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Testament politique de Louis XVI

Suivant Jacques de Saint Victor, le document que Louis XVI avait écrit avant sa fuite pour Montmédy et son arrestation à Varennes-en-Argonne le 21 juin 1791, disparu depuis la Révolution française, a été retrouvé, caché dans une collection américaine et acquis par un Français, Gérard Lhéritier collectionneur de manuscrits anciens et président de la société Aristophil.

D’après les recherches effectuées par Jacques de Saint Victor, le document titré « Déclaration à tous les Français » et appelé depuis, par les historiens « Testament politique de Louis XVI », composé de seize pages manuscrites, est celui que le roi avait demandé à son intentant, à remettre, après son départ, au président de l’Assemblée Nationale Constituante, le 21 juin 1791. C’est donc Alexandre de Beauharnais, alors président de l’Assemblée et premier époux de Joséphine, la future impératrice des Français, qui recueille ce document.

Convaincu de son départ pour Metz, Louis XVI rédige un long texte daté du 20 juin 1791, dans lequel le roi, libéré des contraintes, des faux-semblants et des réserves qu’il a toujours dû s’imposer, depuis le début de la Révolution et se voyant déjà loin de Paris et de l’Assemblée. Il livre ici sa véritable conception des événements révolutionnaires, vécus depuis les États généraux de mai 1789, et exprime sa vision d’un idéal politique, avec une monarchie constitutionnelle mais avec un monarque puissant.

Dans sa biographie de Louis XVI, Jean-Christian Petitfils, historien et écrivain réputé, spécialiste des rois bourbons, insiste, à juste titre, sur le caractère essentiel de ce document pour mieux comprendre l’évolution de la pensée du roi depuis les États généraux. Pour Jean-Christian Petitfils, « la plupart des historiens, à propos de la déclaration royale, ne lui ont pas donné l’importance qu’elle mérite » et ajoute : » Ils l’ont soit négligée, soit hâtivement lue et commentée ».

Le contenu de ce document est connu de beaucoup car copié et reproduit dans de nombreux documents parlementaires (dont certains aux Archives parlementaires et publiés sous le Second Empire) avant la redécouverte de l’original.

Ce document sera utilisé comme pièce à charge lors du procès du roi sous la « Terreur » et par Lindet le 10 décembre 1792 à la Convention, pour « prouver » la duplicité de Louis XVI et de ses « mauvaises » intentions.

Dans ce document, dont vous trouverez ci-après une copie du texte dans son ensemble, Louis XVI dresse le portrait d’un souverain (lui-même) qui, comme c’est l’usage à l’époque, utilise la troisième personne du singulier pour évoquer son action ou ses pensées. On y découvre un roi très attaché à son peuple, à sa foi, aux traditions françaises, à la justice et à une certaine forme de modernité.

Attention : certains mots ou expressions utilisés par le roi sont à remettre dans le contexte de l’époque.

 

« Déclaration de Louis XVI à tous les Français.

 

Tant que le Roi a pu espérer voir renaître l’ordre et le bonheur du royaume par les moyens employés par l’Assemblée nationale, et par sa résidence auprès de cette Assemblée dans la capitale du Royaume, aucun sacrifice personnel ne lui a coûté ; il n’aurait pas même argué de la nullité dont le défaut absolu de liberté entache toutes les démarches qu’il a faites depuis le mois d’octobre 1789, si cet espoir eût été rempli. Mais aujourd’hui que la seule récompense de tant de sacrifices est de voir la destruction de la royauté, de voir tous les pouvoirs méconnus, les propriétés violées, le sûreté des personnes mise partout en danger, les crimes rester impunis, et une anarchie complète s’établir au-dessus des lois, sans que l’apparence d’autorité que lui donne la nouvelle Constitution soit suffisante pour réparer un seul des maux qui affligent le royaume, le Roi, après avoir solennellement protesté contre tous ces actes émanés de lui pendant sa captivité, croit devoir mettre sous les yeux des Français et de tout l’Univers le tableau de sa conduite, et celui du Gouvernement qui s’est établi dans le Royaume.

On a vu Sa Majesté, au mois de juillet 1789, pour écarter tout sujet de défiance, renvoyer les troupes qu’elle n’avait appelées auprès de sa personne qu’après que les étincelles de révolte s’étaient déjà manifestées dans Paris et dans le régiment même de ses gardes. Le Roi, fort de sa conscience et de la droiture de ses intentions, n’a pas craint de venir seul parmi les citoyens armés de la Capitale.

