 vaisseaux de guerre en 1661, la flotte passa à 120 vaisseaux en 1672 puis 130 en 1688, pour atteindre 154 vaisseaux en 1691.

À ces chiffres, il faut ajouter 50 galères, qui elles, étaient basées à Marseille et à Toulon. De 1670 à 1691, la France avait la plus puissante flotte de guerre du monde, loin devant l’Angleterre et la Hollande.

 

6. La politique religieuse

Louis XIV, n’ayant pas une réelle vision du « terrain » de par ses occupations à Versailles ou sur les champs de batailles, a fait trop confiance au clergé, à ses ministres ou secrétaires d’État pour gérer la situation religieuse et plus particulièrement à tout ce qui touche de près ou de loin au culte calviniste. Aussi le roi a fait là une erreur majeure en révoquant l’Édit de Nantes.

Cette décision, prise à partir de fausses informations en provenance du clergé, de certains ordres religieux mais aussi de plusieurs organes de l’État qui souhaitaient depuis plusieurs années en finir avec les protestants, huguenots ou calvinistes, va entraîner une fuite importante à l’étranger, pourtant absolument nécessaire au royaume, d’une population aisée et intellectuelle.

À partir de 1681, certains intendants, sur la pression du clergé, organisèrent systématiquement le logement des soldats chez les réfractaires (il n’y avait pas suffisamment de casernes pour loger l’armée). Ce qui donnait souvent lieu à des scènes de pillage des caves et basses-cours (Dragonnades).

Le roi, sincèrement persuadé qu’il n’y avait plus dans son royaume qu’un nombre résiduel de réfractaires à l’Église catholique, signa, sous l’impulsion du chancelier Michel Le Tellier et de Louvois, l’édit de Fontainebleau le 18 octobre 1685.

Les conséquences furent dramatiques : départ pour l’étranger (partout en Europe et aux États-Unis) de plus de deux cent mille religionnaires qui n’avaient pas d’autre solution, faute d’être condamnés à des peines importantes de prison voire de « galère ». Un grand nombre d’entre eux, émigrés dans ces pays européens (principalement en Hollande et en Prusse), se retourneront contre la France dans les prochaines guerres.

 

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