Vers la Révolution
À la fin du XVIIIe siècle, les transformations inéluctables, de la société (arrivée des bourgeois, de plus en plus nombreux, intégration de ceux-ci de plus en plus souvent à la noblesse, extrême pauvreté du peuple seul à supporter les impôts de plus en plus lourds à cause des guerres et du Petit Age glaciaire, pressions intolérables des parlements, etc…), provoquent à la fois une réaction d’autodéfense des anciennes couches dirigeantes et une frustration des nouvelles, issues de la bourgeoisie urbaine.
Le roi Louis XVI, en s’inclinant devant les privilégiés (noblesse, clergé, magistrats des Parlements), en ne mesurant pas suffisamment l’aspiration à une meilleure mobilité sociale, en creusant inutilement les déficits (guerre d’indépendance des États-Unis), se condamne à avoir face à lui, l’ensemble des mécontents. Sans pour autant apporter un remède efficace au déficit financier du royaume, raison principalement évoquée pour réunir les États généraux.
Après Louis XIV, la fonction politique de la cour s’estompant (de nombreux habitués de Versailles vivant sans charges, offices ou responsabilités d’État), la société de cour acquiert une image d’oisiveté et de débauche. Une partie de la noblesse, qui s’est réinstallée à Paris, donc loin du roi, retrouve une grande liberté de mouvement et de perversion. D’autre part, cette noblesse, voulant préserver ses privilèges, fait pression sur le roi pour limiter le passage de la bourgeoisie au statut de noble et de la petite noblesse au grade d’officier dans l’armée.
Comme le souligne Alexis de Tocqueville, dans son livre « L’Ancien Régime et la Révolution » de 1856, l’inégalité des statuts, avant la Révolution, jurait avec l’égalité croissante des conditions et des modes de vie, créant une « cascade de mépris ». Il y avait de plus en plus de revendications en provenance de la bourgeoisie des villes, de plus en plus nombreuse et de plus en plus riche, mais aussi, de la basse noblesse. Cette dernière, de plus en plus pauvre, souhaitait partager les privilèges de la haute noblesse, des bourgeois et du clergé.
Comme le souligne encore Alexis de Tocqueville (Livre II, chapitre XII), « le bas peuple, surtout composé de paysans, était ignoré, isolé et souvent méprisé par tous ceux qui vivaient en ville (noblesse, clergé, membres des Parlements, avocats, clercs, notaires et députés du Tiers-état, bourgeois) ». Il continuait à souffrir en silence, dans l’indifférence totale. « La haine des classes, entrent-elles, était de plus en plus dure et évidente » (Livre II, chapitre XIII). Les gentilshommes contre les bourgeois et vis versa. Les roturiers contre la noblesse, les fonctionnaires ou propriétaires de charges contre les bourgeois. Tous ceux, qui étaient propriétaires de charge ou d’office, étaient exemptés de certains impôts, droits féodaux ou redevances seigneuriales.
Si dans les années 1780, le roi Louis XVI avait supprimé ou fortement réduit les privilèges et droits seigneuriaux, de la noblesse, du clergé et des bourgeois, le sentiment flagrant d’injustice se serait moins répandu.
Le roi ne s’est pas véritablement rendu compte des complots en préparation au sein même de la noblesse, ni des jalousies de plus en plus évidentes depuis 1787, y compris dans sa propre famille, la Maison d’Orléans. Tout cela a contribué à préparer, ce qui deviendra la Révolution de juillet 1789.
Louis XVI, mal conseillé, a surtout trop attendu, avant de freiner les révoltes des parlements (magistrats, avocats, officiers d’État) et s’est mis à dos, une grande partie des trois ordres. Il va, inconsciemment ou par faiblesse, faire le jeu d’une minorité agissante.
Ce qui va provoquer la convocation des États généraux d’une part, et d’autre part, la scission entre noblesse et clergé d’un côté et le Tiers état de l’autre. Dans ce dernier, sont très fortement représentés aux États généraux comme députés (650 sur 1200 députés au total), les magistrats et avocats des parlements (470 députés sur 650 députés du Tiers-état) et les nouveaux bourgeois (180 députés sur 650 députés du Tiers-état). Le Bas peuple est totalement absent des États généraux.
D’autre part, la crise climatique s’invita dès le printemps 1788. Toute l’année, fort humide, de nombreux orages de grêle avaient anéanti les récoltes du nord de la France. S’ensuivit un automne et un hiver extrêmement rigoureux, paralysant les échanges commerciaux et entraînant une absence cruelle des réserves de grains. À ce problème climatique, s’ajoutèrent les effets désastreux du traité franco-anglais Eden-Rayneval de septembre 1786, qui entraîna des faillites en chaîne dans l’industrie textile.
Les conséquences furent très dures, pour toute la population : Flambée du prix du pain, pillage de boulangerie, explosion de la misère dans les campagnes surpeuplées, augmentation perceptible de miséreux et d’individus suspects dans la région parisienne. Dans ce contexte social extrêmement tendu, s’est déclenchée à Paris, le 28 avril 1789, une violente émeute contre deux riches industriels du faubourg Saint-Antoine. Il s’agissait du manufacturier de papiers peints Réveillon et du fabricant de salpêtre Henriot, accusés de réduire sensiblement l’indemnité journalière de travail.
Quelques traces écrites concernant cet événement laissent à penser que cette révolte a été organisée par le duc d’Orléans et les responsables de ces entreprises. Le nouveau montant de l’indemnité quotidienne de travail ne permettait plus à chacun d’acheter son unique pain chaque jour. La révolte des employés de ces établissements fut violemment réprimée par la troupe. Cette répression implacable fit plus de morts et de blessés que le 14 juillet 1789. Une douzaine de morts du côté de la troupe et plus de deux cents du côté des émeutiers.
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La suite dans le chapitre « Les États généraux »…