Au mois d’octobre de la même année, le Roi, prévenu depuis longtemps des mouvements que les factieux cherchaient à exciter, dans la journée du 5 fut averti assez à temps pour pouvoir se retirer où il eût voulu ; mais il craignit qu’on ne se servît de cette démarche pour allumer la guerre civile, et il aima mieux se sacrifier personnellement, et ce qui était plus déchirant pour son cœur, mettre en danger la vie des personnes qui lui sont le plus chères. Tout le monde sait les événements de la nuit du 6 octobre, et l’impunité qui les couvre depuis près de deux ans. Dieu seul a empêché l’exécution des plus grands crimes, et a détourné de la nation française une tache qui aurait été ineffaçable.

Le Roi, cédant au vœu manifesté par l’armée des Parisiens, vint s’établir avec sa famille au château des Tuileries. Il y avait plus de cent ans que les Rois n’y avaient fait résidence habituelle, excepté dans la minorité de Louis XV. Rien n’était prêt pour recevoir le Roi, et la disposition des anciens appartements est bien loin de procurer les commodités auxquelles Sa Majesté était accoutumée dans les autres maisons Royales, et dont tout particulier qui a de l’aisance peut jouir. Malgré la contrainte qui avait été apportée, et les incommodités de tout genre qui suivaient le changement de séjour du Roi, fidèle au système de sacrifice que Sa Majesté s’était fait pour procurer la tranquillité publique, elle crut, dès le lendemain de son arrivée à Paris, devoir rassurer les provinces sur son séjour dans la Capitale, et inviter l’Assemblée à se rapprocher de lui, en venant continuer ses travaux dans la même ville.

Mais un sacrifice plus pénible était réservé au cœur de Sa Majesté ; il fallut qu’elle éloignât d’elle les gardes du corps de la fidélité desquels elle venait d’avoir une preuve bien éclatante dans la funeste matinée du 6 ; deux avaient péri victimes de leur attachement au Roi et sa famille, et plusieurs autres blessés grièvement en exécutant strictement les ordres du Roi qui leur avait défendu de tirer sur la multitude égarée. L’art des factieux a été bien grand pour faire envisager sous des couleurs si noires une troupe aussi fidèle, et qui venait de mettre le comble à la bonne conduite qu’elle avait toujours tenue. Mais ce n’était pas tant contre les gardes du corps que leur intention était dirigée, c’était contre le Roi lui-même. On voulait l’isoler entièrement en le privant du service de ses gardes du corps dont on n’avait pas pu égarer les esprits, comme on avait réussi auprès de ceux du régiment des Gardes Françaises qui, peu de temps auparavant, était le modèle de l’armée.

C’est aux soldats de ce même régiment, devenu troupe soldée par la ville de Paris, et aux Gardes Nationaux volontaires de cette même ville, que la garde du Roi a été confiée. Ces troupes sont entièrement sous les ordres de la municipalité de Paris, dont le commandement général relève, et le Roi s’est vu par là prisonnier dans ses propres États ; car comment peut-on appeler autrement l’état d’un Roi qui ne commande à sa Garde que pour les choses de parade, qui ne nomme à aucune des places, et qui même est obligé de se voir entouré de plusieurs personnes dont il connait les mauvaises intentions pour lui et pour sa famille ?

Ce n’est pas pour inculper la Garde Nationale parisienne et les troupes du centre, c’est pour faire connaître l’exacte vérité que le Roi relève ces faits ; et en la faisant connaître, il aime à rendre justice au zèle pour le bon ordre et à l’attachement qu’en général cette troupe lui a montrés pour sa personne, lorsque les esprits ont été laissés à eux-mêmes, et qu’ils n’ont pas égarés par les clameurs et les mensonges des factieux.

Mais plus le Roi a fait de sacrifices pour le bonheur de ses peuples, plus les factieux ont travaillé pour qu’ils en méconnussent le prix, et présenté la royauté sous les couleurs les plus fausses et les plus odieuses.

La convocation des États généraux, le doublement des députés du Tiers État, les peines que le Roi a prises pour aplanir toutes les difficultés qui pouvaient retarder l’assemblée des États Généraux, et celles qui s’étaient élevées depuis leur ouverture ; tous les retranchements que le Roi avait faits sur sa dépense personnelle, tous les sacrifices qu’il a faits à ses peuples dans la séance du 23 juin, enfin la réunion des Ordres, opérée par la manifestation du vœu du Roi, mesure que Sa Majesté jugea alors indispensable pour l’activité des États Généraux : tous ses soins, toutes ses peines, toute sa générosité, tout son dévouement pour son peuple, tout a été méconnu, tout a été dénaturé.

Lorsque les États Généraux s’étant donnés le nom d’Assemblée nationale, ont commencé à s’occuper de la Constitution du royaume, qu’on se rappelle les mémoires que les factieux ont eu l’adresse de faire venir de plusieurs provinces, et les mouvements de Paris, pour faire manquer les députés à une des principales clauses portées dans tous leurs cahiers, qui portait que — la confection des lois se ferait de concert avec le Roi –. Au mépris de cette clause l’Assemblée a mis le Roi tout à fait hors de la Constitution en lui refusant le droit d’accorder ou de refuser sa sanction aux articles qu’elle regarde comme constitutionnels, en se réservant le droit de ranger dans cette classe tous ceux qu’elle juge à propos, et en restreignant sur ceux purement législatifs, la prérogative royale à un droit de suspension jusqu’à la troisième législature, droit purement illusoire, comme tant d’exemples ne le prouvent que trop.

Que reste-t-il au Roi autre chose que le vain simulacre de la royauté ? On lui a donné vingt-cinq millions pour sa Liste civile ; mais la splendeur de la Maison qu’il doit entretenir pour faire honneur à la dignité de la Couronne de France, et les charges qu’on a rejetées dessus, même depuis l’époque où ces fonds ont été réglés, doivent en absorber la totalité. On lui a laissé l’usufruit de quelques-uns des domaines de la Couronne, avec plusieurs formes gênantes pour leur jouissance. Ces domaines ne sont qu’une petite partie de ceux que les Rois ont possédé de toute ancienneté, ou des patrimoines des ancêtres de Sa Majesté qu’ils ont réunis, ils dépasseraient de beaucoup les sommes allouées pour l’entretien du Roi et de sa famille, et qu’alors il n’en coûterait rien au peuple pour cette partie.

Une remarque qui coûte à faire au Roi, est l’attention qu’on eue de séparer, dans tous les arrangements sur la finance et toutes les autres parties, les services rendus au Roi personnellement, ou à l’État, comme si ces objets n’étaient pas vraiment inséparables, et que les services rendus à la personne du Roi ne l’étaient pas à l’État.

Qu’on examine ensuite les diverses parties du gouvernement :

LA JUSTICE. Le Roi n’a aucune participation à la confection des lois, il a le simple droit d’empêcher jusqu’à la troisième législature sur les objets qui ne sont pas réputés constitutionnels, et celui de prier l’Assemblée nationale de s’occuper de tel ou tel objet, sans avoir le droit d’en faire la proposition formelle. La Justice se rend au nom du Roi, les provisions des juges sont expédiées par lui, mais ce n’est qu’une affaire absolument de forme, et le Roi a seulement la nomination des commissaires du Roi, places nouvellement créées qui n’ont qu’une partie des attributions des anciens procureurs généraux, et sont seulement destinés à faire maintenir l’exécution des formes : toute la partie publique est dévolue à un autre officier de justice. Ces places de commissaires sont à vie et non révocables, pendant que l’exercice de celles de juges ne doit durer que six années. Un des derniers décrets de l’Assemblée vient de priver le Roi d’une des plus belles prérogatives attachées partout à la Royauté : celle de faire grâce et de commuer les peines. Quelques parfaites que soient les lois, il est impossible qu’elles prévoient tous les cas ; et ce sera alors les jurés qui auront véritablement le droit de faire grâce, en appliquant suivant leur volonté le sens de la loi, quoique les apparences paraissent contraires. D’ailleurs combien cette disposition ne diminue-t-elle pas la Majesté Royale aux yeux des peuples, étant accoutumés depuis si longtemps à recourir au Roi dans leurs besoins et dans leurs peines, et à voir en lui le père commun qui pouvait soulager leurs afflictions !

L’ADMINISTRATION INTÉRIEURE. Elle est tout entière dans les mains des départements, des districts et des municipalités, ressorts trop multipliés qui nuisent au mouvement de la machine, et qui souvent peuvent se croiser. Tous ces corps sont élus par le peuple et ne ressortissent du gouvernement, d’après les décrets, que pour leur exécution et celle des ordres particuliers qui en sont la suite. D’un côté ils n’ont aucune grâce à en attendre, et de l’autre les manières de punir ou de réprimer leurs fautes, comme elles sont établies par les décrets, ont des formes si compliquées qu’il faudrait des cas bien extraordinaires pour pouvoir s’en servir, ce qui réduit à bien peu de chose la surveillance que les ministres doivent avoir sur eux. Ces corps ont d’ailleurs acquis peu de force et de considération, et les Sociétés des Amis de la Constitution qui ne sont pas responsables, on a vu plusieurs exemples que, quelque bonne volonté qu’ils eussent pour maintenir le bon ordre, ils n’ont pas osé se servir des moyens que la loi leur donnait, par la crainte du peuple poussé par d‘autres instigations.

Les corps électoraux, quoiqu’ils n’aient aucune action, et soient restreints aux élections, ont une force réelle par leur masse, par leur durée biennale, et par la crainte naturelle aux hommes, et surtout à ceux qui n’ont pas d’état fixe, de déplaire à ceux qui peuvent servir ou nuire.

La disposition des forces militaires est, par les décrets, dans la main du Roi. Il a été déclaré chef suprême de l’Armée et de la Marine. Mais tout le travail de formation de ces deux armes a été fait par les Comités de l’Assemblée sans la participation du Roi ; tout, jusqu’au moindre règlement de discipline, a été fait par eux ; et s’il reste au Roi le tiers ou le quart des nominations, suivant les occasions, ce droit devient à peu près illusoire par les obstacles et les contrariétés sans nombre que chacun se permet contre les choix du Roi. On l’a vu être obligé de refaire tout le travail des officiers généraux de l’Armée, parce que ces choix déplaisaient aux Clubs ; en cédant ainsi, Sa Majesté n’a pas voulu sacrifier d’honnêtes et braves militaires, et les exposer aux violences qu’on aurait sûrement exercées contre eux, comme on n’en a vu que de trop fâcheux exemples. Les Clubs et les corps administratifs se mêlent des détails intérieurs des troupes qui doivent être absolument étrangers même à ces derniers, n’ayant que le droit de requérir la force publique lorsqu’ils pensent qu’il y a lieu à l’employer. Ils se sont servis de ce droit quelques fois même pour contrarier les dispositions du gouvernement sur la distribution des troupes, de manière qu’il est arrivé plusieurs fois qu’elles ne se trouvaient pas où elles devaient être. Ce n’est qu’aux Clubs qu’on doit attribuer l’esprit de révolte contre les officiers et la discipline militaire qui se répand dans beaucoup de régiments, et qui, si on n’y met bon ordre efficacement, sera la destruction de l’Armée. Que devient une armée quand elle n’a plus ni chefs ni discipline ? Au lieu d’être la force et la sauvegarde d’un État, elle en devient alors la terreur et le fléau. Combien les soldats français, quand ils auront les yeux dessillés, ne rougiront-ils pas de leur conduite, et ne prendront-ils pas en horreur ceux qui ont perverti le bon esprit qui régnait dans l’Armée et la Marines Françaises ? Funestes dispositions que celles qui ont encouragé les soldats et les marins à fréquenter les Clubs ! Le Roi a toujours pensé que la loi doit être égale pour tous ; les officiers qui sont dans leur tort doivent être punis, mais ils doivent l’être, comme les subalternes, suivant les dispositions établies par les lois et règlements. Toutes les portes doivent être ouvertes pour que le mérite se montre et puisse avancer ; tout le bien-être qu’on peut donner aux soldats est juste et nécessaire ; mais il ne peut pas y avoir d’armée sans officiers, et il n’y en aura jamais tant que les soldats se croiront en droit de juger la conduite de leurs chefs.

AFFAIRES ETRANGERES. La nomination aux places de ministres dans les Cours étrangères a été réservée au Roi, ainsi que la conduite des négociations ; mais la liberté du Roi pour ces choix est aussi nulle que pour ceux des officiers de l’Armée ; on en a vu l’exemple à la dernière nomination. La révision et confirmation des traités, que s’est réservée l’Assemblée nationale, et la nomination d’un Comité diplomatique, détruit (sic) absolument la seconde disposition. Le droit de faire la guerre ne serait qu’un droit illusoire, parce qu’il faudrait être insensé pour croire qu’un roi qui n’est ni ne veut être despote, allât, de but en blanc, attaquer un autre royaume lorsque le vœu de la nation s’y opposerait et qu’elle n’accorderait aucun subside pour la soutenir. Mais le droit de faire la paix est d’un tout autre genre. Le Roi, qui ne fait qu’un avec la nation, qui ne peut avoir d’autre intérêt que le sien, connaît ses besoins et ses ressources, et ne craint pas alors de prendre les engagements qui lui paraissent propres à assurer son bonheur et sa tranquillité. Mais quand il faudra que les conventions subissent la révision et la confirmation de l’Assemblée nationale, aucune puissance étrangère ne voudra prendre des engagements qui peuvent être rompus par d’autres que celui avec qui elle contracte ; et alors, tous les pouvoirs se concentrent dans cette même Assemblée. D’ailleurs, quelque franchise qu’on mette dans les négociations, est-il possible d’en confier le secret à une Assemblée dont les libérations sont nécessairement publiques !

FINANCES. Le Roi, avait déclaré, bien avant la convocation des États Généraux, qu’il reconnaissait dans les Assemblées de la nation le droit d’accorder des subsides, et qu’il ne voulait plus imposer les peuples sans leur consentement. Tous les cahiers des députés des États Généraux s’étaient accordés à mettre le rétablissement des finances au premier rang des objets dont cette Assemblé devait s’occuper ; quelques-uns y avaient mis des restrictions pour des articles à faire décider préalablement. Le Roi a levé les difficultés que ces restrictions auraient pu occasionner, en allant au-devant lui-même et accordant, dans la séance du 23 juin, tout ce qui avait été désiré. Le 4 février 1790, le Roi a pressé l’Assemblée de s’occuper efficacement d’un objet si important ; elle ne s’en est occupée que tard et d’une manière qui peut paraître imparfaite. Il n’y a point encore de tableau exactement fait des recettes et des dépenses, et des ressources qui peuvent servir à combler le déficit. On s’est laissé aller à des calculs hypothétiques. L’Assemblée s’est pressée de détruire plusieurs impôts dont la lourdeur, à la vérité, pesait beaucoup sur le peuple, mais qui donnaient des ressources assurées ; elle les a remplacées par un impôt presque unique dont la levée exacte sera peut-être très difficile. Les contributions ordinaires sont à présent très arriérées, et la ressource extraordinaire des douze premiers millions d’assignats est déjà presque consommée. Les dépenses des départements de la Guerre et de la Marine, au lieu d’être diminuées, sont augmentées, sans y comprendre celles que des armements nécessaires ont occasionnées dans la dernière année. Pour l’administration de ce département, les rouages ont été fort multipliés, en en confiant les recettes aux administrations de districts. Le Roi qui le premier n’avait pas craint de rendre publics les comptes de son administration des finances, et avait montré la volonté que les comptes publics fussent établis comme une règle du gouvernement, a té rendu, si cela est possible, encore plus étranger à ce département qu’aux autres ; et les préventions, les jalousies, et les récriminations contre le gouvernement ont été plus répandues encore sur cet objet. Le règlement des fonds, le recouvrement des impositions, la répartition entre les départements, les récompenses pour services rendus, tout a été ôté à l’inspection du Roi, et il ne lui reste que quelques stériles nominations de cette administration, et s’il était possible que la machine du gouvernement pût aller sans sa surveillance directe sur la gestion des finances, il regretterait que de ne pouvoir plus travailler par lui-même à établir un ordre qui pût faire parvenir à la diminution des impositions–objet qu’on sait que Sa Majesté a toujours vivement désiré, et qu’elle eût pu effectuer sans les dépenses de la dernière guerre–, et de ne plus avoir la distribution des secours pour le soulagement des malheureux.

Enfin par les décrets le Roi est déclaré chef suprême de l’administration du royaume ; d’autres décrets subséquents ont réglé l’organisation du ministère, de manière que le Roi, que cela doit regarder plus directement, ne peut pourtant y rien changer sans décision de l’Assemblée. Le système des chefs du parti dominant a été si bien suivi, de jeter une telle méfiance sur tous les agents du gouvernement, qu’il devient presque impossible aujourd’hui de remplir les places de l’administration. Tout gouvernement ne peut pas marcher ni subsister sans une confiance réciproque entre les administrateurs et les administrés, et les derniers règlements proposés à l’Assemblée nationale sur les peines à infliger aux ministres ou aux agents du pouvoir exécutif qui seraient prévaricateurs, ou seraient jugés avoir dépassé les limites de leur puissance, doivent faire naître toutes sortes d’inquiétudes, –ces dispositions pénales s’étendent même jusqu’aux subalternes, ce qui détruit toute subordination, les inférieurs ne devant jamais juger les ordres de leurs supérieurs qui sont responsables de ce qu’ils ordonnent– . Ces règlements, par la multiplicité des précautions et des genres de délits qui y sont indiqués, ne tendent qu’à inspirer de la méfiance au lieu de la confiance qui serait nécessaire.

 

Cette forme de gouvernement, si vicieuse en elle-même, le devient plus encore par deux causes :

1er/ L’Assemblée, par le moyen de ses Comités, excède à tout moment les bornes qu’elle s’est prescrites ; elle s’occupe d’affaires qui tiennent uniquement à l’administration intérieure du royaume et à celle de la Justice, et cumule ainsi tous les pouvoirs. Elle exerce même par son Comité des Recherches, un véritable despotisme plus barbare et plus insupportable qu’aucun de ceux dont l’histoire n’ait jamais fait mention.

2°/ Il est établi dans presque toutes les villes, et même dans plusieurs bourgs et villages du Royaume, des associations connues sous le nom des Amis de la Constitution : contre la teneur des décrets, elles ne souffrent aucune autre qui ne soit pas affiliée avec elles, ce qui forme une immense corporation plus dangereuse qu’aucune de celles qui existaient auparavant. Sans y être autorisées, mais même au mépris de tous les décrets, elles délibèrent sur toutes les parties du gouvernement, correspondent entre elles sur tous les objets, font et reçoivent des dénonciations, affiches des arrêtés, et ont pris une telle prépondérance que tous les corps administratifs et judiciaires, sans en excepter l’Assemblée nationale elle-même, obéissent presque toujours à leurs ordres. Le Roi ne pense pas qu’il soit possible de gouverner un royaume d’une si grande étendue et d’une si grande importance que la France par les moyens établis par l’Assemblée nationale tels qu’ils existent à présent. Sa Majesté, en accordant à tous les décrets indistinctement une sanction qu’elle savait bien ne pas pouvoir refuser, y a été déterminée par le désir d’éviter toute discussion que l’expérience lui avait appris être au moins inutile ; elle craignait de plus qu’on ne pensât qu’elle voulut retarder ou faire manquer les travaux de l’Assemblée nationale à la réussite desquels la nation prenait un si grand intérêt. Elle mettait sa confiance dans les gens sages de cette Assemblée qui reconnaissaient qu’il était plus aisé de détruire un gouvernement que d’en reconstruire un sur des bases toutes différentes, et qui avaient plusieurs fois senti la nécessité, lors de la révision annoncée des décrets, de donner une force d’action et de coaction nécessaire à tout gouvernement ; ils reconnaissaient aussi l’utilité d’inspirer pour ce gouvernement et pour les lois qui doivent assurer la prospérité et l’état de chacun, une confiance telle qu’elle ramenât dans le royaume tous les citoyens que le mécontentement dans quelques-uns, et dans la plupart la crainte pour leur vie ou pour leur propriété, ont forcés de s’expatrier.

Mais plus l’Assemblée approche du terme de ses travaux, plus on voit les gens sages perdre leur crédit, plus les dispositions qui ne peuvent mettre que de la difficulté et même de l’impossibilité dans la conduite du gouvernement, et inspirer pour lui de la méfiance et de la défaveur, augmentent tous les jours. Les autres règlements, au lieu de jeter un baume salutaire sur les plaies qui saignent encore dans plusieurs provinces, ne font qu’accroître les inquiétudes et aigrir les mécontentements. L’esprit des Clubs domine tout et envahit tout, les mille journaux et pamphlets calomniateurs et incendiaires qui se répandent journellement ne sont que leurs échos, et préparent les esprits de la manière dont ils veulent les conduire. L’Assemblée nationale n’a jamais osé remédier à cette licence bien éloignée d’une vraie liberté ; elle a perdu son crédit et même la force dont elle aurait besoin pour revenir sur ses pas et changer ce qui lui paraîtrait bon à corriger. On voit par l’esprit qui règne dans les Clubs, et la manière dont ils s’emparent des nouvelles assemblées primaires, ce qu’on doit attendre d’eux ; et s’ils laissent apercevoir quelques dispositions à revenir sur quelque chose, c’est pour détruire les restes de la royauté que les premiers décrets ont laissé subsister, et établir un gouvernement métaphysique et philosophique impossible dans son exécution.

Français, est-ce là ce que vous attendiez en envoyant vos représentants à l’Assemblée nationale ? Désiriez-vous que l’anarchie et le despotisme des Clubs remplaçât le gouvernement monarchique sous lequel la nation a prospéré pendant quatorze cents ans ? Désiriez-vous voir votre Roi comblé d’outrages et privé de sa liberté pendant qu’il ne s’occupait que d’établir la vôtre ?

L’amour pour ses rois est une des vertus des Français, et Sa Majesté en a reçu personnellement des marques trop touchantes pour pouvoir jamais les oublier. Les factieux sentaient bien que tant que cet amour subsisterait, leur ouvrage ne pourrait jamais s’achever. Ils sentirent également que pour l’affaiblir, il fallait, s’il était possible, anéantir le respect qui l’a toujours accompagné ; et c’est la source de tous les outrages que le Roi a reçus depuis deux ans, et de tous les maux qu’il a soufferts. Sa Majesté n’en retracerait pas ici l’affligeant tableau si elle ne voulait faire connaître à ses fidèles sujets l’esprit de ces factieux qui déchirent le sein de la patrie en feignant de vouloir la régénérer.

Ils profitèrent de l’espèce d’enthousiasme où l’on était pour M. Necker, pour lui procurer sous les yeux mêmes du Roi un triomphe d’autant plus éclatant que dans le même instant les gens qu’ils avaient soudoyés pour cela affectèrent de ne faire aucune attention à la présence du Roi. Enhardis par ce premier essai, ils osèrent dès le lendemain, à Versailles, faire insulter M. l’archevêque de Paris, le poursuivre à coups de pierres, et mettre sa vie dans le plus grand danger. Lorsque l’insurrection éclata dans Paris, un courrier que le Roi avait envoyé fut arrêté, publiquement fouillé, et les lettres du Roi même furent ouvertes. Pendant ce temps l’Assemblée nationale semblait insulter à la douleur de Sa Majesté en ne s’occupant qu’à combler de marques d’estime ces mêmes ministres dont le renvoi a servi de prétexte à l’insurrection, et que depuis elle n’a pas mieux traités pour cela. Le Roi s’étant déterminé à aller porter lui-même des paroles de paix dans la capitale, des gens apostés sur toute la route eurent grand soin d’empêcher ces cris de vive le Roi si naturels aux Français, et les harangues qu’on lui fit, loin de porter l’expression de la reconnaissance, ne furent remplis que d’une ironie amère.

Cependant on accoutumait de plus en plus le peuple au mépris de la royauté et des lois : celui de Versailles essayait de prendre deux hussards à la grille du château, arrachait un parricide au supplice, s’opposait à l’entrée d’un détachement de chasseurs destiné à maintenir le bon ordre, tandis qu’un énergumène faisait publiquement au Palais Royal la motion de venir enlever le Roi et son fils, de les garder à Paris, et d’enfermer la Reine dans un couvent, et que cette motion, loin d’être rejetée avec l’indignation qu’elle aurait dû exciter, était applaudie. L’Assemblée de son côté, non contente de dégrader la royauté par ses décrets, affectait du mépris même pour la personne du Roi, et recevait d’une manière qu’il est impossible de qualifier convenablement, les observations du Roi sur les décrets de la nuit du 4 au 5 août.

Enfin arrivèrent les journées du 5 au 6 octobre : le récit en serait superflu, et Sa Majesté l’épargne à ses fidèles sujets ; mais elle ne peut pas s’empêcher de faire remarquer la conduite de l’Assemblée pendant ces horribles scènes. Loin de songer à les prévenir ou du moins à les arrêter, elle resta tranquille et se contenta de répondre à la motion de se transporter en corps chez le Roi, que cela n’était pas de sa dignité.

Depuis ce moment, presque tous les jours ont été marqués par de nouvelles scènes plus affligeantes les unes que les autres pour le Roi, ou par de nouvelles insultes qui lui ont été faites. A peine le Roi était-il aux Tuileries qu’un innocent fut massacré, et sa tête promenée dans Paris presque sous les yeux du Roi. Dans plusieurs provinces, ceux qui paraissaient attachés au Roi ou à la Couronne, ont été persécutés, plusieurs même ont perdu la vie sans qu’il fût possible au Roi de faire punir les assassins, ou même d’en témoigner de la sensibilité. Dans le jardin même des Tuileries, tous les députés qui ont parlé contre le Roi ou contre la religion –car les factieux dans leur rage n’ont pas plus respecté l’autel que le trône — ont reçu les honneurs du triomphe, pendant que ceux qui pensent différemment y sont à tout moment insultés, et leur vie même est continuellement menacée.

A la fédération du 14 juillet 1790, l’Assemblée, en nommant le Roi par un décret spécial pour en être le chef, s’est montrée par là penser qu’elle aurait pu en nommer un autre. A cette même cérémonie, malgré la demande du Roi, la famille royale a été placée dans un endroit séparé de celui qu’il occupait, chose inouïe jusqu’à présent —C’est pendant cette fédération que le Roi a passé les moments les plus doux de son séjour à Paris ; elle s’arrête avec complaisance sur le souvenir des témoignages d’attachement et d’amour que lui ont donné les grades nationaux de toute la France rassemblés pour cette cérémonie —.

Les ministres du Roi, ces mêmes ministres que l’Assemblée avait forcé le Roi de rappeler, ou dont elle avait applaudi la nomination, ont été contraints, à force dinsultes et de menaces, de quitter leurs places, excepté un.

Mesdames, tantes du Roi, et qui étaient restées constamment près de lui, déterminées par un motif de religion, ayant voulu se rendre à Rome, les factieux n’ont pas voulu leur laisser la liberté, qui appartient à toute personne, et qui est établie par la déclaration des droits de l’homme. Une troupe, poussée par eux, s’est porté vers Bellevue pour arrêter Mesdames. Le coup ayant été manqué par leur prompt départ, les factieux ne se sont déconcertés, ils se sont portés chez Monsieur sous prétexte qu’il voulait suivre l’exemple de Mesdames ; et quoiqu’ils n’aient recueilli de cette démarche que le plaisir de lui faire une insulte, elle n’a pas été tout à fait perdue pour leur système. Cependant, n’ayant pu faire arrêter Mesdames à Bellevue, ils ont trouvé les moyens de les faire arrêter à Arnay-le-Duc, et il a fallut des ordres de l’Assemblée nationale pour les laisser continuer leur route, ceux du Roi ayant été méprisés. A peine la nouvelle de cette arrestation était-elle arrivée à Paris, qu’ils ont essayé de faire approuver par l’Assemblée nationale cette violation de toute liberté ; mais leur coup ayant manqué, ils ont excité un soulèvement pour contraindre le Roi à faire revenir Mesdames. Mais la bonne conduite de la Garde nationale —dont le Roi s’est empressé de lui témoigner sa satisfaction—ayant dissipé l’attroupement, ils recoururent à d’autres moyens.

Il ne leur avait pas été difficile d’observer qu’au moindre mouvement qui se faisait sentir, une grande quantité de fidèles sujets se rendaient aux Tuileries et formait une espèce de bataillon capable d’en imposer aux malintentionnés. Ils excitèrent une émeute à Vincennes, et firent courir à dessein le bruit que l’on se servirait de cette occasion pour se porter aux Tuileries, afin que les défenseurs du Roi pussent se rassembler comme ils l’avaient déjà fait, et qu’on pût dénaturer leurs intentions aux yeux de la Garde nationale en leur prêtant les projets des forfaits mêmes contre lesquels ils s’armaient. Ils réussirent si bien à aigrir les esprits que le Roi eut la douleur de voir maltraiter sous ses yeux, sans pouvoir les défendre, ceux qui lui donnaient les plus touchantes preuves de leur attachement. Ce fut en vain que Sa Majesté leur demanda elle-même les armes qu’on avait rendues suspectes ; ce en vain qu’ils lui donnèrent cette dernière marque de leur dévouement, rien ne put ramener ces esprits égarés qui poussèrent l’audace jusqu’à se faire livrer et briser ces mêmes armes dont le Roi s’était rendu dépositaire.

Cependant le Roi ayant été malade, se disposait à profiter des beaux jours du printemps pour aller à Saint-Cloud, comme il y avait été l’année dernière une partie de l’été et de l’automne. Comme ce voyage tombait dans la Semaine Sainte, on osa se servir de l’attachement connu du Roi pour la religion de ses Pères pour animer les esprits contre lui ; et dès le dimanche au soir, le Club des Cordeliers se permit de faire afficher un arrêté dans lequel le Roi lui-même était dénoncé comme réfractaire à la loi. Le lendemain Sa Majesté monta en voiture pour partir, mais arrivée à la porte des Tuileries, une foule parut vouloir s’opposer à son passage. Et c’est avec bien de la peine qu’on doit dire ici que la Garde nationale, loin de réprimer les séditieux, se joignit à eux et arrêta elle-même les chevaux. En vain M. de La Fayette fit-il tout ce qu’il put pour faire comprendre à cette Garde l’horreur de la conduite qu’elle tenait, rien ne put réussir. Les discours les plus insolents, les motions les plus abominables retentissaient aux oreilles de Sa Majesté ; les personnes de sa Maison qui se trouvaient là s’empressèrent de lui faire au moins un rempart de leurs corps si les intentions qu’on ne manifestait que trop venaient à s’exécuter. Mais il fallait que le Roi bût le calice jusqu’à la lie ; ses fidèles serviteurs lui furent arrachés avec violence. Enfin, après avoir enduré pendant une heure trois quarts tous ces outrages, Sa Majesté fut contrainte de céder et de rentrer dans sa prison, car après cela on ne saurait appeler autrement son palais.

Son premier soin fut d’envoyer chercher le directoire du département, chargé par état de veillé à la tranquillité et à la sûreté publique, et de l’instruire de ce qui venait de se passer. Le lendemain, elle se rendit elle-même à l’Assemblée nationale pour lui faire sentir combien cet événement était contraire même à la nouvelle constitution. De nouvelles insultes furent tout le fruit que le Roi retira de ces démarches ; il fut obligé de consentir à l’éloignement de sa Chapelle et de la plupart de ses grands officiers, et d’approuver la lettre que son ministre à écrite en son nom aux Cours Étrangères, enfin d’assister le jour de Pâques à la messe du nouveau curé de Saint-Germain-l’Auxerrois.

D’après tous ces motifs, et l’impossibilité où le Roi se trouve à présent d’opérer le bien et d’empêcher le mal qui se commet, est-il étonnant que le Roi ait cherché à recouvrer sa liberté et à se mettre en sûreté avec sa famille ?

Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d’une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre Roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n’aura-t-il pas d’oublier toutes ces injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu’une Constitution qu’il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable et utile pour son action, que les biens et l’état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu’enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables.

 

A Paris, le 20 juin 1791, Louis.

Le Roi défend à ses ministres de signer aucun ordre en son nom jusqu’à ce qu’ils aient reçu ses ordres ultérieurs, et il enjoint au Garde du Sceau de l’État, de le lui renvoyer d’abord qu’il en sera requis de sa part.

A Paris, le 20 juin 1791, Louis « 

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